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10/08/1890 – Violente tornade

    Le mois d’août 1890 est assez frais et particulièrement pluvieux, avec des totaux mensuels supérieurs à 100 mm sur presque toute la Belgique dont notamment 151 mm à Jodoigne, 152 mm à Bruxelles, 172 mm à Grammont, 177 mm à Diest et 232 mm à Les Waleffes.

    Le 10 août 1890, le temps est très perturbé et notre pays se trouve à la limite de l’air doux (23°C) avec une dépression se déplaçant du sud-ouest de l’Irlande au nord de l’Angleterre. Sur l’Allemagne par contre, il fait chaud (27-28°C) et sur l’Angleterre, frais (17-21°C).

    En cours d’après-midi, de violents orages éclatent sur la Belgique. Ils sont accompagnés d’une tornade qui ravage notamment la région de Beauraing et Gedinne (province de Namur) sur une dizaine de kilomètres. L’intensité aurait atteint le niveau F3 voire F4.

    Le météorologue A. Lancaster reprend la description publiée dans un journal bruxellois :

    « Les plateaux que traverse la grand-route de Famignoul à Bouillon entre la 19e borne (Vonêche) et la 27e borne (Gribelle sur Haut Fays) ont une altitude de 350 à 420 mètres ; ils séparent la vallée de la Houille, qui descend de Gedinne et se jette dans la Meuse à Givet, de celle de la Lesse. Ils sont couverts de superbe bois de haute futaie. »

    « Parallèlement à la grand’route, et à un demi-kilomètre de celle-ci, coule dans un ravin un petit ruisseau, la Goulette, affluent de la Wimbe et sous-affluent de la Lesse. C’est à trois kilomètres au sud de la source de ce ruisselet que la trombe s’est formée, déracinant, tordant, brisant et emportant plusieurs milliers de beaux chênes et d’énormes hêtres, dans les bois de Gerhenne et de Haut-Fays. Le vent soufflait avec violence depuis le matin, le tonnerre grondait et la pluie tombait à torrents ; vers trois heures et demie l’après-midi, disent les habitants, on entendit un bruit formidable semblable à celui des décharges d’artillerie et l’on vit tourbillonner dans les airs des branches d’arbres et des feuilles qui allèrent s’abattre dans les environs jusqu’à Honnay, à dix kilomètres au nord-ouest de Gribelle. »

    « La trombe a commencé à soulever le toit d’une maison à Gribelle, à 1 kilomètre de la gare de Gedinne ; ce toit, chose curieuse, est retombé à peu près en place ; un petit étang voisin a été vidé. Puis le météore s’est abattu sur le ravin de la Goulette, ravageant le bois de Gerhenne et celui de Haut-Fays. Sur une largeur de 250 à 300 mètres et sur une longueur de près de 2 kilomètres, les grands chênes du bois de Gerhenne sont renversés par milliers ; les racines de chaque arbre ont emporté plusieurs mètres cubes de terre ; la plupart des troncs sont orientés vers le nord-nord-est ; cependant, il y en a beaucoup qui sont couchés en tous sens. Au milieu des colosses déracinés, se dressent encore des troncs dépouillés de leur couronne, d’autres dont les branches sont totalement effeuillées ; beaucoup sont brisés net, à quelques mètres du sol, ou tordus et divisés en une masse de lattes longues et minces.

    « Plusieurs scieries sont établies dans ce bois ; des tas de madriers ont été bouleversés et les planches dispersées dans tous les sens ; on en retrouve à de grandes distances et un bon nombre d’entre elles sont émiettées. Deux scieurs de long étaient de repos dans leur hutte au moment où la trombe pénétra dans le bois. Épouvantés par le bruit du vent et des chênes qu’ils voyaient tomber autour d’eux, ils se sont enfuis et ont pu heureusement se mettre à l’abri en dehors du rayon du tourbillon. Leur émotion était si grande qu’ils n’ont rien pu distinguer au milieu de cette masse d’arbres qui pliaient, craquaient, se tordaient autour d’eux ; ils croyaient que c’était la fin du monde ! »

    « Dans le bois de Haut-Fays, un hêtre énorme, complètement déraciné, a été emporté debout, avec plusieurs milliers de kilogrammes de terre dans ses racines, et est allé s’enchevêtrer au milieu d’autres troncs amoncelés. »