Le mois d’avril 1901 a été coupé en deux. La première moitié a été marquée par un régime dépressionnaire, avec un temps pluvieux, venteux et des variations de températures régulières.
Au contraire, la seconde moitié du mois a été marquée par un temps ensoleillé, sec et chaud, grâce à un anticyclone bien placé. Entre ces deux périodes, une parenthèse froide s’est produite en milieu de mois, avec des chutes de neige sur l’Ardenne.
L’après-midi du 10 avril a été orageuse sur presque toute l’étendue du pays et en quelques points les phénomènes électriques ont été assez intenses. Ils ont été accompagnés de tornades, notamment à Chiny, Thuin et La Hulpe où de sérieux dégâts sont observés.
Albert Lancaster : « La trombe, comme celle qui avait touché la même région le 10 août 1895, il y a six ans, a suivi une direction SW-NE à peu près, et elle s’est formée presque au même endroit. Elle a pris naissance au sud de Haute-Ransbèche, a passé par ce hameau, par Basse-Ransbèche, Hanonsart, puis a suivi le ruisseau la Mazerine pour atteindre La Hulpe. »
Van Gelder (article de L’étoile Belge, 1901) : « Les premiers dégâts ont été constatés à Haute-Ransbèche, où une meule a été enlevée par le météore, à 5h moins quelques minutes. Presqu’au même instant, la trombe passait déjà à Basse Ransbèche, où elle causait des dégâts aux toitures de plusieurs habitations, notamment à la ferme Demanet et à la maison Mathi. Puis, elle arrivait à Hanonsart, où elle signalait son passage par de sérieuses avaries aux toitures de la petite ferme André, de la maison Gasparoli et surtout de l’importante ferme De Beck. Impossible de déterminer en combien de temps la trombe a franchi ces quelques kilomètres de parcours : la concordance des horloges n’est, d’abord, pas suffisante, puis les villageois n’ont pas pensé à regarder l’heure. Mais tous sont d’accord pour dire que le « coup de vent » s’est produit un peu avant ou vers 5h. et qu’il n’a fait que passer, en durant à peine quelques secondes.
Illustration de la tornade du 10 avril 1901 à La Hulpe, en province du Brabant Wallon. Crédit : Frédéric Godefroid.
À la ferme De Beck, on a pu me donner une description assez précise du météore : c’était une sorte de nuage jaune formant une colonne et arrivant très vite. Le ciel s’était fortement obscurci quelques minutes auparavant et un éclair a brillé, suivi d’un fort coup de tonnerre. Au passage de la trombe, on a perçu un bruit étrange comparable au roulement d’un tambour, ou à celui de lourds chariots passant sur la route pavée.
Des centaines de tuiles ont été arrachées des toitures de la ferme, ont tourbillonné en l’air, puis ont été projetées sur le sol, dans toutes les directions. Beaucoup sont tombées dans la vaste cour, bordée de bâtiments sur quatre faces. Des carreaux de vitre ont été enlevés aux fenêtres et ont voltigé très haut, comme les tuiles.
A peu de distance, un maréchal ferrant travaillait, dans une prairie, à la pose d’une haie en ronces artificielles. Voyant arriver la trombe, il a lâché outils et fils de fer pour rentrer précipitamment. Mais il a été rattrapé dans sa fuite par le tourbillon, qui l’a pour ainsi dire enlevé de terre, pour lui faire faire, moitié courant, moitié roulant, une quarantaine de mètres, et , finalement, le jeter dans une haie vive très haute, où il s’est assez douloureusement contusionné.
Le long de la Mazerine, les arbres et arbustes n’ont guère souffert. A l’approche de La Hulpe, la trombe a quitté le vallon pour escalader le versant de gauche et passer sur les premières maisons du village, où elle s’est méchamment promenée à droite et à gauche de la route de Louvain, endommageant force toitures, démolissant un hangar chez M. Gyssens, enlevant une plate-forme et démolissant un mur de refend dans le bâtiment tout neuf de l’estaminet du Veau d’Or, secouant les serres du clerc de l’église. Le percepteur des postes a pu noter l’heure du passage de la trombe : 5 heures moins une ou deux minutes.
L’ancien jardin du littérateur Camille Lemonnier a particulièrement souffert : sur une largeur de 50 à 55 mètres, de magnifiques arbres fruitiers, poiriers, pommiers, cerisiers et pruniers, ont été brisés ou déracinés. Dans une cour contigüe, le hangar de l’habitation Lorent a été renversé.
Mais l’accident le plus grave s’est produit immédiatement au-delà : l’habitation du maréchal-ferrant Jossart, une vieille maisonnette basse située au n°6 de la rue de la Procession, a été aux trois quarts démolie. La toiture vermoulue a été arrachée et a enseveli de ses débris Mme Jossart au moment où elle prenait la fuite. Le maréchal, qui travaillait dans sa forge avec son fils, s’est empressé de porter secours à la victime, qui en a été quitte, par bonheur, pour des contusions insignifiantes. Il a fallu dégager ensuite la fille Jossart, restée dans la maisonnette écroulée ; celle-là, également, s’en est tirée sans grand mal.
Au-delà du parc du château Orban et du talus du chemin de fer, que la trombe a franchi sans presque causer de dommages, on ne signale qu’un gros arbre brisé près de la ferme Terhorst, sous Malaise. Quelques dégâts encore, mais insignifiants, dans la direction d’Overyssche (Overijse de nos jours).
La zone d’action du phénomène ne s’est pas étendue, en largeur, sur un espace plus considérable qu’une soixantaine de mètres environ.»
Trajectoire de la tornade de La Hulpe. Fond de carte : Google Maps
Grâce à ces riches descriptions, on peut estimer que l’intensité de la tornade a atteint le stade F2. En outre, elle a parcouru au moins 9 kilomètres.
Le même jour, près de Chiny, on décrit un tourbillon qui a arraché et couché au sol des sapins en massif, sur une superficie de 10 ares environ.
Le lendemain, le 11 avril, une autre tornade a exercé des ravages, cette fois dans la région de Thuin.
A. Lancaster : « Vers 5h30 des éclairs sillonnaient les nues lorsque retentit un violent coup de tonnerre. Peu après, une trombe traversait la vallée de la Biesmelle, entre Thuillies et Thuin, pour venir ensuite suivre la vallée de la Sambre.
On rapporte les dégâts suivants : Une voiture a été jetée dans le Biesmelle et entraînée dans la Sambre. La marquise et une partie de la toiture de la gare de Thuin-Ouest ont été détruites. Chez M. Sorriaux, négociant en bois, presque toutes les toitures des magasins ont été enlevées.
Toutes les couvertures d’un bateau amarré dans la Sambre ont été enlevées par le tourbillon. On signale aussi de nombreux arbres déracinés et des dégâts importants à Thuin et dans la vallée de la Biesmelle. »