En matinée du 23 juin 2016, un système orageux (MCS) se forme au sein d’une dépression de surface sur la Manche. Ce système touche ensuite le nord-ouest des Hauts de France. Certaines cellules se montrent très actives avec de fortes rafales de vent et des pluies intenses. Des inondations sont signalées à Dunkerque dans le département du Nord et à Boulogne-sur-Mer dans le département du Pas-De-Calais (France) avec un cumul de pluie proche de 50 mm.
Par la suite, le MCS entre en Belgique par la province de Flandre Occidentale autour de 7h00 du matin et progresse vers le nord-est en direction du centre du pays en se désagrégeant progressivement.
Orage multicellulaire de type MCS franchissant la frontière franco-belge à
hauteur de Lamain en province de Hainaut vers 8h15, le 23 juin 2016.
Cependant, entre 10h30 et 12h00, plusieurs cellules vigoureuses se développent sur la province de Hainaut dont une particulièrement intense née entre Beaumont et Erquelinnes et se dirigeant vers le sud de Charleroi. Elle délivre des chutes de grêle avec des grêlons de taille compris entre 2 et 3 cm de diamètre à Montigny-le-Tilleul et à Montignies-sur-Sambre, ainsi que de fortes pluies.
À partir de 12h00, les orages s’effondrent rapidement sur les deux Brabants. Ceux-ci laissant derrière eux une très forte humidité sur une bonne partie de la Belgique.
L’après-midi, le ciel se dégage et, notre pays se situant dans une masse d’air d’origine tropicale, les températures s’élèvent très rapidement. On relève ainsi 33,1°C à Angleur (province de Liège) et 32,1°C à Koersel (province de Limbourg). Mais en raison de la forte humidité, l’air est particulièrement insupportable. Ainsi, les valeurs d’humidex se rapprochent localement de 42, ce qui est exceptionnel pour notre pays. Dès lors, l’instabilité devient très forte avec des valeurs tout aussi exceptionnelles. La CAPE atteint 3000 j/kg avec un indice de soulèvement compris entre -10 et -12 K. De plus, le cisaillement des vents est bien présent. Toutes les conditions sont donc réunies pour une offensive orageuse d’envergure.
Cependant, malgré la mise en place d’une ligne de convergence sur l’ouest du pays, la convection a du mal à démarrer et seulement quelques averses, parfois orageuses, se développent dans un premier temps. Mais la situation dégénère brusquement avec l’arrivée d’une dépression de surface sur le nord de la France aux alentours de 18h00.
En effet, plusieurs orages supercellulaires se forment très rapidement au nord de l’Île-de-France et progressent en direction de la Belgique. Ceux-ci se montrent très violents avec des rafales de vent localement supérieures à 100 km/h (109 km/h à Saint-Quentin dans le département de l’Aisne en France), des chutes de grêlons jusqu’à 6 cm de diamètre, de fortes pluies et une intense activité électrique. À l’avant, d’autres cellules virulentes naissent en Belgique peu avant 19h30. La foudre s’abat sur trois habitations en province de Flandre Orientale, plus précisément à Kieldrecht, Destelbergen et Ninove où une personne est blessée dans l’incendie de sa maison. En province d’Anvers, un puissant orage se forme sur la région de Herselt et aux alentours de 20h00, il adopte des caractéristiques supercellulaires et déverse des grêlons de 6 cm de diamètre sur Lommel en province de Limbourg. Une fois aux Pays-Bas, le caractère supercellulaire est avéré et cet orage provoque d’énormes dégâts au sud d’Eindhoven, proche de la frontière belge. Il est accompagné de fortes rafales de vent, d’intenses précipitations et de chutes de grêlons allant jusqu’à 9 cm de diamètre ! (cfr. lien n°2,3 et 4 en fin d’article).
Au même moment (20h00), des orages multicellulaires causent, en région bruxelloise, des inondations dans plusieurs communes, notamment à Molenbeek, Anderlecht, Ganshoren, Jette et Laeken. De nombreuses voiries se retrouvent sous eau, piégeant des automobilistes (cfr. lien n°1 en fin d’article). Tous ces orages progressent vers le nord-nord-est, en direction des Pays-Bas, en engendrant des inondations en province d’Anvers (entre 20h15 et 21h00) comme à Duffel, Malines, Putte, Lierre, Hombeek, Dijle et Turnhout où le plan catastrophe communal est déclenché.
Arrivée d’une zone orageuse en Belgique observée depuis la région d’Estinnes en province de Hainaut, le 23 juin 2016 vers 20h20.
Autour de 20h20, l’orage cause des inondations dans la région de Binche et d’Estinnes à la suite de fortes pluies. De nombreuses voiries ainsi que des habitations se retrouvent sous eau. De plus, de fortes rafales de vent causent des dégâts à des toitures, du mobilier de jardin s’envole et de nombreux arbres sont déracinés. La nature de ce phénomène venteux ne nous est pas connue mais l’hypothèse privilégiée est celle d’une rafale descendante.
Transit de la zone orageuse dans la région d’Estinnes en province de Hainaut, le 23 juin 2016 vers 20h30.
En parallèle, une deuxième supercellule française franchit la frontière belge dans la région de Beaumont, toujours en province de Hainaut. Celle-ci est en pleine phase d’effondrement et semble rapidement perdre ses caractéristiques supercellulaires. Toutefois, de fortes précipitations accompagnent cet orage et causent des inondations à Thirimont (20h40), Ham-sur-Heure (20h50) et Charleroi (21h00). Progressivement, tous les orages mentionnés semblent s’organiser en un MCS allant de la Belgique au sud des Pays-Bas.
En ce qui concerne l’orage se situant vers la région de Binche en province de Hainaut, il continue sa progression vers le nord-est avec une activité électrique intense, de l’ordre d’un éclair par seconde. Il produit de puissantes rafales de vent qui touchent, aux alentours de 20h45, Pont-à-Celles, Courcelles, Mariemont, Gouy-lez-Piétons, Manage, Godarville, Luttre, La Louvière, Chapelle-lez-Herlaimont ainsi que l’ouest de Charleroi. Les dégâts en résultant sont très nombreux. En effet, on ne compte plus les arbres déracinés et les routes bloquées. À Gouy-lez-Piétons, des pylônes électriques sont tordus ou mis à terre suite à une très probable rafale descendante (localisé par le point rouge sur la carte ci-dessus). À Manage, une personne décède suite à l’écrasement de son véhicule par un arbre. La nature de ces phénomènes venteux ne nous est pas connue mais il est possible qu’une ou plusieurs rafales descendantes en soit à l’origine, en plus des rafales convectives. De plus, de nombreuses inondations sont également observées dans toutes ces localités. En réponse, la province de Hainaut déclenche son plan catastrophe.
Par la suite, l’orage arrive peu avant 21h00 dans le Brabant Wallon et s’intensifie davantage. Dans les régions de Nivelles, Genappe et Villers-la-ville, des inondations sont observées ainsi que de très fortes rafales de vent qui causent de nombreux dégâts à la végétation. À Genappe, on signale des chutes de grêlons allant jusqu’à 4 cm de diamètre et, à Villers-la-Ville, un phénomène venteux non identifié (rafale descendante ou tornade) abat de nombreux arbres et endommage quelques toitures en laissant un couloir de dégâts restreint sur plusieurs kilomètres de long et dont le point de départ semble être à proximité de la Rue Tout Vent.
Au même moment, un nouvel orage issu de l’ancienne cellule ayant transité par Thirimont et Charleroi se forme sur Fleurus (province de Hainaut) et produit des chutes de grêlons de 2 à 3 cm de diamètre à Lambusart et Wanfercée-Baulet. En cours de route, cet orage produit de fortes précipitations qui causent des inondations à Gembloux (province de Namur) autour de 21h15. Peu après, l’orage en question fusionne avec celui du Brabant Wallon en une ligne d’orages multicellulaires violents.
Ceux-ci provoquent des inondations à Court-Saint-Etienne où la rivière locale, la Dyle, entre en crue éclair suite aux pluies intenses. La commune de Chastre est particulièrement touchée par une rafale descendante qui déracine ou sectionne plusieurs centaines d’arbres. De nombreuses routes se retrouvent impraticables, d’autant plus que des inondations sont également observées. Les localités de Blanmont, Perbais, Chastre, Cortil-Noirmont, Villeroux, Saint-Géry, Gentinnes et Ernage sont durement frappées. Après une enquête de terrain, il s’avère qu’une microrafale T2 est à l’origine de ces dégâts avec des vents estimés autour de 120 à 130 km/h sur un couloir de près de 4 km de large.
En guise de témoignage, Augustin Van De Velde, un habitant de Saint-Géry, raconte ce qu’il a vécu : “J’étais avec ma femme dans notre maison quand l’orage est arrivé. Le ciel est devenu tout noir et il a fait d’un coup très sombre. Ensuite, la pluie a commencé et il y a eu beaucoup de vent. Nous étions dans la cuisine à regarder au dehors quand on a vu le plus grand arbre de notre jardin, qui est a quelques mètres de nous, pencher de plus en plus. Pour finir, il s’est complètement déraciné et est tombé juste a côté de la maison en faisant beaucoup de bruit. Nous avons eu très peur qu’il tombe sur nous, on a eu beaucoup de chance. Après, on a vu un autre arbre tomber juste à côté de notre voiture en emportant également un poteau électrique. Cela a duré un quart d’heure et quand cela s’est terminé, nous sommes sortis et avons constatés que le jardin était dévasté. De nombreux arbres ont été déracinés. La route était complètement bloquée par des arbres et des câbles électriques. Les pompiers sont venus la dégager mais ils nous ont dit que c’était à nous de le faire dans notre propriété. Maintenant, le paysage est beaucoup plus dégagé car de nombreux arbres ont été déracinés chez nos voisins aussi.”
Pour en revenir au déroulement de l’offensive orageuse, vers 21h20, les orages causent des inondations à Grez-Doiceau, Nethen, Tourinnes-la-Grosse et Beauvechain. La ligne orageuse poursuit sa route avec la même intensité et produit alors une puissante rafale descendante sur la commune de Jodoigne autour de 21h30. Une enquête de terrain a permis d’établir qu’il s’agit d’une microrafale T4 (vitesse du vent se situant entre 184 et 220 km/h) sévissant sur un couloir de près de 4 km de large.
Les dégâts engendrés par le vent y sont considérables, essentiellement à Lathuy et Jodoigne. En effet, de très nombreux arbres sont sectionnés ou déracinés dont certains tombent sur des véhicules. De même, des pylônes électriques se retrouvent à terre. Au niveau du bâti, une centaine de toitures sont endommagées (certaines étant même entièrement détruites) et des façades s’écroulent. Des vitres explosent et blessent plusieurs personnes légèrement, les structures légères comme les abris de bus et de jardin s’envolent et le hall sportif de Jodoigne est complètement détruit.
Par ailleurs, une station météo amateur enregistre une rafale à 204 km/h ! Au vu des dégâts, c’est un vrai miracle qu’aucune victime ne soit à déplorer. En outre, des inondations sont également observées. Les services de secours du Brabant Wallon se retrouvent rapidement débordés et le plan catastrophe provincial est déclenché.
En progressant, la ligne orageuse touche également l’extrême ouest de la province de Liège. Dans la commune de Hannut, les villages de Grand Hallet et Petit Hallet sont touchés par des coulées de boues et le ruisseau de Henry-Fontaine sort de son lit, inondant plusieurs habitations. En outre, des chutes de grêlons de 3 cm de diamètre sont signalées à Hélécine (province du Brabant Wallon). Dans la province du Brabant Flamand, les fortes pluies inondent de nombreuses voiries et habitations notamment à Dilbeek, Grimbergen, Strombeek-Bever, Wemmel, Louvain et Tirlemont.
Durant leur progression, les orages ne diminuent pas en intensité. En entrant en province de Limbourg vers 21h45, de fortes rafales de vent causent des dégâts, notamment dans la région de Saint-Trond où le plan catastrophe communal est déclenché.
De nombreux arbres sont déracinés ou sectionnés et des toitures sont endommagées, notamment celle de l’école de Zepperen. L’origine de ces dégâts ne nous est pas connue mais l’hypothèse d’une rafale descendante est privilégiée. En outre, des chutes de grêlons allant jusqu’à 5 cm de diamètre sont observés. Peu après, l’axe orageux engendre, une nouvelle fois, une possible rafale descendante vers 21h55 sur Kortessem, Alkem et Wellen. Les dégâts induits à la végétation sont importants, les structures légères s’envolent et de nombreuses toitures sont endommagées au passage du vent violent. Une fois de plus, des inondations sont signalées et des ruisseaux entrent en crue. Un peu plus tard, des dégâts dus au vent sont aussi signalés à Diepenbeek mais nous ne disposons pas plus d’informations sur la nature du phénomène. Cependant, dans ce cas-ci, la thèse de fortes rafales convectives est la plus plausible. En outre, une rafale à 87 km/h y est enregistrée.
Quant aux orages, ils continuent de progresser vers le nord-est en commençant toutefois à s’affaiblir. Cependant, le vent occasionne encore localement quelques dégâts comme à Genk par exemple. Les orages finissent par franchir la frontière hollandaise autour de 22h15.
On note qu’au cours de la progression de la ligne orageuse en Belgique, il n’est pas impossible que l’une ou l’autre cellule au sein de celle-ci ait adopté des caractéristiques supercellulaires, surtout sur son flanc est.
En arrivant en Allemagne, l’axe orageux engendrent toujours de fortes rafales de vent qui occasionnent encore des dégâts. De plus, des grêlons allant jusqu’à 6 cm de diamètre sont observés. La région de Mönchengladbach s’avère être la plus impactée. En Belgique, à l’arrière de la ligne orageuse, des orages monocellulaires se forment et se déplacent sur un axe allant du sud de Binche (province de Hainaut) à Louvain (province du Brabant Flamand) entre 22h15 et 23h15. Ceux-ci causent de nouvelles inondations, surtout en Brabant Wallon où la Dyle connaît une deuxième crue à Genappe, Court-Saint-Etienne et Wavre. L’une ou l’autre de ces cellules pourrait avoir aussi adopté des caractéristiques supercellulaires.
Plus tard, un autre orage naît au sud-est de Tournai (province de Hainaut) vers la frontière française aux alentours de 22h15 et progresse vers le nord-nord-est en évoluant très probablement en supercellule au sud-est de Gand (province de Flandre Orientale) avant de s’affaiblir en franchissant la frontière hollandaise autour de minuit. De plus, entre 23h30 et 1h30 (du matin, le 24 juin), quatre orages naissent successivement au sud de Bruxelles et traversent tour à tour la capitale avant de faiblir. Une fois encore, deux de ces orages sont suspectés d’avoir adoptés des caractéristiques supercellulaires.
Les cumuls de précipitations sont localement importants malgré que les orages se soient déplacés assez rapidement. De fait, il est arrivé que plusieurs cellules aient touché une même région. Ainsi, on a récolté 73 mm à La Hestre (province de Hainaut) et 66 mm à Beitem (province de Flandre Occidentale). En cours de nuit, quelques faibles cellules se développent encore sur la province de Limbourg et également sur l’Ardenne.
À 4h30, plusieurs orages multicellulaires explosent littéralement sur le sud de la province de Limbourg avec de fortes pluies et une activité électrique intense, ceux-ci progressant vers le nord-nord-est. D’autres cellules plus faibles se développent aussi sur les provinces de Liège et de Luxembourg. À partir de 7h00 du matin, toute l’activité orageuse quitte notre pays en mettant fin à cette offensive particulièrement étendue et violente par endroit.
Elle fut caractérisée par une intense activité électrique et pluviométrique causant de nombreuses inondations. Ainsi, sur la seule journée du 23 juin, ce sont 40 000 éclairs qui ont été détectés ! Mais c’est surtout le vent qui a causé le plus de dégâts, avec plusieurs rafales descendantes destructrices ainsi que de fortes rafales convectives. Il n’est également pas impossible qu’une ou plusieurs tornades se soit développée. De plus, un certain nombre d’orages semblent avoir adopté des caractéristiques supercellulaires, cet épisode pouvant être qualifié de “supercell outbreak”. Quant aux dégâts, ceux-ci sont indénombrables et mêmes encore bien visibles à Jodoigne plus d’un an après. Ce fut sans conteste l’une des plus violentes offensives depuis le 14 juillet 2010.
Un dossier sur cet épisode remarquable a été réalisé par notre collectif. Nous vous invitons à le consulter via le lien suivant : Microrafale T4 de Jodoigne du 23 juin 2016.
Pour obtenir davantage d’informations, nous vous invitons à suivre les liens suivants :
- Inondations à Bruxelles (en Néerlandais)
- Des maisons subissent des dommages important suite aux chutes de grêles (en Néerlandais)
- Énormes ravages à Heeze (en Néerlandais)
- Beaucoup de dégâts à cause de grêlons immenses (en Néerlandais)
- Plan d’urgence déclenché dans la Brabant Wallon
- Le hall sportif de Jodoigne détruit
- La Wallonie à nouveau touchée par les orages
- La Belgique touchée par de violents orages
- Les images impressionnantes des intempéries
- Orages en Flandre (en Néerlandais)
- De nombreux dégâts en Flandre (en Néerlandais)