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28/01/2015 – Un front froid orageux

    Durant la journée du 28 janvier 2015, une ligne de grains provenant de l’ouest a traversé la Belgique en apportant une activité éolienne et pluvieuse soutenue, celle-ci se faisant accompagnée d’une activité électrique nuage-sol sporadique bien que celle-ci ait été relativement active si on tient compte de la saison actuelle.

    À la manière du 14 janvier 2015, cette offensive orageuse a pu se mettre en place grâce à la présence d’une dynamique atmosphérique très marquée et ce, malgré la présence d’une très faible instabilité de l’air. Dans ce cas-ci, notre pays a bénéficié de l’occurrence d’un courant jet puissant en altitude avec des vents dépassant les 200 km/h ainsi que d’une ligne de convergence des vents de surface. Couplés à une profonde anomalie de tropopause, ces éléments ont créé un intense forçage sur l’air présent en basses couches pour le forcer à s’élever et former le système orageux.

    Cieux pré-orageux se présentant à l`avant du front froid observé depuis la région de Waremme en province de Liège, le 28 janvier 2015. Crédit photo : Geoffrey MaillardCieux pré-orageux se présentant à l’avant du front froid observé depuis
    la région de Waremme en province de Liège, le 28 janvier 2015.

    Associée à des vents directeurs significatifs, la perturbation a rapidement traversé le royaume en apportant du grésil voire de la neige fondante par endroits en plus des phénomènes énumérés en début d’article. Les provinces et régions les plus concernées par cette offensive furent celles du Brabant Flamand, de la région bruxelloise, d’Anvers et de Liège.

    Radar de précipitations vers 16h50, le 28 janvier 2015. Source : BuienradarRadar de précipitations vers 16h50, le 28 janvier 2015.
    Source : Buienradar

    En outre, ce phénomène indique que de froides températures se sont manifestées durant la progression de l’anomalie de tropopause dans la troposphère, ce qui a contribué à faire monter le niveau de l’instabilité par réaction vis-à-vis de l’air présent en surface. Par ailleurs, ces froides températures expliquent le fait que du grésil ait été observé dans certaines régions du pays.

    Occurrence des éclairs durant la journée du 28 janvier 2015. Source : LightningmapsOccurrence des éclairs durant la journée du 28 janvier 2015.
    Source : Lightningmaps

    À présent, nous souhaitons nous attarder sur le système en lui-même. Le fait qu’une ligne de grain particulièrement étroite se soit développée au sein même du front froid amène celui-ci à correspondre à un NCFR (Narrow Cold Frontal Rainbands). Ce genre de système ne survient que de temps en temps dans nos régions car celui-ci nécessite l’intervention de nombreux paramètres bien précis pour se développer. La preuve étant que très peu de prévisionnistes prévoyaient une évolution convective en cette journée du 28 janvier 2015.

    Pour notre part, nous avions émis un bulletin en y indiquant toute l’incertitude qui l’accompagne en ce qui concerne une possible évolution convective de la situation. Les différentes analyses effectuées le matin même nous incitaient finalement à émettre une prévision et la délivrance d’un niveau un sur la carte associée. Un niveau un qui mettait en évidence le potentiel que des phénomènes sévères puissent survenir même si celui-ci restait peu marqué.

    Mais quelles sont les raisons qui ont amené l’évolution orageuse observée alors que les valeurs d’instabilité modélisées frisaient non pas le néant mais presque avec, par exemple, des valeurs de CAPE inférieures à 200 j/kg, voire bien moins sur le centre du pays ?

    Arrivée de l'arcus faiblement développé du système orageux dans la région de Waremme en province de Liège, le 28 janvier 2015. Crédit photo : Geoffrey MaillardArrivée de l’arcus faiblement développé du système orageux dans la région
    de Waremme en province de Liège, le 28 janvier 2015.

    Tout d’abord, il est intéressant de se pencher plus en avant sur la formation des orages en hiver, lors du passage d’un front froid par exemple.

    Contrairement à leurs consœurs estivales, les cellules orageuses hivernales n’ont pas besoin d’une instabilité franche pour éclore. Celles-ci se développant le plus souvent dans une atmosphère dynamique. Une atmosphère dynamique étant caractérisée par la circulation d’un courant jet d’altitude, lui-même le plus souvent secondé par des courants rapides à plus basse altitude.

    Une telle dynamique se rencontre lors de puissants conflits de masse d’air, c’est-à-dire, lors de situations où l’on retrouve des forts gradients de températures et de pressions horizontaux. Ce genre de contexte se rencontre le plus souvent en hiver, qui constitue une période où des courants jets se forment dans ces zones dites baroclines.

    Si la situation le permet (comme ce fût le cas ce 28 janvier 2015), le courant jet atteint notre pays et augmente ainsi la dynamique d’altitude. Mais la survenue d’un courant jet précède le plus souvent l’arrivée d’un creux d’altitude ou talweg. Un talweg s’accompagnant d’air plus froid en altitude, une instabilité est souvent présente à son passage. Notons que les principaux forçages d’altitude sont généralement observés à l’avant du talweg mais également au sein des zones soumises à de fortes divergences d’altitude, liées à la sortie gauche ou à l’entrée droite d’un courant jet.

    Rayonnement provenant d`un éclair intranuageux dans la région de Waremme en province de Liège, le 28 janvier 2015. Crédit photo : Geoffrey MaillardRayonnement provenant d`un éclair intranuageux dans la région de Waremme
    en province de Liège, le 28 janvier 2015.

    Dans notre cas, un autre paramètre doit entrer en ligne de compte et concerne la survenue de puissants forçages de basses couches liés au passage d’un front froid vigoureux. Un tel contexte atmosphérique oblige les particules d’air à s’élever en altitude. Si comme nous l’avons vu, les forçages d’altitude sont également de la partie, et ce au même endroit et au même moment, les particules d’air vont continuer leur ascension malgré un profil très peu instable, au départ.

    Précisons tout de même qu’au sein de l’atmosphère, tout est lié. Cela signifie que l’on retrouve des interactions entre la situation en altitude et la situation dans les basses couches. L’un interagissant avec l’autre. Toujours est-il qu’une telle situation peut permettre le développement de nuages convectifs qui, sous l’action de la dynamique d’altitude, pourront s’organiser très rapidement en ligne au sein même du front froid.

    L’activité électrique dépend quand à elle non seulement de la hauteur des nuages convectifs mais également, et surtout, des frottements entre les particules engendrés au sein de ceux-ci. Les cellules convectives les plus développées se retrouvent le plus souvent à l’avant de la ligne frontale, là où les forçages sont les plus marqués. C’est également là que se produisent les plus forts gradients de température. Les rafales de vent y sont donc parfois intenses. Enfin, à l’arrière de la ligne frontale, on retrouve des zones stratiformes où le temps redevient plus calme.

    Ainsi, la journée du 28 janvier 2015, s’est avérée être un exemple parfait d’une situation météorologique propice à la survenue d’une telle évolution orageuse.