Avant de commencer, qu’est-ce qu’un « heat burst » ?
Au départ, un heat burst n’est autre qu’un courant descendant.
Un courant descendant normal accompagne les précipitations qui tombent d’un orage. Cet air, en descendant, se réchauffe certes par compression mais ce réchauffement est fortement ralenti, d’une part, par conduction thermique au contact des précipitations et, d’autre part, par l’emprunt de chaleur lié à la fusion puis à l’évaporation partielle des précipitations.
Un courant descendant est donc plus froid que l’air environnant. C’est bien connu, en été surtout, lorsqu’un orage vient donner un petit coup de fraîcheur voire de froid après une journée caniculaire. Si la force du vent est suffisante, on parle même de rafale descendante (down burst).
Lorsqu’un orage arrive en fin de vie, il peut arriver que toute la partie inférieure du cumulonimbus ait déjà disparu pendant que la partie supérieure reste encore active un certain temps. Des précipitations en tombent en entraînant avec elles un courant descendant. Seulement, dans la partie où le nuage a disparu, de l’air sec a remplacé entre-temps l’air humide du nuage et les précipitations qui le traversent s’évaporent complètement. Le courant descendant, cependant, continue son chemin par inertie.
Seulement, en l’absence complète de précipitations, plus rien n’arrête le réchauffement par compression de l’air descendant qui est alors de quasiment 1°C par 100 mètres (adiabatique sèche). Il est dans ce cas possible que l’air du courant descendant, dans sa chute, finisse par devenir plus chaud que l’air environnant : on parle alors de « heat burst ».
Dans une situation idéale, la différence par rapport à l’air environnant peut avoisiner les 10°C voire les dépasser. C’est ce qui s’est passé près de Troyes, en France, durant la nuit du 16 au 17 juillet 2015.
Après une journée caniculaire (maximum de 37,2°C), la température à l’aéroport de Troyes-Barberey était déjà redescendue à 23,8°C par refroidissement nocturne, peu après minuit. Puis, brusquement, elle remonte à 34,0°C, le vent se met à souffler par rafales et l’air se dessèche très fort. Le tout dure quelques heures puis le vent se calme, la température redescend et l’humidité revient comme s’il ne s’était rien passé.
À Troyes-Barberey, le maximum nocturne de 34,0°C est atteint à 00h50, soit une hausse de 10,2°C en quelques trois-quarts d’heure dont l’essentiel (près de 7°C) en quelques minutes à peine. Non loin de là, les stations privées de Payns, de Saint-Lié et de Mergey donnent, respectivement, un maximum nocturne de 32,9°C (1h10), 31,9°C (1h20) et 31,0°C (1h25) en fonction de leur position par rapport à la trajectoire du heat burst. Le centre-ville de Troyes, déjà trop décentré, n’en ressent qu’à peine les effets.
À noter que le relevé synoptique de Troyes-Barberey à 1h00 ne donne déjà plus « que » 33,0°C.
Carte des températures sous abri du 16 juillet 2015 à 01h00. Source : Infoclimat
La carte ci-dessus reproduit bien ce côté très localisé d’un heat burst. On remarque aussi la présence d’autres points chauds, de moindre amplitude, qui eux ne sont pas liés à un heat burst.
Cependant, d’autres heat burts ont bien eu lieu sur le territoire français à d’autres heures et donc pas reprises sur la carte ci-dessus. On citera notamment celle de Saint-Dizier où l’on observe une pointe de 31°C à 2h30 et, peu après, des vents augmentant à 76 km/h. À Reims et à Nevers, la situation est moins claire mais on peut y suspecter aussi un heat burst, du moins sous une forme atténuée.
Bien évidemment, ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à de tels phénomènes. C’est très rare en Europe et à peine plus fréquent aux États-Unis où l’on recense quelques cas, plus particulièrement dans les vastes plaines de la Tornado Alley.
En France, les cas recensés (en dehors de ceux des 16-17 juillet 2015) se comptent sur les doigts d’une main tandis qu’en Belgique, aucun cas n’a encore été signalé jusqu’à présent.
Il en va de même la nuit du 16 au 17 juillet 2015 : aucun heat burst n’est identifié en tant que tel en Belgique. Mais on y observe d’autres phénomènes qui y ressemblent un peu. En effet, pour que la température puisse atteindre 34°C en pleine nuit à Troyes, il faut non seulement que les conditions décrites ci-dessus soient remplies mais aussi que la masse d’air soit très chaude dans son ensemble. Et c’est bien le cas en France mais aussi en Belgique !
En journée déjà, les températures atteignent de très fortes valeurs, notamment sur l’est et le sud de notre pays, avec 33,2°C à Aubange, 32,5°C à Hastière et 32,4°C à Buzenol. La nuit, on observe 28°C au-dessus de Beauvechain, à quelques 300 mètres au-dessus du sol.
En surface par contre, grâce au sol refroidi par la nuit, il règne une agréable petite fraîcheur avec, à minuit, des températures le plus souvent comprises entre 22°C et 24°C, et parfois moins dans les endroits encaissés. Mais après, à l’approche des vieux orages français, l’air devient plus instable et plus turbulent, et suite au brassage de l’air des basses couches, l’air chaud se mélange à l’air plus frais au contact du sol. De ce fait, on assiste à des remontées parfois spectaculaires de la température, surtout en deuxième partie de nuit.
À Wépion, près de Namur, la température passe de 20,3°C à 02h20 à 26,1°C à 02h50. Pour les stations officielles, nous ne disposons que de données horaires mais quelques belles remontées y sont visibles aussi. Les chiffres ci-dessous montrent non seulement l’amplitude plus ou moins grande de la hausse nocturne de la température mais aussi la lente progression vers le nord de la bulle d’air chaud :
- Saint-Hubert : 21,6°C à 23h00, 24,7°C à 00h00
- Humain : 22,9°C à 00h00, 26,2°C à 02h00
- Dourbes : 23,2°C à 01h00, 26,4°C à 03h00
- Gosselies : 22,8°C à 02h00, 26,0°C à 04h00
- Ernage : 20,0°C à 03h00, 24,3°C à 05h00
- Beauvechain : 20,4°C à 04h00, 24,1°C à 05h00
- Zaventem : 21,4°C à 05h00, 23,8°C à 06h00
Il est à noter qu’à 4-5 heures du matin, les 25°C sont dépassés à plusieurs stations du réseau belge, ce qui est tout à fait exceptionnel dans ce créneau d’heures (Bierset : 26,3°C à 5h00 ; Dourbes : 26,1°C à 4h00 ; Gosselies : 26,0°C à 4h00 ; Humain : 25,9°C à 5h00 et Florennes : 25,0°C à 4h00). Le METAR de Bierset donne même 27°C à 5h20 !
La Gaume et, ponctuellement, aussi l’Ardenne sont touchés par de l’activité orageuse. Mais là aussi, l’air est sec et particulièrement chaud dans les couches moyennes de l’atmosphère, de telle sorte que les précipitations s’évaporent en grande partie. Il n’est donc pas étonnant que les pluviomètres ne reçoivent pas grand-chose même dans les zones où l’on entend le tonnerre. Frassem récolte 2 mm, tout comme Aubange et Stegen (LU), pendant qu’Arlon et Buzenol reçoivent 1 mm. Quelques gouttes tombent aussi sur Saint-Hubert, Bièvre et Dourbes ainsi que sur les Hautes-Fagnes.
Nous pouvons donc affirmer qu’en Belgique aussi, la situation est très propice pour un heat burst mais il n’y en a pas, sans doute parce qu’il manque quelque part un petit quelque chose pour qu’un heat burst puisse avoir lieu. C’est ça qui caractérise les phénomènes rares : le petit quelque chose qui manque presque toujours. En effet, si tel n’était pas le cas, le phénomène ne serait pas rare !