Le samedi 7 août 2021, une ligne orageuse de type LEWP traverse une partie de la Belgique en fin d’après-midi. Venant de la littérature anglophone, un LEWP ou « Line Echo Wave Pattern » correspond à la présence de plusieurs échos en arc (ou Bow Echo en anglais) au sein du système orageux linéaire, ce qui lui donne l’apparence d’une ondulation en forme de vagues sur une image radar, d’où le nom donné à ce type d’organisation. Les « creux de ces vagues » (appelés RIN ou Rear Inflow Notch en anglais), visibles à l’arrière des orages, représentent des endroits où le flux d’altitude pénètre l’axe orageux en étant parfois rabattu vers le sol. Ces endroits sont souvent le siège de très fortes rafales de vent, voire de rafales descendantes. De même, ces « creux » amènent également des zones de rotations dans les cellules, pouvant parfois engendrer des tornades.
Pour revenir aux conditions atmosphériques du jour, elles sont favorables à la survenue d’orages multicellulaires (ponctuellement supercellulaires) costauds. En effet, nous retrouvons un système dépressionnaire sur les îles Britanniques, responsable du temps instable et relativement frais qui perdure quotidiennement en ce début août. En Méditerranée, des anticyclones font remonter de l’air très chaud depuis l’Afrique et la canicule règne, avec des températures dépassant localement les 45°C en Grèce et en Italie. Séparant l’air tropical de l’air maritime, nous retrouvons un front ondulant de l’Espagne à l’Autriche.
Situation synoptique du 7 août 2021 à 14h00. Source : KNMI
En altitude, un talweg prononcé plonge vers l’Europe Occidentale, amenant de l’air froid. Une branche du Jet Stream est à l’origine d’un contexte plutôt divergent en altitude. En outre, un creux secondaire se déplace durant l’après-midi depuis le nord de la France vers la Belgique, avec plusieurs lignes de convergences qui lui sont associées. On note aussi qu’un cisaillement modéré est présent dans les basses couches.
Ainsi, l’instabilité diurne grimpe autour de 1000 J/kg de MUCAPE. De nombreuses averses se développent alors en cours de journée. Nous avons aussi la présence d’une couche d’air sec en altitude, ce qui autorise la survenue de puissantes rafales de vent.
Les premières averses se forment à partir de 13h00 sur la Belgique. Une heure plus tard, des orages multicellulaires assez actifs sévissent en France, entre Rouen et Abbeville. Ces orages se structurent en un LEWP qui progresse vers le nord-est en direction de notre pays. Vers 15h00, deux lignes convectives se dessinent. La première, de Gand, en province de Flandre Orientale, à la région de Reims, en France, n’est pas très active, sauf dans sa partie française, et finira par se dissiper chez nous.
Le second axe orageux, qui reprend le LEWP français, tend à se prolonger aussi bien au sud qu’au nord. Dès lors, nous avons une ligne qui part de Bruges en province de Flandre Occidentale, pour descendre ensuite en France sur Amiens puis Dreux. Les orages les plus actifs touchent la région lilloise vers 15h30, avec un écho en arc fort prononcé sur le radar au sein du LEWP, signe d’un orage virulent. Il entre ensuite en Belgique, mais en perdant un peu de sa vigueur, sa nature de LEWP s’effaçant progressivement au profit de segments actifs plus individualisés, qui présentent parfois des écho en arc.
Image issue du radar des précipitations le 7 août 2021 à 15h35. Source : Meteociel
Cependant, des cellules assez vigoureuses touchent tout de même la province de Hainaut, avec de fortes rafales de vent, des pluies intenses et localement quelques chutes de grêle. Atour de 17h00, nous avons trois orages forts. Entre Gand et Anvers, dans la région de Mons (où une cellule prend transitoirement des caractéristiques supercellulaires le long de la frontière) et près de Saint-Quentin en France. Vers 17h45, l’axe orageux, qui se trouve entre Anvers et Couvin, en province de Hainaut, présente encore des noyaux bien actifs, représentés par des échos en arc sur les images radar.
D’ailleurs, dans la région de Charleroi en province de Hainaut, un arcus est observé à son passage (cette section est issue de la possible supercellule sud-montoise), ainsi que de fortes rafales de vent et des pluies intenses. On relève notamment une rafale de 97 km/h à Gosselies en province de Hainaut tandis que des inondations sont ensuite observées à Villers-la-Ville et Chastre en province du Brabant Wallon.
Coup de foudre sous l’orage qui transite sur la région de Charleroi, observé depuis Heppignies en province de Hainaut, le 7 août 2021 vers 17h45.
Arcus devançant l’orage multicellulaire à Heppignies, en province de Hainaut, le 7 août 2021 vers 18h00.
Arrivée d’un rideau de précipitations intenses à Heppignies, en province de Hainaut, le 7 août 2021 vers 18h00.
Coulée de boue à Mellery, en province du Brabant Wallon, le 7 août 2021 vers 18h15.
En outre, la première ligne orageuse, qui avait tendance à se dissiper, reprend de la vigueur en Gaume et sur les Ardennes françaises, où plusieurs orages sévissent avant de filer vers le Grand-Duché de Luxembourg.
Pendant ce temps, l’axe orageux principal continue sa progression vers le nord-est. Il reste surtout actif dans sa partie sud, depuis l’Entre-Sambre-et-Meuse jusqu’au Condroz namurois. Dans la région de Ciney en province de Namur, vers 19h00, l’un de nos observateurs rapporte le passage d’une zone de rotation, avec des fractus aspirés près du sol. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’une faible tornade ait pu se produire, d’une durée de vie très brève, les conditions étant de plus propices en ce jour. Nous n’avons cependant aucune preuve que des dégâts aient été perpétrés.
Par après, les orages perdent rapidement en intensité et la ligne convective se dissipe. À 20h00, seule subsiste une zone active entre Marche-en-Famenne et Bouillon en province de Luxembourg, mais toute caractéristique d’un LEWP est alors perdue, et ces cellules récalcitrantes finissent par subir le même sort que les autres. En outre, de nouvelles averses se forment à l’arrière sur l’ouest du pays, mais elles ne présentent plus aucune sévérité particulière tandis qu’elles se propagent aux autres régions. Cette instabilité résiduelle persistera par ailleurs jusqu’en milieu de nuit.