Dans la nuit du lundi 14 au mardi 15 août 2023, et pour la première fois depuis plusieurs semaines en Belgique, des orages assez actifs ont concerné les provinces de Namur, de Liège et de Luxembourg, avec une composante foudre par moments assez marquée. Ces orages ont quelque peu surpris en raison de leur étendue. En effet, les modèles prévoyaient plutôt un faible risque d’orage local. Au final, c’est un système orageux assez bien organisé qui a concerné le sud et l’est du pays.
Impacts de foudre relevés entre le 14 août 20h00 et le 15 août 20h00. Source: Lightningmaps
Ainsi, en début de nuit, de premières cellules faiblement électriques se présentent à la frontière franco-belge, au niveau de la région de Bouillon et de Florenville, en province de Luxembourg. Toutefois, elles ne perdurent pas dans le temps.
À l’inverse, d’autres orages évoluent sur la France puis gagnent l’Ardenne. Ils s’étaient auparavant développés peu avant minuit sur l’Île-de-France. Vers 1h00 du matin, cette zone orageuse prend davantage de vigueur et commence à se structurer en un MCS sur le sud du département de l’Aisne. Ensuite, en progressant vers le sud de la Belgique, ce système se voit adjoindre d’autres orages à son sud, pour atteindre la Belgique vers 2h30 par l’Ardenne namuroise. L’activité électrique est par moments assez soutenue, tandis que de nombreux coups de foudre sont observés.
Coup de foudre observé durant la nuit du 14 au 15 août 2023 depuis Waha, en province de Luxembourg.
Dans la demi-heure qui suit, la partie sud du système entre sur la province de Luxembourg. Au départ linéaire, l’axe orageux évolue à cet endroit en un écho en arc (bow echo en anglais), structure orageuse connue pour son potentiel venteux. Un camp scout est ainsi sévèrement touché par de violentes rafales dans la région de Herbeumont (province de Luxembourg). Ce dernier est évacué par les services de secours en raison des dommages portés aux infrastructures et de la chute de quelques arbres. En outre, 5 blessés légers sont pris en charge.
Coups de foudre observés au passage du système orageux sur la province du Luxembourg, la nuit du 14 au 15 août 2023, depuis Waha.
Par après, aux alentours de 3h00, la partie active du système s’étire du nord au sud à travers toute la province de Luxembourg ainsi que jusqu’à la région de Dun-sur-Meuse côté français. À ce moment, la structure orageuse s’approche d’un système orageux linéaire en vague (soit un LEWP (Line Echo Wave Pattern) en anglais), mais cette organisation ne perdure pas dans le temps. On note une activité électrique intense sur le centre de la province de Luxembourg (plutôt intranuageuse), tandis que la région de Marche-en-Famenne voit tomber de réguliers coups de foudre. Plus en retrait, on note aussi une petite cellule sur l’Entre-Sambre-et-Meuse, celle-ci progressant en direction de Namur.
Radar de précipitations à 3h00, le 15 août 2023, avec un écho en arc évoluant alors entre Libramont et Florenville. Source: Meteociel
Vers 3h30, l’écho en arc concerne la région de Bastogne et de Martelange, tandis que l’extrémité sud du système orageux, elle aussi très active, balaie la région de Virton avant de s’affaiblir rapidement. L’ensemble orageux finit par évacuer la Belgique en direction de l’Allemagne et du Grand-Duché de Luxembourg, après avoir également concerné une partie de la province de Liège. Le gros de l’activité se trouve en-dehors de notre pays peu après 4h00, moment où l’activité commence à décliner peu avant l’apparition du jour.
Enfin, à l’arrière, d’autres cellules faiblement orageuses évoluent encore ça et là jusqu’à l’aube, de façon anecdotique.
Pour en revenir à la situation atmosphérique, les conditions mi-figue mi-raisin prêtaient à une certaine circonspection quant au développement d’orages étendus. Toutefois, l’instabilité demeurait bien présente malgré la nuit (MUCAPE autour de 1000-1500 J/kg), entretenue par une advection d’air chaud et humide dans les premiers kilomètres d’altitude (et par-dessus une couche d’air plus « frais » et stable près du sol), au niveau d’un front ondulant stagnant sur le nord de la France et le sud-est de la Belgique. Par contre, la dynamique était plutôt moyenne, avec une entrée droite de Jet-stream surplombant la région concernée, mais cependant peu développée. En basses couches, on notait également l’absence de convergences structurées sur la zone concernée. Il est d’ailleurs possible que ces basses couches n’aient que peu contribué à l’organisation des orages, ceux-ci semblant (pour une partie du moins) s’être développés à l’étage moyen; les ascendances les générant ne partant pas du sol mais d’un peu plus haut. La hauteur des bases nuageuses de certaines cellules (parfois plus de 2500 mètres), permettant l’observation de hauts coups de foudre, est un argument en faveur de cette convection élevée (elevated convection en anglais).