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31/07-01/08/2024 – Orages « tropicaux »

    Résumé

    Entre la soirée du mercredi 31 juillet et la matinée du jeudi 1er août 2024, de nombreux orages ont concerné la Belgique. Générés par une masse d’air très instable et humide d’origine tropicale mais peu dynamique, ces foyers orageux ont progressé lentement, apportant de très fortes précipitations sur le Hainaut notamment, où des inondations importantes sont survenues à la suite de ces pluies stationnaires. Localement, les cumuls ont atteint les 100 mm en quelques heures seulement.

    Situation atmosphérique

    Une masse d’air moite, advectée depuis des latitudes (sub)tropicales, a gagné nos régions dans la journée du 31 juillet, apportant un ressenti très lourd. Si les maximales n’étaient pas franchement élevées pour une telle masse d’air (autour de 25 à 30°C), les points de rosée, eux, l’étaient, tournant autour de la vingtaine de degrés. Ces paramètres élevés illustraient bien le contenu important de la masse d’air en humidité, et donc le risque de fortes précipitations en cas d’orages. Cette masse d’air, sous l’effet combiné du réchauffement par le soleil dans les basses couches et de l’arrivée d’air plus froid en altitude, a alors acquis des paramètres d’instabilité remarquablement élevés (généralement supérieurs à 2500 J/kg en termes de MUCAPE).

    En basses couches, une mésodépression remontait depuis le nord-ouest de la France en direction de la Belgique en cours de soirée, tandis qu’une petite ligne de convergence s’établissait en travers de notre pays, mettant en place les ascendances nécessaires aux déclenchements convectifs.

    Analyse de surface du 1er août 2024 à 2h00. Source : KNMI.Analyse de surface du 1er août 2024 à 2h00. Source : KNMI

    Par contre, cette masse d’air instable n’était que très peu dynamique, avec l’absence de courants significatifs, et ce compris en haute troposphère. Il n’y avait ainsi que des cisaillements de vent limités. Une dynamique aussi faible débouche sur des orages peu structurés, se développant anarchiquement (en compliquant la prévision) mais, compte tenu de l’énergie disponible, leur potentiel n’en demeurait pas moins intense. C’est ce qui s’est passé durant la nuit du 31 juillet au 1er août en Belgique.

    Déroulé de l’offensive

    Peu avant 23h00, dans une ambiance toujours très lourde malgré l’arrivée de la nuit, un orage se développe de manière explosive juste au sud de Lille, en France. Il devient rapidement multicellulaire et se propage lentement sur le Tournaisis, en Hainaut occidental. Ensuite, de nouveaux foyers se forment et viennent se greffer à l’orage d’origine, notamment sur les régions de Ath et de Courtrai. Durant la première demi-heure de son existence, l’activité électrique est proprement exubérante, avec parfois plusieurs éclairs par seconde, avant de légèrement diminuer mais demeurant globalement intense.

    Autour de 1h00 du matin, un axe multicellulaire orienté ouest-est se constitue, depuis la Manche jusqu’à la région d’Enghien, en passant par Lille et Tournai. Cet axe a beau être peu étendu en largeur, compte tenu du lent déplacement des cellules (qui plus est avec un comportement de plus en plus erratique), certaines localités connaissent des précipitations diluviennes, surtout sur l’ouest et le nord du Hainaut. De nombreuses inondations par ruissellement en résultent, notamment dans les régions de Tournai, Ath, Lessines, Enghien, Ellezelles et Leuze-en-Hainaut où les coulées de boue envahissent les rues et les habitations vulnérables, avec parfois plusieurs dizaines de centimètres d’eau et de boue.

    Inondations à Ollignies (Lessines) en province de Hainaut, le 1er août 2024. Source : Notélé.Inondations à Ollignies (Lessines) en province de Hainaut, le 1er août 2024. Source : Notélé

    À Leuze-en-Hainaut, le flanc de l’orage se précède d’un arcus bien dessiné et mis en évidence par l’activité électrique demeurant soutenue, mais essentiellement intranuageuse. En outre, de la grêle est également signalée par endroits.

    Arcus observé depuis Dergneau, en province de Hainaut, durant la nuit du 31 juillet au 1er août 2024. Arcus observé depuis Dergneau, en province de Hainaut, durant la nuit du 31 juillet au 1er août 2024.

    Vers 1h30 du matin, l’activité de ce système retombe. Par contre, d’autres orages éclatent plus à l’ouest, sur la Manche et la région littorale des Hauts-de-France ainsi que sur la province de Flandre Occidentale, sévissant pour une bonne partie de la nuit. Alors qu’en France, les orages sont très actifs, dans le reste de la Belgique, l’activité orageuse est à présent quasi-nulle, tandis que la pluie diminue en intensité, mais pour un moment seulement.

    En effet, en milieu de nuit, des orages éclatent sur l’Entre-Sambre-et-Meuse (un vers Couvin, l’autre près de Sivry-Rance), mais leur durée de vie n’excède pas l’heure. Alors que vers 4h00, leurs restes pluvieux progressent vers le sillon Sambre-et-Meuse, un nouvel axe orageux se développe sur le Hainaut occidental, touchant encore une fois Tournai, Enghien et Ath. Plus à l’ouest, un amas orageux sur les Hauts-de-France et la Flandre Occidentale se dirige en partie à nouveau vers le Tournaisis, l’ensemble formant maintenant un MCS.

    Par après, vers 5h00, on observe un renforcement de cet axe qui va à présent de Lille à Bruxelles, avec une série d’orages multicellulaires qui deviennent localement soutenus et qui délivrent à nouveau de grandes quantités de précipitations. Des inondations conséquentes se produisent alors dans le nord du Hainaut, notamment dans les régions de Ath, Enghien, Tournai, Ellezelles, Frasnes-lez-Anvaing et Lessines où des dizaines de cours d’eau déjà saturés connaissent des crues éclairs. Des évacuations d’habitants doivent être menées par les services de secours à Ollignies et Ostiches, où un camp scout est piégé par la montée des eaux. À Papignies, 33 vaches sont aussi sauvées de la noyade. En certains endroits, la situation est exceptionnelle et des plans d’urgence communaux sont déclenchés. Rien que sur la zone de secours de Wallonie Picarde, plus de 600 appels ont été enregistrés.

    Inondations à Wodecq (Ellezelles) en province de Hainaut, le 1er août 2024. Source : Notélé.Inondations à Wodecq (Ellezelles) en province de Hainaut, le 1er août 2024. Source : Notélé

    La circulation devient très difficile même sur les grands axes, tels que la E42, l’A8 et la E429, complètement inondés par endroits. De nombreuses voies de chemin de fer sont aussi coupées. Enfin, de très nombreuses localités dans et autour des communes mentionnées connaissent des problèmes, de sorte qu’il n’est pas possible de toutes les énumérer.

    En parallèle, une série de cellules qui se développent également sur la Hesbaye, deviennent orageuses puis acquièrent une activité électrique soutenue alors qu’on les retrouve alignées de Jodoigne à Huy. Cet axe se greffe alors autour de 5h30 à la ligne déjà présente plus à l’ouest, pour former un assemblement multicellulaire qui atteint son paroxysme juste au nord de la frontière linguistique sur le sud des provinces du Brabant Flamand et de Limbourg. À ce moment, la région bruxelloise est également concernée.

    En-dehors de ces orages (et parfois à proximité de ceux-ci), l’ambiance reste très lourde, avec par endroits la formation de brume par une vingtaine de degrés, alors que des éclairs sont visibles à quelque distance. L’ensemble donne un petit goût d’ambiance tropicale à nos contrées peu habituées à une telle moiteur.

    Compte tenu du déplacement lent des cellules, de nouvelles inondations sont observées à cause des précipitations diluviennes, notamment dans plusieurs communes bruxelloises, telle que Woluwe-Saint-Pierre où l’eau atteint le mètre dans certaines habitations. De nombreuses voiries et plusieurs tunnels sont impraticables. Les régions de Louvain, Boutersem et Tirlemont, dans le Brabant Flamand, sont également très touchées. Outre les nombreuses coulées de boues et caves inondées, le trafic ferroviaire se retrouve paralysé. De même, l’autoroute E40 se retrouve sous eau par endroits, comme à Hoegaarden.

    À partir de 6h00, l’activité commence à décliner, les orages s’évacuant en direction du nord. Par contre, dans l’ouest du Hainaut et sur le département du Nord, le déplacement s’effectue plutôt vers l’est. Cela s’explique par l’établissement d’un MCV centré sur la frontière franco-belge proche du littoral, autour de la mésodépression.

    Radar des précipitations et des impacts de foudre observés vers 5h30 le 1er août 2024. Source : Meteociel

    Par la suite, avec le lever du jour, ces orages perdent progressivement en vigueur. Par contre, on observe une multiplication de cellules peu intenses sur notre territoire et sur le nord de la France, mais leur durée de vie n’est guère importante. L’extrême sud-est de la Belgique est, par exemple, concerné aussi, des foyers se formant côté français pour gagner la région de Virton.

    En début de matinée, et pour les heures suivantes, une bonne partie de la Belgique se retrouve occupée par de multiples averses, peu ou faiblement orageuses, tandis que vers 10h30, de nouveaux orages concernent la Lorraine belge. Ils quittent cependant rapidement le pays en direction du Grand-Duché de Luxembourg en faiblissant.

    Dans l’après-midi, des averses continuent d’opérer sur la province de Liège et une partie de celle du Luxembourg, mais l’épisode orageux est quant à lui bel et bien terminé. Ainsi, au niveau des cumuls de précipitations, ils sont logiquement très élevés par endroits, aussi bien sur le réseau officiel qu’amateur (les estimations radars sont cohérentes avec les valeurs)  :

    • 113 mm à Rongy (amateur, province de Hainaut)
    • 101,1 mm à Lahamaide (amateur, province de Hainaut)
    • 101 mm à Lessines (MeteoBelgique, province de Hainaut)
    • 99,8 mm à Saint-Sauveur (amateur, province de Hainaut)
    • 97,8 mm à Templeuve (WunderMap, province de Hainaut)
    • 97 mm à Béclers (amateur, province de Hainaut)
    • 83 mm à Kessel-Lo (WunderMap, province du Brabant Flamand)
    • 79,7 mm à Frasnes-lez-Buissenal (WunderMap, province de Hainaut)
    • 77 mm à Izières (amateur, province de Hainaut)
    • 70,4 mm à Tournai (MeteoBelgique, province de Hainaut)
    • 69,4 mm à Lamain (Agromet, province de Hainaut)
    • 66,2 mm à Ath (MeteoBelgique, province de Hainaut)
    • 65,2 mm à Ormeignies (Agromet, province de Hainaut)
    • 64,8 mm à Hérinnes (IRM, province de Hainaut)
    • 64,6 mm à Heverlee (WaterInfo, province du Brabant Flamand)
    • 60,5 mm à Rumillies (MeteoBelgique, province de Hainaut)
    • 57,6 mm à Nechin (IRM, province de Hainaut)
    • 56,9 mm à Houthalen (WaterInfo, province de Limbourg)
    • 55,6 mm à Rumes (MeteoBelgique, province de Hainaut)
    • 54,9 mm à Kain (SPW, province de Hainaut)
    • 54,4 mm à Woluwe-Saint-Pierre (MeteoBelgique, Bruxelles)
    • 53 mm à Lo-Fintele (WaterInfo, province de Flandre-Occidentale)
    • 47,8 mm à Tirlemont (WaterInfo, province du Brabant Flamand)

    Ainsi, on remarque que conformément aux dégâts observés, les régions les plus touchées sont celles de Tournai et de Ath (globalement le Hainaut occidental), Bruxelles et le Brabant Flamand. Toutefois, les plus fortes précipitations ont, comme souvent, été très localisées dans l’espace. Dès lors, de fortes disparités s’observent d’un village à l’autre, sur quelques kilomètres seulement. Cependant, les dommages demeurent conséquents, avec des centaines d’habitations concernées, certaines rendues inhabitables, et de dégâts importants portés à l’agriculture. Certaines localités seront toujours sous eau jusqu’au lendemain, le temps que les rivières regagnent leurs lits, comme à Lessines par exemple.

    Carte illustrant les impacts de foudre depuis le 31 juillet 2024 à 18h00 jusqu'au 1er août 2024 à 18h00 sur et aux alentours de la Belgique. Source : Lightningmaps.Carte illustrant les impacts de foudre depuis le 31 juillet 2024 à 18h00 jusqu’au 1er août 2024 à
    18h00 sur et aux alentours de la Belgique. Source : Lightningmaps

    On notera aussi que le nord-est de la France a été encore plus foudroyé, et que des cumuls de précipitations similaires à ceux observés en Belgique ont été mesurés, avec également d’importantes inondations par endroits. Pour conclure, cet épisode, avec celui du 9 juillet dernier, constitue l’offensive orageuse la plus virulente de l’année, au moment de la rédaction de cet article.