Le lundi 24 octobre 2022, la Belgique est, comme la veille, soumise à une dynamique propice à la survenue d’orages vigoureux, voire supercellulaires. Les orages supercellulaires peuvent être parmi les plus dévastateurs des orages, comme elles peuvent être relativement quelconques pour les personnes non averties. Heureusement, c’est ce deuxième cas de figure qui est à l’ordre du jour, contrairement au 23 octobre 2022. Ces orages sont ainsi passés presque incognito, malgré des caractéristiques remarquables.
En effet, ils ont été identifiés comme étant une variété d’orages supercellulaires de petite taille, mais toutefois eux aussi induits par la mise en rotation qui les caractérise. Il s’agit dès lors de supercellules « low-topped » (pour « sommet bas » en anglais, car leur développement vertical n’est pas aussi profond que les autres supercellules). Ainsi, de telles cellules sont observées dans l’après-midi du 24 octobre 2022 en Belgique.
Au niveau atmosphérique, notre pays se situe entre un complexe dépressionnaire qui s’étend du Groenland à la mer du Nord, et un vaste anticyclone sur le bassin méditerranéen. Au niveau du sol, de l’air encore doux nous concerne, avec près de 19°C enregistrés en plaine (18,9°C à Cointe, Floriffoux, Munte et Merendree). Par contre, en altitude, nous retrouvons des températures de l’ordre de -20°C à 500 hPa, ce qui donne des valeurs d’instabilités encore assez élevées pour une fin octobre (1.000 J/kg de MUCAPE et 400 J/kg de MLCAPE).
Nous retrouvons aussi le jet stream sur le centre de la France, mais certains modèles voient une branche secondaire sur l’est de notre pays en fin d’après-midi, au moment où un noyau de divergence se présente également. Les conditions sont donc réunies pour soutenir le développement de la convection. De plus, le cisaillement des vents est bien présent, surtout en vitesse, et, dans une moindre mesure, en direction, avec un flux orienté sud-sud-ouest dans les basses couches et ouest-sud-ouest en altitude. Ajoutons encore que le niveau LCL (soit le niveau de condensation) est assez bas et que nous retrouvons aussi des cisaillements modérés en basses couches (150 à 200m²/s² en SRH 0-3 km) en fin d’après-midi. Dès lors, il n’est pas étonnant que des orages aux caractéristiques supercellulaires aient réussi à se développer.
Carte synoptique du 24 octobre 2022 à 14h00. Source : KNMI
Ainsi, en début d’après-midi, un axe convectif se forme entre Ath, en province de Hainaut, et Amiens, en Picardie (France), alors que d’autres averses circulent le long de nos côtes. Vers 14h00, les premiers orages se développent en province de Hainaut, sur la ligne convective. Un premier noyau naît près de Ath pour se dissiper vers Braine-le-Comte, tandis qu’un deuxième, apparu près de Valenciennes, se déplace en direction de Soignies. Cette cellule, située à la queue de la ligne, présente des caractéristiques supercellulaires, avec une colonne ascendante très inclinée et une déviation temporaire vers la droite. Cependant, en province du Brabant Wallon, l’orage s’affaiblit sur Genappe vers 15h00, ne connaissant, par après, qu’un sursaut d’activité sur la région de Jodoigne.
Ensuite, aux alentours de 16h00, plusieurs cellules se développent rapidement sur un axe qui circule sur le centre du pays, en suivant la même trajectoire que le précédent. En réalité, il s’agit d’une occlusion qui traverse alors la Belgique. La première cellule se forme près de Beloeil et acquiert rapidement des caractéristiques supercellulaires. Une demi-heure plus tard, elle frappe Soignies, en connaissant une baisse d’activité, signe d’une restructuration de l’orage, tandis qu’une autre cellule se développe sur Genappe.
À 17h00, nous retrouvons ce premier orage sur Tirlemont en province du Brabant Flamand alors que l’autre s’apprête à toucher la région de Louvain-la-Neuve, en province du Brabant Wallon. À ce moment, ces cellules montrent une colonne ascendante bien inclinée, séparée de la zone de précipitations. D’autres orages aux caractéristiques similaires concernent également Dour, en province de Hainaut, et Courtrai en province de Flandre Occidentale, alors qu’une zone de pluie associée à une autre occlusion franchit la frontière franco-belge à l’extrême ouest de notre pays. En outre, l’orage de Courtrai présentera aussi une déviation vers la droite en se déplaçant vers Lede, en province de Flandre Orientale, signe d’une probable évolution supercellulaire.
Autour de 17h30, la cellule de Tirlemont se dissipe vers Saint-Trond en province de Limbourg, mais celle de Louvain-la-Neuve entre en phase pré-tornadique. En effet, le courant ascendant s’abaisse de plus en plus et sa base se montre très turbulente, avec de multiples tubas qui se succèdent, se rapprochant par moment assez près du sol. Comme à Incourt, où l’un d’entre-deux fini par aspirer des fractus à quelques dizaines de mètres du sol seulement.
Courant ascendant de la cellule près d’Incourt, en province du Brabant Wallon, avec de multiples tubas visibles, le 24 octobre 2022.
Ceux de gauche étaient presque au niveau du sol quelques instants auparavant.
Toutefois, à ce moment, la cellule commence à présenter des signes d’affaiblissement, et les tubas se rétractent, alors que la cellule arrive sur Tirlemont, vers 17h50. Cette faiblesse apparaît également dans l’activité électrique qui disparaît temporairement. Effectivement, l’orage se restructure et reprend vigueur en Flandre, mais sans se montrer aussi vigoureux qu’auparavant. À ce moment, la cellule de Dour est en passe de circuler au nord de Charleroi. Cette dernière montre également une structure bien évoluée, avec le développement de quelques brefs tubas.
Courant ascendant d’un orage présentant des caractéristiques d’une supercellule LT
à Sombreffe, en province de Namur, le 24 octobre 2022.
Par la suite, l’orage finit par se dissiper sur Perwez en province du Brabant Wallon vers 18h45, en présentant encore un nuage mur bien structuré. En parallèle, la zone de pluie sur l’ouest du pays s’active en développant une nouvelle ligne convective entre Gand et Courtrai, pour se retrouver à 19h00 entre Malines et Tournai, en présentant une activité électrique assez soutenue.
Nuage mur transitant sur la région de Perwez, en province du Brabant Wallon, au moment où la cellule se dissipe, le 24 octobre 2022.
Enfin, pour être complet, on note aussi le développement, toujours vers 17h00, d’une autre cellule isolée au sud d’Anvers, qui prend également les mêmes caractéristiques. Un tuba massif est d’ailleurs observé, notamment depuis Merxem en province d’Anvers. Cet orage circule ensuite autour de 18h00 près de Turnhout avant d’aller s’effondrer de l’autre côté de la frontière, aux Pays-Bas. Signalons également qu’une cellule aux caractéristiques supercellulaires transite aussi sur le sud du pays. Présente autour de 18h00 à Florenville, en province de Luxembourg, elle s’évacue une heure plus tard sur le Grand-Duché de Luxembourg en perdant de sa vigueur.
Sur l’ouest, l’axe orageux perd progressivement son caractère vigoureux en se rapprochant de Bruxelles, atteinte aux alentours de 19h30. Toutefois, quelques inondations sont observées dans la Capitale, car de fortes précipitations passagères accompagnent ces cellules.
Orage transitant sur la province de Limbourg, le 24 octobre 2022 en soirée, vu depuis Soiron en province de Liège.
À ce moment, l’axe convectif se dissipe, sauf un noyau présent à la pointe sud qui garde son activité, en présentant également les caractéristiques d’une supercellule LT pendant que la cellule traverse la province du Brabant Flamand en direction du Limbourg, avec encore une bonne activité électrique, visible de loin dans un ciel dégagé.
Coups de foudre détectés en Belgique le 24 octobre 2022. Source : Lightningmaps
Enfin, vers 22h30, l’offensive se termine par l’évacuation des orages vers les Pays-Bas, puis l’Allemagne, qui voit toujours cette dernière cellule poursuivre sont activité jusqu’en milieu de nuit.