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17-18/06/2021 – Orages supercellulaires nocturnes

    La nuit du 17 au 18 juin 2021 a été marquée par le passage de trois orages très actifs en Belgique, sur un couloir restreint allant de l’Entre-Sambre-et-Meuse à la Campine. Deux d’entre eux ont présenté des caractéristiques supercellulaires prononcées et durables, s’accompagnant de structures nuageuses parfois spectaculaires pour nos régions.

    Ainsi, après une journée localement chaude pour la saison et marquée par une ambiance de lourdeur, l’air est resté instable sur nos contrées malgré l’évolution nocturne, avec des valeurs de MUCAPE de 500 à 1000 J/Kg. Cette instabilité modérée a été couplée à une dynamique atmosphérique favorable à l’avant d’un front ondulant à l’ouest de nos régions, avec la présence de convergences en basse couche. En altitude, le flux est modérément divergent, à l’est d’une branche de Jet ondulant de la France aux Îles britanniques.

    On note également des cisaillements de vent favorables à l’organisation supercellulaire des orages, induits par un flux généralement de nord-est en basse couche, alors qu’il est de sud-sud-ouest en altitude. D’après les modèles Arome et Icon, un jet de basse couche orienté nord-est à est semble ainsi s’établir en fin de soirée, à quelques centaines de mètres au-dessus du sol, assurant une alimentation accrue en moiteur vers les foyers orageux qui se sont développés en soirée en France, pour concerner la Belgique durant la nuit.

    Analyse de surface du 18 juin 2021 à 2h00 heure belge. Source : KNMIAnalyse de surface du 18 juin 2021 à 2h00 LT. Source : KNMI

    Au départ, un petit système multicellulaire se développe en France sur l’ouest du département de la Marne vers 21h00, mais c’est véritablement en passant à l’ouest de Reims qu’un foyer s’individualise en gagnant des caractéristiques supercellulaires. Vers 23h00, c’est ainsi une supercellule bien affirmée qui se trouve à la frontière entre Aisne et Ardennes, accompagnée d’une forte activité électrique déjà visible jusqu’au sillon Sambre-et-Meuse malgré la distance.

    Supercellule transitant dans la région de Mettet (province de Namur) la nuit du 17 au 18 juin 2021.Orage supercellulaire transitant dans la région de Philippeville en province de Namur, la nuit du 17 au 18 juin 2021.

    Plus tard, peu après minuit, cet orage entre en Belgique entre Chimay et Couvin, accompagné par endroits de grêle. L’intensité de l’activité électrique permet aux observateurs de la région de déceler une structure nuageuse très dessinée et formée par le courant ascendant incliné et rotatif de l’orage, élément caractéristique des supercellules. Ce foyer très actif transite sur la région de Philippeville en province de Namur juste avant 1h00.

    Radar de précipitations à 0h55 le 18 juin 2021. Le premier orage supercellulaire se trouve sur la région de Philippeville, tandis qu'en France se trouve le second qui concernera les mêmes régions un peu plus tard. Source: Meteo France via MeteocielRadar de précipitations à 00h55, le 18 juin 2021. Le premier orage supercellulaire se trouve sur la région
    de Philippeville, tandis qu’en France se trouve le second qui concernera les mêmes régions un peu plus tard.
    Source : Meteo France via Meteociel

    En atteignant la Basse Sambre, l’orage perd cependant rapidement de la puissance (après avoir possiblement généré une faible et brève tornade observée par l’équipe de Jonas Piontek) et, pour preuve, son activité électrique s’estompe d’un coup pendant une dizaine de minutes entre Sombreffe et Gembloux, avant de réapparaître sur le Brabant Wallon vers 2h00. Toutefois, ce foyer peine à reprendre de la puissance, et traverse la Flandre sans incidence particulière pour quitter la Belgique par la région de Turnhout en province d’Anvers peu avant 4h00 du matin.

    Double coup de foudre et éclair internuageux sous le premier orage supercellulaire, depuis Tongrinne, en province de Namur, le 18 juin 2021 vers 1h00.Double coup de foudre et éclair internuageux sous le premier orage supercellulaire, vu depuis
    Tongrinne, en province de Namur, le 18 juin 2021 vers 1h00.

    Or, en parallèle, un second orage, lui aussi supercellulaire, concerne la Belgique. Il est apparu à l’ouest de Reims en France juste avant minuit, dans un premier temps accompagné par d’autres foyers. Il s’est ensuite individualisé en entrant sur l’est du département de l’Aisne, en suivant une trajectoire pratiquement identique à celle de la première cellule. Toutefois, malgré le fait que cet orage présente des caractéristiques supercellulaires, il reste dans un premier temps moins intense, et entre en Belgique entre Chimay et Couvin vers 1h40.

    Peu après, il gagne en intensité en traversant l’Entre-Sambre-et-Meuse, en développant une structure nuageuse typique et digne des supercellules américaines. Entre Mariembourg et Philippeville, l’orage pourrait avoir développé un tuba voire une brève tornade, des photos prises à la lumière des éclairs par différents observateurs et chasseurs présents sur place étant interpellantes. En l’absence de signalement de dégâts, une localisation précise du ou des phénomène(s) est impossible, et un contact avec le sol ne peut par ailleurs pas être établi.

    Seconde supercellule observée depuis la région de Mettet (province de Namur) la nuit du 17 au 18 juin 2021.Seconde supercellule observée depuis la région de Philippeville en province de Namur, la nuit du 17 au 18 juin 2021.

    Par la suite, l’orage transite un peu avant 3h00 du matin sur l’ouest du Namurois en atteignant vraisemblablement son pic d’intensité. Des observateurs dans la région font état d’un ciel stroboscopique (deux à trois éclairs toutes les secondes) et d’un tonnerre continu et prononcé, tandis que de très fortes précipitations, parfois accompagnées de grêle, provoquent inondations et coulées de boue notamment sur les communes de Jemeppe-sur-Sambre et Gembloux en province de Namur ainsi que sur celle de Perwez en province de Brabant Wallon.

    Approche du second orage supercellulaire observée depuis Bothey, en province de Namur, le 18 juin vers 2h25
    Orage supercellulaire observé depuis Bothey, en province de Namur, le 18 juin vers 2h30. Orage supercellulaire et nuage mur associé observés depuis Bothey, en province de Namur, le 18 juin vers 2h35.

    Au niveau de Bothey, près de Sombreffe, une de nos équipes signale des rafales estimées autour de 80-85 km/h au passage du courant descendant de la cellule, mais localement, elles ont pu atteindre des vitesses supérieures. Quelques dégâts sont observés par endroits, avec des branches brisées et des arbres sectionnés ou déracinés, notamment entre Gembloux et La Bruyère ainsi que sur la commune de Jodoigne en province de Brabant Wallon.

    Supercellule observée depuis Hoegaarden, à la frontière entre les provinces du Brabant Wallon et Flamand.Supercellule observée depuis Hoegaarden, à la frontière entre les provinces du Brabant Wallon et Flamand, le 18 juin vers 3h30.

    L’orage entre ensuite en Flandre vers 3h30 après avoir traversé l’est de la Jeune Province et perd quelque peu en intensité, tout en conservant cependant son organisation supercellulaire. Ce foyer sort plus tard de la Belgique par la région de Turnhout en province d’Anvers, aux alentours de 4h45.

    Radar de précipitations à 2h50 le 18 juin 2021. La seconde supercellule concerne l'ouest de Namur, tandis qu'un troisième orage s'individualise sur l'Entre-Sambre-et-Meuse. Source : Meteo France via Meteociel.Radar de précipitations à 2h50 le 18 juin 2021. La seconde supercellule concerne l’ouest de Namur, tandis
    qu’un troisième orage s’individualise sur l’Entre-Sambre-et-Meuse. Source : Meteo France via Meteociel

    Dans la foulée, un troisième orage intense concerne le même couloir suivi par les deux premières cellules. Néanmoins, à la différence de celles-ci, ce dernier a davantage de difficultés à s’individualiser au sein du système multicellulaire dans lequel il évoluait auparavant en France. Ce troisième ensemble est en effet actif depuis bien plus longtemps que ses deux prédécesseurs puisqu’il existait déjà entre Paris et Orléans en fin de soirée.

    Toutefois, peu avant 3h00, les radars montrent sa prédominance sur la région des Lacs de l’Eau d’Heure où il s’intensifie. Tout au long de son trajet, il maintient un aspect hybride, avec possiblement une composante supercellulaire. Les observations et photographies prises semblent en effet attester de la présence d’un mésocyclone au sein de l’ensemble, notamment dans la région de Gembloux vers 3h40.

    À nouveau, de très fortes précipitations conduisent à des inondations sur les mêmes communes précitées, mais aussi sur Chastre, Walhain, Incourt et Grez-Doiceau en province de Brabant Wallon. Les coulées de boues sont parfois impressionnantes et la succession des cellules sur les mêmes endroits amène certains cours d’eau à déborder. L’activité électrique n’est également pas en reste, du même acabit que celle du second orage.

    Néanmoins, à la différence de ce dernier, les éclairs sont pratiquement tous intranuageux. Le vent est aussi particulièrement sensible au passage de ce troisième orage, sans être toutefois violent. Une des nos équipes postée au nord-est de Thorembais-Saint-Trond relève des rafales autour de 60 km/h.

    Mésocyclone du troisième orage supercellulaire, observé depuis Thorembais-Saint-Trond, en province du Brabant Wallon, le 18 juin 2021 vers 4h00.Possible mésocyclone du troisième orage, observé depuis Thorembais-Saint-Trond,
    en province du Brabant Wallon, le 18 juin 2021 vers 4h00.
    Nuage mur du troisième orage supercellulaire, observé depuis Thorembais-Saint-Trond, en province du Brabant Wallon, le 18 juin 2021 vers 4h00.Nuage mur du troisième orage, observé depuis Thorembais-Saint-Trond,
    en province du Brabant Wallon, le 18 juin 2021 vers 4h00.
    Orage aux caractéristiques supercellulaires transitant par Thorembais-Saint-Trond, en province du Brabant Wallon, le 18 juin peu avant 4h00.Orage aux caractéristiques hybrides transitant par Thorembais-Saint-Trond,
    en province du Brabant Wallon, le 18 juin peu avant 4h00.

    Ensuite, l’orage concerne la région de Jodoigne vers 4h00, où isolément on observe un arbre brisé ou déraciné suite à de fortes rafales de vent. Un peu après, l’orage entre en Flandre. Il maintient sa forte activité, mais l’aspect supercellulaire semble progressivement disparaître au profit d’une organisation multicellulaire plus classique. Ce troisième et dernier système finit par s’évacuer vers le Limbourg aux alentours de 5h30. Il est à noter que cet orage, ainsi que le second, poursuivront leur trajet à travers les Pays-Bas jusqu’en début de matinée.

    Pour apporter une conclusion, l’élément remarquable de ces orages, outre la forte activité électrique, est l’évolution supercellulaire rendue visible par les magnifiques structures nuageuses et la rotation observée. L’intensité des précipitations, parfois grêligènes, est également typique des supercellules, surtout qu’elles se démarquaient du courant ascendant. En outre, les relevés pluviométriques dans les stations officielles sont peu parlants, étant donné l’étroitesse du couloir suivi par les orages :

    • 50 mm à Senzeilles (province de Namur, station amateur) et à Geel (province d’Anvers, station amateur)
    • 27 mm à Retie (province d’Anvers)
    • 23 mm à Jodoigne (province du Brabant Wallon)
    • 22 mm à Chastre (province du Brabant Wallon)
    • 20 mm à Ernage (province de Namur)

    Seules les stations de Senzeilles et de Geel, situées dans le couloir suivi par les cellules, ont relevé des quantités remarquables. Bien qu’il s’agisse de stations amateurs, ces relevés semblent être les plus représentatifs des quantités réellement tombées par endroits, au vu des inondations observées par exemple à Walhain et Piétrebais (province du Brabant Wallon), suite à des précipitations reçues en plusieurs fois et en très peu de temps.

    Ensuite, la matinée ainsi que le début de l’après midi se déroulent calmement. Cependant, une dépression thermique se creuse au sein du front ondulant se trouvant à l’ouest de notre pays, et remonte vers la mer du Nord. À nouveau, l’instabilité grimpe et les cumulus bourgeonnent. Cette dépression induit encore un cisaillement marqué, accentué à la côte par l’établissement d’une brise de mer. Au sein du secteur chaud, une ligne de convergence remonte également depuis les Flandres vers les Pays-Bas.

    Ainsi, dès la matinée, des foyers orageux virulents concernent le nord-ouest de la France, proches des côtes de la région de Boulogne. Ces orages progressent ensuite en Manche vers l’Angleterre.  Mais, c’est à 13h30 que deux cellules explosent en Flandre Occidentale, l’une sur Blankenberge et l’autre au sud de Bruges. La première file rapidement en mer tandis que la seconde semble adopter des caractéristiques supercellulaires. Elle est à l’origine de très fortes précipitations, accompagnées de grêle et de fortes rafales de vent.

    Après avoir concerné la ville de Bruges, l’orage arrive peu après 14h00 à Zeebrugge où une rafale de 119 km/h est enregistrée ! D’ailleurs, des images montrent que des rafales descendantes sont probablement à l’origine de cette mesure. De nombreux dégâts portés à la végétation sont signalés. Des inondations sont aussi observées à Knokke-Heist. Ensuite, l’orage ainsi que d’autres foyers périphériques en développement finissent par former un amas multicellulaire, qui se déplace en mer le long des côtes de la Zélande hollandaise.

    En parallèle, d’autres cellules moins virulentes se forment en provinces de Flandre Occidentale et Orientale, ainsi qu’à l’est de Tournai en province de Hainaut et autour de Dunkerque en France.

    Plus tard, autour de 17h00, des orages concernent toujours essentiellement la province de Flandre Occidentale, plus actifs dans la région de Bruges, sans toutefois se démarquer par leur activité, si ce n’est localement des chutes de grêle. Par contre, aux Pays-Bas, le système multicellulaire qui longe les côtes entre dans les terres au nord-ouest d’Amsterdam. Il est précédé par un imposant arcus et produit de fortes rafales de vent, des chutes de grêlons de 2 à 4 cm et des pluies intenses.

    Imposant arcus multicouches devançant un orage multicellulaire dans la région de Schagen, aux Pays-Bas, le 18 juin 2021 vers 18h00.Imposant arcus multicouches devançant un orage multicellulaire dans la région de Schagen, aux Pays-Bas, le 18 juin 2021 vers 18h00.

    On note aussi d’autres foyers plus isolés ailleurs aux Pays-Bas, dont certains adoptent des caractéristiques supercellulaires et engendrent localement de violents phénomènes venteux. En Belgique, les éléments se calment en fin d’après midi. Mais, cette accalmie ne sera que temporaire, car le lendemain un important épisode tornadique concernera le pays.

    En outre, avec la dissipation des enclumes liées aux orages, de nombreux nuages noctulescents sont observés en début de nuit du 18 au 19 juin, surtout sur l’ouest du pays.

    Nuages noctulescents observés depuis Incourt, en province du Brabant Wallon, le 19 juin 2021 vers 0h10.Nuages noctulescents observés depuis Incourt, en province du Brabant Wallon, le 19 juin 2021 vers 0h10.