Un peu d’histoire pour bien comprendre.
Les Cantons de l’Est (Eupen, Malmédy et Saint-Vith) faisaient jadis partie de l’Allemagne. Il est donc logique que la ligne de chemin de fer, construite en 1889 et reliant Aix-la-Chapelle à Raeren, Montjoie, Sourbrodt, Waimes et Saint-Vith, ait été entièrement sous autorité allemande aussi. En raison de son passage dans les Hautes-Fagnes, cette ligne a reçu le nom de « Vennbahn », ce qui signifie en français « Ligne des Fagnes ».
Des suites du Traité de Versailles, après la première guerre mondiale, ces territoires ont été rattachés à la Belgique. Le problème : la Ligne des Fagnes traverse en partie des territoires restés allemands et en partie des territoires devenus belges. C’est ainsi que des enclaves allemandes ont été créées sur le territoire belge et des enclaves belges ont été créées sur le territoire allemand.
Au fil des décennies, ces enclaves ont été plusieurs fois modifiées, notamment en 1922, 1949 et 1956. De nos jours, c’est essentiellement la ligne de chemin de fer qui est restée belge. On peut même dire désormais : l’ancienne ligne de chemin de fer car sur un large tronçon, elle a été désaffectée et reconvertie en piste cyclable et en parcours de « draisines ».
Mais elle est restée belge. La carte ci-dessous montre ces excroissances de la Belgique, larges de quelques dizaines de mètres en moyenne, qui suivent l’ancienne voie ferrée.
Les « enclaves » allemandes ne sont d’ailleurs séparées du restant du territoire allemand que par ces quelques (dizaines de) mètres de « Belgique » de part et d’autre de l’ancienne voie ferrée.
Reprenons à présent la même carte avec le parcours de la tornade et la zone impactée par les dégâts. (Frontières en blanc, parcours de la tornade et zone impactée par les dégâts en noir.)
Il s’agit donc bel et bien d’une tornade née en territoire allemand et qui poursuit sa route en territoire allemand mais… qui traverse la bande étroite de l’excroissance du territoire belge le long de l’ancienne voie ferrée. En ce sens, la présence de cette tornade dans l’almanach de Belgorage, relatant les épisodes orageux et tornadiques en Belgique, se justifie pleinement.
Analysons à présent la tornade proprement dite.
Selon une première enquête de terrain, réalisée par l’équipe allemande « WTINFO Tornado Research Project », la tornade a parcouru 7,73 km selon une direction ouest-nord-ouest – est-sud-est. L’intensité exacte de la tornade reste encore à déterminer, mais à en juger les dégâts observés sur les bâtiments et la végétation, le niveau F2 a été temporairement atteint, et éventuellement même la limite inférieure du niveau F3.
Source : T-Online
Source : Westdeutsche Zeitung
Au niveau météorologique, nous avons une situation assez commune pour un mois de mars, avec un flux zonal qui persiste déjà depuis deux semaines. En ce 13 mars, nous avons un noyau dépressionnaire qui se déplace de la Mer du Nord au Danemark. L’occlusion qui lui est associée traverse le pays en journée tandis qu’une perturbation post-frontale affecte le pays (surtout le nord et l’est) en fin d’après-midi.
Le temps est mauvais et assez froid pour la saison. Dans la région de la tornade, il pleut pratiquement toute la journée, d’abord sous forme de pluies continues, puis sous forme d’averses. Mais le ciel ne se dégage pas pour autant entre les averses. Au nimbostratus pluvieux de la matinée succèdent des cumulonimbus à l’aspect menaçant qui alternent avec des moments où le ciel est juste un peu plus clair, avec des stratocumulus laissant voir par moment l’altostratus qui est au-dessus. À cela s’ajoutent encore un bon nombre de fractus liés aux précipitations.
Les webcams voisines d’Eichercheid, Simmerath et Montjoie montrent bien une absence (quasi) complète d’éclaircies dans la région.
À partir du milieu de l’après-midi, nous avons de l’activité orageuse sur la moitié nord de la Belgique, qui se généralise par la suite sur le pays, puis se propage vers l’est-sud-est en dépassant nos frontières, entre autres vers l’Eiffel en Allemagne, où a eu lieu la tornade (vers 16h30).
Il fait humide et froid. Roetgen se situant entre 400 (parties basses) et 500 mètres d’altitude (partie hautes) a connu au moment de l’arrivée de la tornade des températures de quelques 4 à 5°C, suivis par une baisse temporaire de 2 à 3°C sous les précipitations. À partir de 550 mètres d’altitude, on observe temporairement de la neige, et des traces de neige sont également encore présentes au sol.
Ce froid des basses couches donne une instabilité médiocre sur les 1000 premiers mètres au-dessus du sol. Au-dessus, l’instabilité devient très bonne. En plus, on observe de beaux cisaillements tournants, avec selon le modèle Arôme des vents en moyenne d’ouest-sud-ouest en surface et dans les basses couches, d’ouest-nord-ouest dans les couches moyennes et de nord-ouest dans les couches supérieures de l’atmosphère, où l’on se trouve en plus en sortie gauche d’un jet-streak.
Un petit coup de pouce est certes d’abord nécessaire en surface, mais après, des cellules virulentes peuvent facilement se développer. Le coup de pouce, c’est sans doute le relief qui l’a donné. Si l’on suit le parcours de la tornade, l’on constate qu’elle s’est formée sur un point haut de la région, à un petit 450 mètres d’altitude, puis qu’elle est redescendue en dessous de 400 mètres en se renforçant, puis qu’elle est remontée à 500, puis 550 mètres en s’affaiblissant. C’est d’ailleurs quasiment à cette altitude que l’on perd sa trace.
Enfin, voici encore un témoignage, traduit de l’allemand :
[Elle a ouvert la fenêtre de sa terrasse.] « Là, la tornade a foncé sur moi. Je l’ai vue. C’était un tourbillon gris, et il venait très vite. Les branches volaient dans les airs. » [Elle n’a pas eu le temps d’avoir peur, elle s’est précitée dans la cave.] « Tout était déjà fini. Le tout n’a duré que 20 à 30 secondes. Puis le calme est revenu. »
Marina Albrecht.
Pour obtenir davantage d’informations sur cette tornade, un article est disponible via le lien suivant : 13/03/2019 – La tornade F2 de Roetgen