La journée du samedi 07 juin 2014 a sonné le départ pour une période exceptionnelle au niveau orageux car la Belgique a connu le passage de plusieurs orages supercellulaires et multicellulaires particulièrement intenses durant quarte jours d’affilé. Cependant, comme à l’habitude avec notre pays, certains facteurs présents telle qu’une inversion thermique pouvaient rendre l’occurrence de ces orages incertaine au départ sauf que cette fois-ci, aucune offensive n’a répondu « absente », si bien que beaucoup de régions se souviendront encore longtemps de ce weekend de Pentecôte 2014.
Courant ascendant d’un orage supercellulaire sévissant dans la région
de Wingene en province de Flandre Occidentale.
Crédit photo : Jean-Yves Frique
En revenant quelques jours en arrière, on constatait déjà que les modèles météorologiques prévoyaient une situation particulièrement propice à la survenue d’orages localement violents. En effet, une dépression allait se positionner sur le proche Atlantique faisant remonter progressivement des courants très chauds d’origine subtropicale sur nos régions, avec une instabilité devenant très importante, le tout au-devant d’un front froid qui ralentissait sa progression et se mettait à onduler sur l’ouest de la France et la mer du Nord, position qu’il allait par ailleurs garder les jours suivants. Au même moment, le courant d’altitude devait s’accélérer à l’approche d’un courant jet. En outre, la présence d’un vent tournant avec l’altitude (appelé « veering » en anglais) venait compléter la panoplie de facteurs favorables au développement d’orages sévères.
Analyse de surface à 20h00 le 7 juin (source : KNMI).
Malgré cela, comme cités précédemment, certains facteurs pouvaient contrecarrer la naissance de cellules orageuses. Ceux-ci se matérialisent par la présence d’une couche d’air à la température plus chaude que la masse d’air au niveau du sol (inversion thermique bloquant ainsi la convection) et par un manque d’humidité dans les basses couches, cette dernière pouvant empêcher la constitution des nuages eux-mêmes.
Dans certains cas, ces facteurs pouvant inhiber une offensive orageuse peuvent servir de compresseur à énergie avant que celle-ci ne s’accumule et puisse engendrer des orages plus puissants que si ces facteurs n’avaient pas été présents. En effet, à la manière d’une casserole à pression, une inversion de température peut empêcher l’air de s’élever pendant un moment voire pendant toute la période mais si le couvercle de la casserole en question fini par percer, là où l’air s’échappe, il le fait avec beaucoup plus de violence que si le couvercle n’avait jamais existé.
De même, un manque d’humidité est synonyme d’un faible nombre de nuages, permettant ainsi au sol d’être davantage réchauffé par le soleil. Néanmoins, pour vaincre l’inversion de température, un forçage dynamique est nécessaire et celui-ci allait entrer en vigueur en soirée à partir du nord-ouest du pays via un couplage entre le front de brise de mer et une convergence des vents en basses couches. Cette dernière est par ailleurs bien identifiée sur les cartes d’analyse de surface comme celle exposée plus haut, sous la forme d’une plume rouge.
Radar de précipitations vers 17h30
Source : Buienradar
À ce moment-là, il était environ 17h30 et l’instabilité atteignait des valeurs oscillant autour de 2000 J/kg de MUCAPE dans le nord-ouest du pays, ce qui était largement suffisant pour « nourrir » la formation d’un éventuel orage.
Sous l’action combinée de l’instabilité et des forçages locaux, l’inversion a fini par se rompre. Ce violent perçage de l’inversion s’est produit dans la région du Nord-Pas-De-Calais en France vers Béthune pour rapidement former une cellule orageuse très organisée. Vers 18h30, l’unique orage en vigueur a fait son entrée en Belgique via la région de Nieuwkerke située en province de Flandre Occidentale en déversant d’importantes quantités de précipitations.
Radar de précipitations vers 18h30
Source : Buienradar
Une demi-heure plus tard, une division de l’orage s’est opérée en faisant progresser l’évolution de la cellule moteur droit vers son apogée soit vers un stade supercellulaire prolongé. En effet, la dissociation des courants ascendant et descendant de cette cellule fut marquée avec une présence d’un nuage-mur bien structuré. Dès lors, la première supercellule avérée de ce weekend de Pentecôte 2014 était née. Quant au moteur gauche issu de la division, celui-ci constituait le premier cas probable de supercellule.
Radar de précipitations vers 19h15
Source : Buienradar
Vers 19h15, alors que le moteur gauche s’effondrait avant d’atteindre la région de Middelkerke, le moteur droit constituant un orage supercellulaire classique a transité par la région de Wingene, vers l’est de la province de Flandre Occidentale, où des grêlons de 6 à 7 cm firent des dégâts considérables aux serres, véhicules et autres structures sensibles à ce genre de phénomène.
Un membre de notre collectif était présent sur place et a pu réaliser de nombreuses photographies du courant ascendant de l’orage en question. L’activité électrique issue de la cellule se caractérisait par de nombreux éclairs intranuageux, de sorte que le tonnerre se faisait entendre de manière continuelle. Par ailleurs, le courant descendant grêligène ne passant pas inaperçu, de nombreuses vidéos ont été diffusées sur Internet dont en voici l’une d’entre-elles : Chute de grêle à Wingene. De même, cet événement a défrayé la chronique avec pas mal d’articles réalisés sur le sujet dont en voici quelques publications : La Libre Belgique – Des grêlons gros des balles de ping pong, Vers l’Avenir – Tempête de grêle. Divers sujets télévisés ont également relatés ces événements dont en voici une réalisation faite par la RTBF : Tempête de grêle. Bien entendu, des galeries photographiques portant sur le phénomène furent également mises en place : Vers l’Avenir – Tempête de grêle en images.
Nuage-mur d’un orage supercellulaire dans la région
de Wingene en province de Flandre Occidentale.
Crédit photo : Jean-Yves Frique
Vers 20h00, la supercellule a commençé à décliner en atteignant la frontière belgo-hollandaise non loin de Boekhoute en province de Flandre Orientale pour finir par se dissiper près de la ville de Terneuzen aux Pays-Bas. On note ainsi une trajectoire très similaire à celle ayant été empruntée par la supercellule du 10 septembre 2011.
Radar de précipitations vers 20h00
Source : Buienradar
Au même moment, un système multicellulaire s’est mis en place au large de la côte belge mais celui-ci a uniquement concerné la région maritime. Cependant, vers le centre de la Belgique, une nouvelle percée de l’inversion s’est mise en place dans la région de Ath en province de Hainaut pour aboutir à une nouvelle cellule convective unique adoptant une nouvelle fois un comportement supercellulaire durable.
Orage supercellulaire sévissant dans la région bruxelloise,
photographié depuis la province de Hainaut.
Crédit photo : Jean-Yves Frique
Pendant ce temps, un autre orage s’est formé dans le sillage de la première supercellule en province de Flandre Occidentale mais celui-ci n’a duré que peu de temps, cependant, le radar met en évidence des caractéristiques supercellulaires mais la trop courte durée de l’orage ne permet pas de classer ce cas comme certain.
Radar de précipitations vers 20h30
Source : Buienradar
Un courant ascendant puissant fut responsable des grêlons
de gros diamètres tombés à Bruxelles.
Crédit photo : Jean-Yves Frique
Vers 20h30, la supercellule du centre du pays arriva aux portes de Bruxelles où elle déversa d’importants grêlons au nord-ouest de la région dont une partie au Heysel, ce qui amena une interruption du match de football entre la Belgique et la Tunisie. Là aussi, leur taille atteignit un diamètre conséquent allant de 5 cm à 6 cm. Bien entendu, vu sa localisation et les phénomènes engendrés, cette supercellule ne passa pas inaperçue et et fit le lendemain l’objet de nombreux articles de presse. Par ailleurs, en dehors de l’interruption du match de football, les maquettes de Mini-Europe ont été endommagées par la chute des grêlons comme le stipule l’article ci-contre : Mini-Europe grêlée.
Orage supercellulaire s’étendant progressivement en progressant
au nord-ouest de Bruxelles-Capitale.
Crédit photo : Jean-Yves Frique
Orage supercellulaire progressant dans la région bruxelloise
et observé depuis Kortenberg en province de Brabant Flamand.
Crédit photo : Samina Verhoeven
Le plus particulier fut sans doute le passage du courant ascendant de l’orage au-dessus de la capitale, celui-ci ayant même développé un nuage-mur. Quant à l’activité électrique, elle fut encore une fois de bonne facture avec la présence de nombreux éclairs intranuageux. Une fois passé Bruxelles, la cellule continua son chemin vers la région flamande pour finir par se dissiper dans les environs de Mol en province d’Anvers aux alentours de 22h30.
Radar de précipitations vers 22h30
Source : Buienradar
Ainsi, cette journée a été marquante à plus d’un titre avec la présence de deux orages supercellulaires avérés et d’un autre probablement de même nature. En outre, ce qu’il faut surtout avoir à l’esprit, c’est que ce genre d’événement marquait seulement le début d’un weekend aux orages d’exception.
Un dossier a été réalisé sur ces trois journées exceptionnelles. Nous vous invitons à le consulter via le lien suivant : Supercell Outbreak des 7, 8 et 9 juin 2014.