La journée (localement) très orageuse du 10 septembre 2011 s’inscrit dans le contexte général de l’été 2011. Il faut savoir que septembre, cette année-là, ne fait que prolonger un été particulièrement maussade. Le vrai « été », en 2011, s’étend du 25 septembre au 3 octobre, avec la période de journées chaudes et ensoleillées la plus extraordinaire qu’on n’ait jamais connue si tard dans l’année. Elle mérite bien une description plus détaillée, mais cela sortirait du cadre du présent article.
Le 10 septembre, il fait beau et chaud aussi, mais ce n’est qu’une de ces brèves remontées d’air chaud qui ont émaillé toute la saison estivale. Il est cependant intéressant de constater à quel point ces épisodes sont différents les uns des autres, et ce sera encore le cas pour ce 10 septembre.
Même si l’impression de beau temps est généralement bien présente, le ciel est loin d’être serein. Des cirrus plus ou moins mince ou épais, selon les heures, voilent le ciel avec en dessous, des altocumulus sous les formes les plus diverses, tendant de plus en plus à devenir floccus et castellanus durant l’après-midi. Mais aucun cumulus ne se forme, malgré les températures chaudes (27-29°C) et les points de rosée élevées.
Une inversion, une fois de plus ! Une fois de plus donc, l’air chaud concerne avant tout les couches moyennes de l’atmosphère, avec là une bonne instabilité. Près du sol, l’air est instable aussi, mais il manque un petit quelque chose, un soleil de septembre déjà un peu faible, un sol encore humide en raison de précipitations passées, pour que l’inversion puisse être résorbée. Celle-ci est là comme un couvercle, à une altitude assez basse (600 à 700 mètres), et ne cèdera pas.
Au-dessus de l’inversion, en plus de l’instabilité, on note d’importants cisaillements et un fort jet-stream présent à l’ouest de notre pays. Et si l’on ajoute à tout cela l’existence d’air sec en altitude, l’on comprend à quel point la situation est explosive… si l’inversion pouvait être percée !
Mais comme nous l’avons vu, l’élément thermique est bien insuffisant pour arriver à bout de celle-ci. Il faut autre chose ! Et cet autre chose, c’est la géographie qui va nous l’apporter, en un point bien particulier juste à l’ouest de nos frontières.
Expliquons-nous.
La bouffée d’air chaud est le fruit d’un vaste secteur chaud dans lequel s’est développée une convergence pré-frontale. Celle-ci, orientée grosso modo nord-sud, fait basculer les vents du sud vers le sud-ouest en cours d’après-midi (France) et en cours de soirée (Belgique). Les vents de sud, à la côte belge, s’opposent à la brise de mer et les vents de sud-ouest ne la favorisent guère. C’est vrai pour notre littoral, mais pas pour une bonne part de la Côte d’Opale en France, orientée N-S. Dès le basculement des vents généraux, la brise de mer s’y impose et ce, de façon abrupte (avec même un petit front de rafales). Les vents se mettent à souffler d’ouest à Boulogne et au Touquet, ce qui se ressent encore à Abbeville.
Cette rotation du vent, par répercussion, enclenche également la brise de mer d’ouest du côté de Calais, avec un front de brise de mer s’avançant de plus en plus vers Dunkerque, puis la côte belge qu’il atteindra en soirée. Ce front de brise de mer s’infléchit donc et finit par littéralement croiser la ligne de convergence (voir illustation ci-dessous).
Bleu clair = ligne de convegence
Bleu plus foncé = front de brise de mer
Il s’ensuit une tripartition des régimes de vents, une sorte de « triple point » à l’Américaine, qui créera près de Hazebrouck (nord de la France) un forçage suffisant pour percer l’inversion (rien que là), ainsi qu’un renforcement des cisaillements, à présent capables de produire une supercellule.
Le développement du cumulonimbus est fulgurant. La supercellule naît en France vers 18h30 et pénètre peu après le territoire belge en suivant la ligne du front de brise de mer, qui se décale de plus en plus vers le nord-est. Ensuite, la supercellule déjà formée va générer une interaction entre les causes et les conséquences : la supercellule se « nourrit » de la brise de mer et, en même temps, l’attire et participe à son déclenchement le long de la côte belge, puis hollandaise (Cadzand) à partir de 19 heures.
Il s’agit de l’une des supercellules les plus « réussies » que la Belgique n’ait jamais connue, et sûrement la plus photogénique.
Malheureusement, nous n’avons que peu de données météorologiques concernant cette supercellule. La seule station météorologique qui à la fois se trouvait sur son chemin et qui n’était pas loin de la Belgique est la station néerlandaise de Philippine (à quelques 5 km du village belge de Boekhoute où a été prise la photo). On y a relevé au pluviomètre 39 mm d’eau !
Un article sur cet événement est disponible via le lien suivant : supercellule du 10 septembre 2011
De même, un dossier spécifique est aussi consultable en suivant le lien ci-après : L’orage supercellulaire du 10 septembre 2011