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30/07/2002 – Déluge sur Virton

    En commençant par les chiffres, qui parlent déjà d’eux-mêmes, Gomery (env. 5 km à l’est de Virton et située en province de Luxembourg) reçoit 115,8 mm d’eau et Meix-Devant-Virton (env. 5 km au nord-ouest de Virton) en reçoit 86,3 mm !

    Plus loin, les quantités diminuent rapidement. Buzenol (province de Luxembourg) enregistre encore 39,0 mm tandis qu’Arlon (province de Luxembourg) ne mesure plus que 6,3 mm et Aubange (province de Luxembourg), 4,2 mm.

    Cet orage particulièrement pluvieux éclate dans le cadre d’une situation atmosphérique classique au départ mais qui devient complexe par la suite. Les orages, d’ailleurs, sont nombreux partout, il s’agit même de l’une des offensives les plus sévères au niveau de la foudre avec, au maximum de l’intensité électrique, presque 400 coups de foudre par minute enregistrés par SAFIR sur tout le pays.

    En reprenant depuis le début, le 30 juillet 2002 est une journée caniculaire avec des températures maximales de 32°C à 34°C en plaine et de 27°C à 30°C sur les hauteurs. Les plus hautes valeurs sont enregistrées à Wasmuel (province de Hainaut) avec 34,3°C, à Gorsem (province de Limbourg) avec 34,0°C et à Moerbeke-Waas (province de Flandre Orientale) avec 33,8°C. En Gaume, on observe 32,1°C à Meix-Devant-Virton, 32,8°C à Aubange et 30,0°C à Buzenol.

    Le temps est lourd aussi. Après une petite fraîcheur matinale, les températures montent rapidement. À 10h00, il fait déjà plus de 25°C presque partout avec des pointes locales jusqu’à 28°C. La présence dans le ciel d’altocumulus castellanus est déjà un bon précurseur de ce qui va se passer. D’ailleurs, la convection s’enclenche très vite, dès la matinée, avec des cumulus qui se mettent aussitôt à bourgeonner.

    Jusque là, il y règne une situation simple avec une remontée d’air chaud et, en moyenne, plutôt humide (quelques poches d’air sec subsistent) à l’avant d’une convergence pré-frontale, avec un profil atmosphérique instable et une absence complète d’inversion, ce qui signifie qu’il n’y a aucune entrave à la convection.

    Sur la carte ci-dessous, la première ligne de convergence pré-frontale, bien visible, devient véritablement un pseudo-front froid (front froid de basses couches) avec des températures nettement plus basses à l’ouest qu’à l’est. Il sépare en fait un air continental très chaud (qui stagne sur nos régions avec des vents faibles et variables) d’un air maritime plus frais avec des vents à prédominance occidentale. C’est en effet cette ligne de convergence-là qui reprend le rôle du front froid.

    Plus loin à l’ouest, se trouve une seconde ligne de convergence qui est une vraie ligne de convergence, sans différence thermique significative, où ce sont simplement des vents de directions différentes qui se rencontrent. Enfin, le front froid lui-même n’a de véritables effets thermiques que sur les Îles Britanniques, pas sur l’ouest de la France.

    Carte des températures du 30 juillet 2002 à 14h00. Source : Infoclimat.Source de la carte : Infoclimat

    En Belgique, la convection débouche très vite sur des orages, dès le début de l’après-midi en Ardenne. Ces orages s’organisent rapidement en une ligne orageuse et remontent vers le nord en prenant déjà un caractère violent en de nombreux endroits. À Izier (province de Luxembourg), le pluviomètre recueille 70,9 mm d’eau et 63,6 mm à Westerloo (province d’Anvers), 56,8 mm à Presgaux (province de Namur) et 50,7 mm à Thuin (province de Hainaut). Des inondations sont signalées entre autres à Tubize (province du Brabant wallon).

    Ces orages, outre les précipitations, provoquent de fortes baisses de température et un outflow (courant de densité) qui impacte une zone assez vaste. D’un autre côté, l’air à l’arrière de la convergence, dans les zones d’éclaircies, se réchauffe bien. La situation « pré-frontale » cesse donc d’être claire.

    Sur la carte ci-dessous, la ligne orageuse a laissé dans son sillage une zone fraîche étendue bien visible qui, à contre-courant, redescend jusqu’en Gaume. Juste au sud de celle-ci, par contre, de l’air très chaud se maintient sur le Grand-Duché de Luxembourg et sur le nord-est de la France. Sur cette dernière région, on devine encore vaguement la trace du pseudo-front mais, à l’ouest de ce dernier, les températures reviennent aussi déjà vers des valeurs proches voire supérieures à 28°C. Enfin, du côté de Nancy, il y a une autre zone d’outflow (courant de densité) orageux.

    Carte des températures du 30 juillet 2002 à 18h00. Source : Infoclimat.Source : Infoclimat

    Pour la Gaume à présent, le principal conflit thermique provient désormais de la limite entre l’outflow (courant de densité) des anciens orages et l’air chaud toujours présent au sud. Avec la topographie particulière des lieux (cuestas), cela sera suffisant pour qu’une cellule orageuse « explose » littéralement en donnant 86,3 mm d’eau en 30 minutes seulement ! Résultat : arbres tombés, coulées de boue, glissements de terrains, caves et rues inondées, murs effrondrés, etc.

    Ci-dessous, un extrait du journal Le Soir est disponible.

    « L’extrême sud de la Gaume, à savoir une ligne allant de Gérouville à Meix-devant-Virton, Houdrigny, Virton et Bleid, a subi une douche historique, mardi sur le coup de 19h30 – 20h00. Sur un sol passablement durci par le soleil, on imagine les dégâts.

    « Il y a de fait eu beaucoup d’appels à la centrale des pompiers de Virton, des dizaines de caves étant inondées. Le réseau d’égout a été rapidement saturé. C’est un orage violent de l’est, ce qui est rarissime, explique le commandant Fizaine. L’eau est montée très vite dans les rues, de 40 à 50 cm dans Houdrigny et Meix, pour repartir tout aussi vite, laissant un paysage de désolation et des caves remplies d’eau et de boue. D’où venait cette eau, c’était quasiment incompréhensible…

    « Meix est sans doute le village le plus meurtri. Ce mercredi matin, les ouvriers communaux, aidés par leurs collègues de Rouvroy venus sympathiquement en renfort, et par la Protection civile, continuaient à nettoyer rues et habitations salies par un torrent de boue sablonneuse. »

    Jean-Luc Bodeux (journal Le Soir).