Le début de l’année 2024 est fort chahuté en Belgique. En effet, nos régions continuent à être soumises à un flux d’ouest perturbé. Déjà autour de la Noël 2023, les précipitations régulières ont causé quelques inondations et des crues dans l’est du pays. Mais en ce début d’année 2024, nous subissons un épisode pluvieux important d’environ 48h, réparti sur trois jours, qui engendre de nouvelles inondations, localement importantes. Nous allons détailler cet épisode, qui commence en soirée du 1er janvier pour se terminer en soirée du 3 janvier.
1er janvier 2024
En ce premier jour de la nouvelle année, nous continuons donc par être influencés par des courants océaniques perturbés d’ouest-sud-ouest basculant au sud-ouest sous l’influence de diverses dépressions sur l’océan Atlantique et d’une crête anticyclonique campant sur l’Espagne. L’anticyclone d’air froid se trouve encore assez loin au nord, sur le Nord de la Scandinavie, qui connaît des températures remarquablement basses.
Analyse de surface du 1er janvier 2024 à 13h00, heure locale. Source: KNMI
Durant la journée, notre pays bénéficie d’une petite accalmie entre deux perturbations, avec d’abord un mix de cumulus et de stratocumulus donnant encore quelques petites pluies ou averses, avec même quelques éclaircies sur l’ouest qui permettent d’observer ces développements instables. Ensuite, les précipitations cessent mais le ciel se couvre déjà de cirrostratus et d’altostratus annonciateurs de la perturbation suivante, qui sera beaucoup plus active. Ainsi, dans l’après-midi, les pluies nous reviennent à partir du sud-ouest en avançant progressivement vers l’est.
En surface, les vents soufflent de sud-ouest avant de tourner au sud en soirée, avec une intensification des précipitations. Dans l’air pré-frontal un peu plus frais, les températures maximales (en légère baisse par rapport à la veille) atteignent 10°C au littoral, 8 à 9°C en plaine et 3 à 4°C sur les hauteurs. Durant la nuit suivante, notre pays repasse du côté chaud des perturbations avec des températures qui remontent fortement en fin de nuit, mais toujours sous des précipitations abondantes.
2 janvier 2024
Le lendemain, une dépression dénommée « Henk » se déplace de l’Atlantique à la Mer du Nord, en passant par le sud des Îles Britanniques.
Analyse de surface du 2 janvier à 13h00, heure locale. Source: KNMI
Notre pays reste longtemps dans le secteur chaud d’une perturbation très active, avec de fortes précipitations surtout sur le sud et l’est du pays. Les températures sont fort élevées pour la saison, avec 14°C au littoral et sur l’ouest du pays, 12 à 13°C sur le centre et 7 à 8°C sur les hauteurs.
Le ciel est couvert d’un nimbostratus pluvieux avec ses habituels stratocumulus doublés de cumulus ou de stratus fractus à bas niveau. Le vent en surface souffle de sud à sud-ouest en s’intensifiant, avec des rafales tempétueuses atteignant 100 km/h en mer dès l’après-midi avant de franchir ce seuil en soirée au littoral juste après le passage du front froid, avec une composante convective. Ainsi, on mesure jusqu’à :
- 118km/h à Dunkerque (département du Pas-de-Calais, en France)
- 104 km/h à Middelkerke (province de Flandre Occidentale) et Vlissingen (Zélande, aux Pays-Bas)
- 91 km/h à Beitem (province de Flandre Occidentale)
Des rafales supérieures à 80 km/h sont observées dans toute la partie ouest du pays et ponctuellement aussi au-dessus du centre. Malheureusement, une victime est à dénombrer à Kaprijke, en Flandre Orientale, heurtée par une barrière qui s’est envolée. D’autres dégâts sont observés à travers le pays, avec essentiellement des arbres déracinés, des branches brisées, et des coupures de courant.
De plus, l’accumulation des précipitations devient importante, et des inondations avec coulées de boue posent des problèmes dans certaines régions du pays, notamment dans le centre sur les vallées de la Dendre et de la Seine, mais surtout en Gaume, où la situation est davantage préoccupante, notamment dans les localités de Neufchâteau, Mellier, Virton, Arlon et Messancy. L’administration communale de Martelange doit ainsi fermer ses portes car le bâtiment est inondé, tandis que le village de Rouvroy, dans l’extrême sud-ouest de la Gaume, se retrouve sans électricité.
3 janvier 2024
En milieu de nuit, la perturbation s’évacue enfin vers l’Allemagne. Cependant, notre pays se retrouve dans un air post-frontal très instable, où se dessinent également quelques lignes de convergence. Dans cet air polaire maritime très indirect, les maximas de température ne montent guère moins haut que la veille, avec des valeurs souvent proches de 10°C en plaine et de 4 à 5°C sur les hauteurs. Toutefois, en altitude, on est proche des normes saisonnières avec 1°C au niveau 850 hPa (vers 1300 mètres) et –9°C au niveau 700 hPa (vers 2850 mètres).
Il en résulte une instabilité assez forte pour la saison, avec le développement de nombreuses averses dès la fin de nuit. Au lever du jour, de nombreuses localités se réveillent les pieds dans l’eau. Des alertes de crue sont lancées dans les bassins de la Semois, la Vierre, la Chiers, l’Our, l’eau Noire, le Viroin, l’Eau d’Heure, la Lesse, la haute Meuse, la Senne, la Dendre et la Lys.
Situation des cours d’eau en Wallonie le 3 janvier 2024. Source : l’Hydrométrie en Wallonie
Crue de la Semois à Florenville, en province de Luxembourg, le 3 janvier 2024.
Plusieurs évacuations sont menées suite à la brusque montée des eaux, notamment à Petigny en province de Namur. À Annevoie, en province de Namur, la rupture d’une digue engendre beaucoup de dégâts suite à un torrent qui dévale dans le village, rendant inhabitable plusieurs habitations. En Flandre, de nombreuses routes et habitations sont inondées par la Dendre et ses affluents, le plan catastrophe provincial est même déclenché en province de Flandre Orientale et en Brabant Flamand.
Route inondée par la Semois à Les Bulles, en province de Luxembourg, le 3 janvier 2024.
En cours de journée, des orages se développent aussi par endroits. Ces derniers se montrent bien actifs, avec des chutes de grêle locales et même la survenue d’une tornade près de Malines (voir article dédié pour plus d’informations). Toute cette instabilité apporte de nouvelles précipitations, qui aggravent les inondations dans certaines vallées. Enfin, en début de nuit, le temps se calme, mettant un terme à cet épisode pluvieux. Durant celui-ci, les quantités de précipitations suivantes ont été relevées (avec entre parenthèses, la quantité du 2 janvier soit le jour le plus pluvieux) :
- 121,2 (72,5) mm à Saint-Vincent (Wundermap), province de Luxembourg
- 119,5 (83,7) mm à Straimont (SPW), province de Luxembourg
- 119,2 (86,9) mm à La Forêt (Wundermap), province de Namur
- 117,7 (81,5) mm à Laviot (Wundermap), province de Luxembourg
- 113,8 mm (73,7) mm à Toernich (Wundermap), province de Luxembourg
- 113,3 (74,4) mm à Bouillon (SPW), province de Luxembourg
- 109,6 (73,5) mm à Bertrix (SPW), province de Luxembourg
- 107,2 (71,1) mm à Orgéo, province de Luxembourg
- 105,9 (71,7) mm à la Croix-Scaille (SPW), province de Namur
- 103,4 (79) mm à Lamorteau (MB), province de Luxembourg
- 99,4 (64,6) mm à Etalle (MB), province de Luxembourg
- 98 mm (65,3) mm à Habay-la-Neuve (Wundermap), province de Luxembourg
- 92,7 (72,4) mm à Rochehaut (BMCB), province de Luxembourg
- 90,2 (51,9) mm à Namoussart (SPW), province de Luxembourg
- 81,7 (58,7) mm à Cul-des-Sart (SPW), province de Namur
- 66,4 (43,2) mm au Mont-Rigi (IRM), province de Liège
Comme nous pouvons le voir, le sud du pays a été le plus concerné par les fortes pluies, avec, sur la seule journée du 2 janvier, environ 50 à 80 mm de précipitations. Vers le centre de la Belgique, sur la durée de l’épisode, on tourne autour de 30 à 40 mm (pour 80 à 120 mm sur le sud). Dès lors, il n’est pas étonnant que des inondations soient observées. Ces crues sont remarquables sur la Haute Semois, la Vierre et la Rulles (en Gaume) ainsi que sur la Dendre en Flandre, mais ailleurs, la situation est plutôt classique.
Crue de la Vierre à Suxy, en province de Luxembourg, le 3 janvier 2024.
En comparaison, on mesure, sur un mois de janvier, une moyenne de 76,1 mm à Uccle. Nous sommes donc face à un épisode remarquable, mais pas exceptionnel. Par contre, notre pays est assez épargné en comparaison avec nos voisins. En effet, l’Allemagne, le Royaume-Uni ainsi que le nord de la France connaissent des inondations d’une toute autre ampleur. En France, par exemple, des niveaux d’eau historiques sont atteints dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord sur l’Aa et la Lys, pourtant déjà touchés, il y a peu, par des crues catastrophiques.
Ces inondations sont amplifiée par la récurrence des précipitations qui nous arrosent depuis le mois d’octobre. Par exemple, la Croix-Scaille enregistre, entre le 12 octobre et le 3 janvier, un total de 760 mm et Bouillon 700 mm, soit la pluviométrie annuelle d’Uccle.
Carte des cumuls de précipitations entre le 10 octobre 2023 et le 2 janvier 2024 en Belgique. Source : IRM
Enfin, chez nous, la crue de la Semois continuera vers l’aval pour toucher Bouillon le 4 janvier et Vresse-sur-Semois le lendemain, tandis qu’ailleurs dans le pays, la situation revient peu à peu à la normale, avec l’établissement d’un flux de nord-est froid mais sec, mettant en pause la période perturbée que nous connaissons depuis la mi-octobre.