En 1959, quand Jacques Brel écrivait ces paroles, il ne pensait sûrement pas que ce pays pouvait un jour être la Belgique. Car les orages de ces 28 et 29 avril 2007 nous offrent les seules « perles de pluie » pendant que la sécheresse, dans la plupart des régions de notre pays, est absolue.
Les provinces d’Anvers, des deux Brabant, du Limbourg et une partie de la province de Liège ne reçoivent aucune goutte pendant tout le mois d’avril ! Les provinces de Flandre Occidentale et Orientale n’enregistrent que d’infimes précipitations locales (0,1 mm à Middelkerke et 0,1 mm à Moerbeke le 3 avril), tout comme Bruxelles (quelques gouttes à Schaerbeek et à Woluwe le 25 avril). Il n’y a que le 28 avril où les provinces de Namur et de Hainaut connaissent des précipitations plus soutenues, grâce à des orages, et le 29 avril où c’est le cas dans la province de Luxembourg et, très localement aussi, dans la province de Liège vers la région de Stavelot.
En venant tout d’abord au mois d’avril 2007, celui-ci s’avère extraordinaire à plus d’un titre.
En premier lieu, les températures. C’est le mois d’avril le plus chaud de tous les temps en Belgique avec surtout des valeurs inédites au niveau des maximas. Il y a plus de 20°C en moyenne dans de très nombreuses régions avec 22,0°C à Kleine Brogel (province de Limbourg), 21,5°C à Wasmuel (province de Hainaut) et 21,1°C à Stabroek (province d’Anvers). À Uccle, les 20,5°C pulvérisent le précédent record de 1946 qui était de 17,4°C ! Mais plus tard, en 2011, la moyenne des maximas se rapproche de celle de 2007 mais sans la dépasser (19,6°C).
Le 15 avril 2007 devient le jour de canicule le plus précoce de l’histoire belge avec 30,8°C à Begijnendijk (province du Brabant flamand), 30,4°C à Stabroek (province d’Anvers), 30,1°C à Koersel et 30,0°C à Kleine Brogel (toutes deux en province de Limbourg). D’ailleurs, on mesure 30,7°C le lendemain, 16 avril à Kleine Brogel). Une seule fois par le passé, la canicule a été presque aussi précoce. Ce fut en 1949 avec 30,6°C à Rochefort (province de Namur), le 17 avril. Mais l’ensemble du mois d’avril 1949 n’arrive pas à la cheville de 2007.
En matière d’insolation aussi, tous les records sont pulvérisés. À Uccle, on arrive à 301 heures de soleil (précédent record : 256 heures en 1893), un chiffre qui serait remarquable même en juillet ! Ostende (province de Flandre Occidentale), Kleine Brogel (province de Limbourg) et Saint-Hubert (province de Luxembourg) ont en outre une insolation de quelques heures supérieure à celle d’Uccle.
Dans pareil contexte (chaleur précoce, soleil à profusion et absence souvent complète de précipitations), il n’est pas étonnant que l’humidité relative de l’air devienne extrêmement basse certains jours. Le 15 avril 2007 par exemple, l’humidité descend à 14% à Schaffen (province du Brabant flamand et à 16% à Kleine Brogel (province de Limbourg). Le lendemain, on note 17% aux deux stations.
Les autres jours, les taux sont moins extrêmes mais l’humidité reste souvent fort basse. Les seules manifestations de l’instabilité sont des tourbillons de poussière comme on en observe les 21 et 25 avril 2007.
Les 28 et 29 avril 2007, sur la majeure partie de la Belgique, ne sont guère différents. Sauf au sud des provinces de Namur et de Hainaut où une petite ligne de convergence parvient à attirer un air un peu plus humide. Avec des températures qui restent élevées (26,6°C à l’aéroport de Charleroi (province de Hainaut), 28,2°C à Wasmuel, près de Mons (province de Hainaut)) et grâce à la convergence précitée, les nuages convectifs parviennent enfin à se développer.
Les cumulus, généralement modestes dans le restant du pays, passent rapidement au stade de cumulonimbus dans la région précitée et, même si la plupart des cellules orageuses restent relativement modérées, un groupe d’entre elles, parti de la Haute Meuse, se renforce en traversant l’Entre-Sambre-et-Meuse en direction du Hainaut. Au sud de Charleroi, l’orage est accompagné d’une activité électrique assez intense pour la saison, caractérisée notamment par de nombreux coups de foudre bruyants.
Capture vidéo d’un éclair internuageux sous l’orage du 28 avril 2007 dans la région de Charleroi, en province de Hainaut.
Le lent déplacement des précipitations conduit à des cumuls parfois conséquents. À Dourbes (province de Hainaut), on relève 23,3 mm d’eau tandis que certaines stations de particuliers arrivent à près de 40 mm de précipitations. Il en résulte de multiples inondations de chaussées et de caves.
L’orage poursuit ensuite sa route vers Mons en s’atténuant quelque peu (encore 7,6 mm d’eau à Wasmuel) et finit par se dissiper avec la tombée du jour.
Le 29 avril 2007, c’est au tour de la province de Luxembourg (et localement aussi de la province de Liège du côté de Stavelot) à connaître des précipitations orageuses. Alors que le temps demeure sec au centre du pays, le sud assiste à nouveau à la formation de cumulonimbus orageux dès le milieu de l’après-midi. Le maximum de précipitations, cette fois-ci, est observé à Givry (Bertogne) avec 13,1 mm, suivi par Nadrin avec 11,1 mm et Libramont avec 10,2 mm (toutes ces régions étant situées en province de Luxembourg).
Ailleurs dans le pays, la sécheresse perdure et seuls de nouveaux tourbillons de poussière trahissent l’instabilité.
Cette situation perdure encore jusqu’au 5 mai 2007 avec comme conséquence, la plus longue période sans pluie jamais observée à Uccle, 36 jours en l’occurrence (précédent record : 35 jours en 1887). Puis, l’année 2007 retourne à la normale et ne se fait guère plus remarquer sur le plan météorologique, mise à part, bien sûr, la tornade F2 qui a lieu le 13 mai 2007 à Honsfeld et Buchholz, non loin de Bullange (province de Liège).