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4-5/07/1905 – Orages violents et probable tornade

    Juillet 1905 a été très orageux, mais moins que le mois de juin. Alors que juin comptait jusque 15 jours d’orages ce mois-ci, on en dénombre un maximum de 9 (à Groenendael en province de Brabant Flamand et Sart-lez-Spa en province de Liège).

    Le mois a aussi été plus chaud et plus ensoleillé que la normale. Treize fois, le maximum a dépassé les 25°C. Les précipitations ont été supérieures aux normales sauf au littoral, la région la moins éprouvée par les orages. On mesure 152 mm à Mariembourg en province de Namur et 156,3 mm à Sart-Lez-Spa.

    Le 4 juilllet 1905, à 8h00 du matin, la Belgique se trouvait soumise à l’influence d’une dépression ayant son centre sur l’Adriatique : de hautes pressions existaient sur l’océan, au sud-ouest des îles Britanniques. Le baromètre se mit à baisser d’une façon régulière à partir de ce moment. La température était assez élevée sur notre pays, 20°C en moyenne. Le lendemain, à la même heure, une faible dépression secondaire occupait nos régions, dont le centre se trouvait à Liège.

    Albert Lancaster nous livre ses informations : « L’après-midi du 4 juillet fut orageuse à partir de 16h00 environ à Uccle jusque 20h30. Mais peu après minuit, des éclairs lointains furent remarqués et leur fréquence alla en croissant jusqu’à 1h00. En ce moment, ils se montraient de préférence à l’Ouest. De 1h03 à 1h23, nous comptâmes 262 éclairs, de 1h31 à 1h46 nous voyons luire 255 éclairs, de 1h51 à 2h01, 280 ; et de 2h05 à 2h15, 400 environs. À partir de cet instant, les éclairs sont d’une telle fréquence qu’il n’est plus possible de les dénombrer. Tout l’horizon n’est qu’une nappe de feu. Plusieurs centres orageux existent simultanément et lancent des éclairs d’une manière incessante.

    À 2h20, l’orage atteint Uccle et dès le début, il se montre d’une violence sans égale. Un furieux coup de vent, très court, l’annonce, puis on assiste à un spectacle inoubliable et terrifiant à la fois. Les décharges étaient tellement nombreuses que l’on semblait se trouver au milieu d’un cercle de feu.

    Des particuliers très peu impressionnables avouent qu’ils ont eu peur. On a vu toutes les maisons s’éclairer les unes après les autres au bruit des premiers coups de tonnerre. Et ce qui était plus inquiétant encore que la foudre, c’était la violence des coups de vent, les bruits d’arbres brisés, de toits écorniflés : on était comme sous le coup d’un grand cataclysme. »

    Extrait d’un journal : « L’orage a été d’une violence formidable, et l’effroi dans toutes les demeures de la capitale, des faubourgs et des villages du Brabant a été indicible. Durant plus d’une heure, sans interruption, les éclairs ont déchirés le ciel et les coups de tonnerre se succédaient avec des roulements fantastiques et des pétarades effrayantes qui secouaient les demeures jusqu’au plus profond de leurs fondations. Ce n’est qu’après le lever de l’astre que l’orage s’est insensiblement calmé, ramenant la paix sur terre et le réconfort dans les esprits bouleversés.

    Cet orage extraordinaire de la nuit du 4 au 5 juillet 1905 a causé des dégâts énormes, surtout par le vent et la pluie. Ils ont été particulièrement considérables dans une zone comprenant le Brabant et les régions d’Enghien-Ath et de Grammont-Ninove. Ce sont surtout les arbres qui ont souffert de la tourmente, on peut évaluer à plusieurs milliers le nombre de ceux qui ont été déracinés ou brisés. »

    Albert Lancaster apporte d’ailleurs davantage d’informations : « Au point où se trouve l’Observatoire, les dégâts causés par le vent n’ont guère été importants. Mais il n’en a pas été de même à une distance relativement faible. Dans les prairies situées entre Droogenbosch et de Ruysbroeck, une grande quantité d’arbres et surtout des peupliers du Canada ont été déracinés, brisés ou décapités. Entre Calevoet et Linkebeek, plusieurs peupliers ont également été déracinés ou brisés. La plupart des arbres sont couchés en suivant une direction ONO-ESE. Enfin, sur le territoire d’Uccle, 28 gros arbres ont été renversés le long du ruisseau du Keyembempt.

    À Anderlecht, plusieurs des hauts arbres qui poussent sur les rives du canal de Charleroi ont été cassés, arrachés et projetés sur le sol ou dans l’eau.

    Mais c’est dans la région d’Enghien-Ath que le vent a occasionné des désastres immenses. Une véritable trombe a traversé cette région, démolissant des fermes et des granges, renversant des moulins, enlevant des toitures et arrachant ou brisant des arbres en nombre incalculable. »

    Mais c’est entre Ath et Enghien que les plus gros dégâts sont observés, suite au passage d’une tornade. Ce cas est repris dans un autre écrit d’Albert Lancaster, qui confirme cela. Voici ce qu’en dit un correspondant de l’IRM à l’époque :

    « À Bassily : Jamais de mémoire d’homme on ne constata une violence du vent comparable à celle de cette nuit. On aurait cru entendre une multitude de trains express, lancés à une vitesse vertigineuse, rouler dans un bruit infernal. Personne ne resta au lit dans le village et les hameaux. Ce cyclone roulant, accompagné d’éclairs, de coup de tonnerre effroyables et d’une pluie torrentielle ne dura que quatre minute qui parurent un siècle. Peu après, l’orage se calma sans cesser pourtant. Le jour parut, découvrant le désastre, navrant, irréparable.

    Des 70 beaux peupliers du Canada que l’on admirait tant, quatre seulement sont restés debout. Tous les autres ont été fauchés à 1 mètre du sol.

    Au village de Silly (en amont de Bassily), quinze maisons ont été en parties détruites. Plus d’un millier d’arbres fruitiers ont été déracinés dans la région d’Enghien.

    Dans la contrée au sud d’Alost, c’est par centaines que l’on compte les arbres déracinés. »

    La durée du phénomène, durant 4 minutes, n’est pas à prendre en compte. En effet, dans d’autres cas de tornades avérés, les témoins décrivent parfois une durée de 3 minutes, voire 5 ou même 10.

    La pluie a également donné 40,8 mm d’eau à Uccle ; 47 mm à Kain ; 49 mm à Antoing ; 50 mm à Herbières et  51,8 mm à Pâturage. Ces pluies intenses, observées sur tout le pays, ont provoqué des inondations en beaucoup d’endroits.

    En outre, à Leuze et à Bauche, il est tombé des grêlons de la grosseur d’un œuf de pigeon.

    Il est fort intéressant de constater qu’alors que les mouvements orageux ont suivi une direction ouest-est, le vent des basses couches soufflait d’une direction diamétralement opposée, d’est ou de nord-est. On imagine bien les importants cisaillements qui étaient en jeu ce jour-là, d’où la survenue de phénomènes violents et d’au moins une tornade.