Les 23, 24 et 25 juin 1967, l’Europe du nord-ouest a sûrement connu l’un des pires épisodes tornadiques de son histoire. Dans le nord de la France, en Belgique et aux Pays-Bas, on a dénombré pas moins de 10 tornades. Les plus célèbres sont celles de Pommereuil (F4) et de Palluel en France (F5) le 24 juin, et celles de Chaam et de Tricht (F3) aux Pays-Bas le 25 juin. Mais la Belgique n’est pas en reste, avec la puissante tornade d’Oostmalle (probablement F3), qui a entièrement détruit une bonne centaine de maisons dans l’après-midi du 25 juin. Dans la région d’Ypres, une tornade provoque aussi des dégâts dans le petit village de Dikkebus Boezinge.
Commençons par la France. À Pommereuil, au sud de Valenciennes, Pierre Colle fait part de son témoignage :
« J’ai vu une tuile partir, puis deux sur la toiture d’en face. J’ai voulu sortir pour mettre à l’abri notre vieille voiture quand la fenêtre de l’entrée a explosé. Il y avait un nuage de poussière qui emportait tout sur son passage. Cela n’a pas duré trois minutes. Quand le vent est tombé, il ne restait plus rien. Le clocher s’était écroulé sur notre 203 et le ciel était redevenu clair… »
Source : Propos rapportés par Gérard Lempereur dans « La Voix du Nord ».
Pour Palluel, village situé non loin de Douai, Gérard Lempereur parle d’une vision d’apocalypse. La propriétaire du P’tit Quinquin lui raconte :
« Il faisait une chaleur étouffante. Peu avant 21 h, tout est devenu noir et le ciel a pris une couleur d’encre. Les fenêtres ont volé en éclats. Des grêlons comme des œufs de poule, mais carrés, comme taillés au couteau, ont recouvert le sol et la lumière s’est éteinte. Le vent hurlait comme un réacteur d’avion, les cheminées tombaient, des éclairs jaune orangé zébraient le ciel et découvraient le bric-à-brac qui volait sur nos têtes : arbres déracinés, pièces de bois, tuiles, ardoises, tôles, portes, fenêtres, animaux, une barque métallique et même une voiture d’une tonne. La maison a bougé. J’ai cru que c’était la fin du monde… «
Pour la Belgique, l’IRM rapporte ceci :
« De violents orages éclatent dans le pays, accompagnés en certains endroits de chutes de très gros grêlons (notamment à Mons). Une tornade détruit le cœur du village d’Oostmalle, dans la province d’Anvers. Plus de la moitié des quelques neuf cents habitations que compte la localité sont endommagées ; cent dix-sept maisons sont complètement détruites. La tornade poursuit son chemin vers les Pays-Bas où elle cause aussi d’importants dégâts. En Belgique, aucun décès n’est à déplorer ; par contre, chez nos voisins du Nord, le bilan est beaucoup plus lourd : sept personnes perdront la vie suite au passage de cette tornade. Celle-ci restera dans les mémoires, avec celle de Léglise en septembre 1982, comme l’une des plus dévastatrices que notre pays ait connues au cours de ce siècle. »
Ceci dit, la Belgique connaîtra un troisième épisode tornadique du même gabarit en 1999.
Enfin pour les Pays-Bas, voici ce qu’en dit le KNMI :
« La trombe proprement dite de la tornade a été vue, sur tout son trajet, par de nombreuses personnes et tous les témoignages concordent. Les observateurs ont été particulièrement impressionnés par les débris et les nuages de poussière qui volaient autour de l’entonnoir. Mais ce qui a sans doute fait le plus peur, c’est le bruit, pareil à un grand nombre d’avions de chasse. L’expérience connue du calme qui règne au centre d’une tornade a également été confirmée par certaines personnes, qui ont vu la trombe passer juste au-dessus de leurs têtes. »
Que s’est-il passé ? Contrairement à ce qui se produira en 1982 et en 1999, il s’agit ici de véritables tornades d’été. Comme l’indique le témoignage de Gérard Lempereur, il faisait une chaleur étouffante le 24 juin à Palluel. Le 25 en Belgique, l’humidité des orages des jours précédents était encore bien présente le matin, mais très rapidement, le thermomètre est remonté jusqu’à 25-26°C dans une atmosphère particulièrement lourde. Le vent n’avait pas de direction précise, il était faible, et dans le ciel, on observait des altocumulus, parfois lenticularis, et des stratocumulus évoluant en cumulus. Mais l’inversion, située vers 1000 mètres d’altitude, était coriace et formait un véritable couvercle. Une situation typique de spanish plume… Mais le « couvercle » lâchera en un coup, avec l’arrivée d’un front froid très virulent, suivi d’air polaire maritime, qui avancera vers le nord-est à grande vitesse (80 à 100 km/h) et qui traversera notre pays en milieu d’après-midi.
L’énergie libérée par le percement de l’inversion sera surtout forte sur une ligne bien déterminée, où se formeront de nombreux orages à gros grêlons et plusieurs tornades, dont notamment celles d’Oostmalle, de Chaam et de Tricht. Ailleurs, tant au nord-ouest qu’au sud-est de cette zone, les orages seront beaucoup moins spectaculaires, voire absents, avec parfois juste des rafales au moment du passage du front. Ce sera notamment le cas en Ardenne et en Gaume, se trouvant dans une zone plus sèche, où le passage de la perturbation sera plutôt discret, et se matérialisa par quelques rafales et une baisse de la température, sans précipitations ni nuages significatifs, comme lorsqu’un front froid passe dans un pays à climat très sec.
Pour plus d’informations, voir le lien suivant : météo Belgique