Les 4 et 5 juin 2022, une nouvelle dégradation orageuse frappe la Belgique. Celle-ci se démarque par des précipitations abondantes, bienvenues pour mettre un terme à la sécheresse que subissaient nos régions. Néanmoins et localement, la situation dégénère car ces pluies se montrent très intenses et engendrent des dommages importants dans certaines localités.
4 juin 2022
Tout débute le 4 juin, alors que notre pays se situe entre un anticyclone placé sur la Mer du Nord, et un front ondulant qui s’étire de la Pologne à l’Espagne, en passant par la France. Au sein de ce système frontal, plusieurs méso-dépression sont présentes. Celle qui détermine l’épisode orageux concernant le pays se trouve alors sur l’ouest de la France.
En Belgique, on retrouve, en plaine, des températures de 24 à 26°C, valeurs atteintes en fin de journée au passage d’un front chaud. Au nord de ce front, le vent souffle de secteur nord-est, et au sud du front, de sud-est, ce qui crée une forte convergence qui donne naissance à des orages (faibles) sur le relief ardennais.
Analyse de surface le 4 juin 2022 à 14h00. Source : KNMI
En altitude, nous retrouvons un talweg sur l’Atlantique, qui se développe en direction de la France. Associé à celui-ci, une branche de jet streak se déplace à proximité de la façade atlantique, jusqu’au nord de la France, apportant une divergence d’altitude et une dynamique favorable au développement de la convection.
Au sein du secteur chaud, sur une ligne de convergence, des orages supercellulaires se développent dans le centre de la France. Ces derniers causent localement d’importants dégâts en raison de chutes de grêlons qui atteignent 8 à 10 centimètres de diamètre ! De fortes pluies et des rafales de vent engendrent également des dommages par endroits. La France connait ainsi sa dégradation orageuse la plus étendue depuis août 2019.
Près de la méso-dépression qui remonte vers le nord, des orages se développent également au nord de Tours vers 15h00, pour former rapidement un système multicellulaire qui concerne l’Ile-de-France à partir de 17h00. En parallèle, d’autres foyers orageux se forment en Normandie. Ces deux ensembles vont finir par fusionner en fin d’après-midi en une zone pluvio-orageuse, qui remonte progressivement vers le nord-nord-est en direction de la Belgique.
En soirée, aux alentours de 20h00, la zone centrale du système s’intensifie sur la région d’Amiens, en lien avec la dynamique d’altitude. Un écho en arc se structure rapidement, et accélère son déplacement pour toucher l’ouest de la province du Hainaut. Cet écho en arc présente surtout une activité électrique élevée. Il s’effondre cependant en franchissant la frontière belge vers 23h00, mais engendre alors d’importantes précipitations. Des inondations sont logiquement observées, avec des coulées de boue et des voiries sous eaux.
Coup de foudre dans la région de Saint-Maur (province de Hainaut), en début de nuit du 4 au 5 juin 2022.
Coups de foudre ramifiés dans la région d’Ollignies, en province de Hainaut, en début de nuit du 4 au 5 juin 2022.
Ensuite, la zone de pluie s’évacue en cours de nuit, principalement à travers les provinces de Flandre Occidentale et Orientale, mais une bonne portion du pays est aussi concernée par des précipitations plus modestes.
5 juin 2022
Le matin du 5 juin, de nouvelles cellules orageuses se forment dès le lever du jour sur un axe Gand-Tournai-Cambrai. À partir de 7h00, ces foyers fusionnent en un système multicellulaire qui progresse vers le nord-ouest, en engendrant d’importantes quantités de précipitations sous les noyaux les plus actifs. On note la présence d’une zone d’intenses précipitations à cheval sur la limite entre les province de Flandre Orientale et Occidentale, ce qui engendre d’importants cumuls de pluie et des inondations, notamment à Zulte, Waregem, Deinze et Nevele.
Vers 9h00, alors que ces orages se sont mués en une zone de pluie qui stagne sur ces dernières provinces, d’autres orages se développent au sud de la Belgique. Ces derniers se forment à proximité de la méso-dépression, qui s’est déplacée depuis la veille du centre-ouest de la France au centre de la Belgique. En altitude, les mêmes conditions règnent, et la dynamique repousse le front ondulant, qui devient un front froid, vers l’est de la France. La méso-dépression s’est aussi creusée, en provoquant la formation d’un « triple point » sur notre pays, endroit où se rencontrent trois systèmes frontaux. Cette situation est bien connue pour apporter des phénomènes intenses. Heureusement, le phasage entre les différents paramètres n’est pas idéal pour que des orages violents se forment. Par contre, la situation engendre un gros risque d’inondations, par le développement de zones de pluies convectives se déplaçant très lentement, risque bien entrevu par les modèles.
Analyse de surface le 5 juin 2022 à 14h00. Source : KNMI
Ainsi, ces orages matinaux forment un axe stationnaire entre Chimay, Maubeuge et Binche, à cheval sur la frontière franco-belge. Il en découle d’importantes précipitations qui engendrent des inondations locales, notamment à Sivry, Rance et Erquelinnes. En outre, à Ressaix, une maison est touché par un coup de foudre, ce qui déclenche un incendie.
À partir de 11h00, cette zone s’affaiblit progressivement. Vers 13h00, un nouvel axe pluvieux à caractère peu mobile se forme entre Ciney (province de Namur) et Saint-Trond (province de Limbourg). Pendant une heure environ, une ligne de pluies intenses va se regénérer sur place, sur une bande très étroite entre Andenne (province de Namur) et Landen (province du Brabant Flamand), en passant par Hannut.
Ces précipitations diluviennes provoquent des inondations éclairs impressionnantes, avec des routes qui se transforment en torrents. Des centaines d’habitations se retrouvent inondées, des automobilistes sont piégés dans leur véhicule et doivent être secourus. Les différents aménagements de protections contre les inondations se retrouvent rapidement submergés face à l’ampleur du phénomène. Les zones urbanisées entourées d’espaces de cultures agricoles sont ainsi très sensibles à ce genre d’évènements. Par ailleurs, le réseau routier est rendu complètement impraticable. Une vidéo qui illustre la situation à Hannut est disponible via le lien suivant : Coulées de boues à Hannut (Grand-Hallet).
Coulée de boue à Lincent (province de Liège), le 5 juin 2022.
Inondations à Lincent (province de Liège), le 5 juin 2022.
Comme d’accoutumée avec les phénomènes orageux et convectifs, les plus fortes précipitations ont été très localisées, ainsi la différence peut-être énorme d’un village à l’autre. On déplore des inondations également à Wasseiges, Braives, Lincent et Geer (province de Liège), Saint-Trond, Gingelom (province de Limbourg) et Léau (province du Brabant Flamand). À partir de 14h00, cette ligne convective se déplace en direction du nord, causant de nouvelles inondations en province de Limbourg, mais moins importantes que précédemment. Vers 15h00, la zone de pluie s’affaiblit en arrivant sur la moitié nord de la province de Limbourg, alors que le centre dépressionnaire s’évacue vers les Pays-Bas.
On notera également que la province de Luxembourg est traversée par une autre étendue pluvieuse autour de 16h00-17h00, résultant des orages qui ont sévi plus tôt sur la France. Cependant, les pluies restent modérées. Pour terminer, la Belgique passe dans une masse d’air maritime en fin d’après-midi, et quelques averses orageuses anecdotiques circulent alors d’ouest en est.
Sur l’ensemble de cet épisode, ont été enregistrés des cumuls de précipitations remarquables. Sur la carte suivante, on distingue parfaitement les deux zones les plus touchées lors de ce 5 juin, avec près de 100 mm dans la Botte du Hainaut, sur la frontière française, où les dégâts ont été restreints (région forestière peu urbanisée) et la bande qui part de la vallée de la Meuse pour se propager vers le Limbourg (avec environ 80 mm de pluie), qui a causé les sévères inondations en Hesbaye. On remarque également sur l’ouest du pays, le vestige de la zone pluvieuse de la nuit du 4 au 5, qui n’apparait pas sur cette carte.
Carte des cumuls de précipitations du 5 juin 2022 (de 8h00 le 5 juin à 8h00 le 6 juin). Source : Pascal Mormal (IRM)
Ainsi, on a enregistré les totaux suivants, entre le 4 juin 22h00 et le 5 juin 22h00 :
- 94 mm à Deinze (province de Flandre Orientale, station amateur)
- 84,3 mm à Andenne (province de Namur, IRM)
- 84 mm à Momignies (province de Hainaut, IRM)
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81,8 mm à Zoutleeuw (province du Brabant Flamand, entre 13h00 et 16h00, station amateur)
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81,3 mm à Dormaal (province du Brabant Flamand, entre 13h00 et 16h00, station amateur)
- 81 mm à Sorinne-la-Longue (province de Namur, station amateur)
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78,6 mm à Budingen (province de Limbourg, BCMB)
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78,2 mm à Landenne (province de Namur, IRM)
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75 mm à Hannut (province de Liège, station amateur)
- 74,4 mm à Havinnes (province de Hainaut, IC), dont 44,4 mm entre 23h00 et 00h00 (le 4 juin)
- 71,1 mm à Zoutleeuw (province de Limbourg, IRM)
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70,3 mm à Stewoort (province de Limbourg, entre 13h00 et 16h00, station amateur)
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69,6 mm à Merendree (province de Flandre Orientale, IC), dont 42 mm entre 8h00 et 9h00 (le 5 juin)
- 68 mm à Zomergem (province de Flandre Orientale, IRM)
- 66,5 mm à Saint-Trond (province de Limbourg, IRM)
- 62,2 mm à Geetbets (province du Brabant Flamand, entre 13h00 et 16h00, station amateur)
- 55,6 mm à Rumillies (province de Hainaut, MétéoBelgique)