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30/10/2018 – La fin de la sécheresse ?

    Durant les derniers jours du mois d’octobre 2018, le temps change radicalement. Alors que la Belgique connaissait un temps chaud et sec depuis plusieurs mois, une dépression nous touche et nous envoie une perturbation pluvio-neigeuse active. Mais est-ce que ces précipitations récentes éclipsent la sécheresse ? Certainement sur les sols superficiels mais pas en profondeur car le déficit est trop marqué…

    Quant aux conditions météorologiques responsables de cette sécheresse, elles sont toujours les mêmes soit une puissante barrière anticyclonique présente sur l’Europe. De temps à autre, un front parvient à progresser sur notre pays et apporte quelques pluies et des orages. Ensuite, directement à l’arrière, l’anticyclone reprend de la vigueur et assèche l’atmosphère. Cette récurrence d’anticyclones se développant successivement est responsable du flux zonal que nous connaissons cette année mais aussi l’année dernière, bloquant le traditionnel flux maritime d’ouest qui nous apporte habituellement notre climat typiquement belge. D’ailleurs, la dépression qui concerne la Belgique en cette fin octobre ne nous vient pas de l’Atlantique mais de Méditerranée, ce qui n’est pas courant. Pour connaitre l’origine de ces anticyclones, nous vous invitons à suivre le lien de l’article suivant : Info Meteo – Aux origines de la sécheresse.

    Pour comprendre la sécheresse qui nous touche actuellement, il faut remonter en arrière et plus précisément en 2015. En se basant sur les données de l’IRM qui élabore ses statistiques à partir de sa station de référence (Uccle – Bruxelles), nous avons la chronologie suivante :

    L’année 2015 est déjà en déficit pluviométrique et ce, pour chaque mois de l’année. Cependant, la sécheresse ne s’est pas faite remarquée car les réserves d’eau des sols étaient bien constituées par les pluies des années antérieures, cependant, le niveau des nappes phréatiques ont continuellement baissé suite au manque de pluie de l’année 2015.

    Néanmoins, l’année suivante, soit 2016, les précipitations reviennent en force. Après les premiers mois qui sont proches de la normale, mai et juin sont exceptionnellement pluvieux avec des inondations qui resteront gravés dans la mémoire de beaucoup de monde. Du coup, les nappes phréatiques se remplissent à nouveau et la tendance sèche de 2015 est oubliée.

    Toutefois, dès le mois d’août 2016, les pluies se font de nouveaux rares et le déficit devient remarquable à l’automne et durant l’hiver. La sécheresse se fait d’ailleurs bien sentir durant les mois de septembre, d’octobre, de novembre et de décembre, ce dernier étant le plus sec jamais mesuré à Uccle. Le niveau des réserves d’eaux est alors en forte baisse, d’autant plus que cette période est normalement propice au rechargement des nappes phréatiques.

    Ensuite vient l’année 2017. Les mois de janvier, février, mars, mai, juin et juillet connaissent davantage de précipitations mais qui se situent toujours en dessous des normales. Le mois d’avril se démarque d’ailleurs en étant exceptionnellement sec. Durant l’été, la sécheresse se manifeste et les niveaux d’eaux sont en baisse constante.

    Cependant, la situation se stabilise en août et en septembre où les précipitations font revenir la situation à la normale. Après un mois d’octobre plus sec, novembre et décembre se montrent humides en étant même dans l’excès, ce qui permet aux réserves d’eaux de se reconstituer mais seulement en partie vu le déficit pluviométrique que nous avons connu entre le mois d’août 2016 et août 2017. En effet, au début de l’année 2018, de nombreux cours d’eau n’ont pas retrouvés leurs niveaux habituels, preuves que les nappes phréatiques ne se sont pas entièrement renouvelées.

    Après le mois de janvier 2018, où les pluies sont légèrement déficitaires, la tendance sèche reprend de plus belle. Les mois de février et mars sont très secs. Les mois d’avril et mai sont plus humides (à Uccle) mais des régions sont épargnées par les averses et la sécheresse s’y fait bien remarquer.

    Anomalie des précipitations en moyenne belge par rapport aux normales. Source : IRMAnomalie des précipitations en moyenne belge par rapport aux normales. Source : IRM

    Ensuite, s’envient une série exceptionnelle. Les mois de juin, juillet et août ne connaissent presque pas de précipitations et de plus, les températures sont remarquablement élevées. La sécheresse s’amplifie fortement et les problèmes avec.

    Le mois de septembre est normal mais pas partout. En effet, certaines régions restent à l’écart des orages présents durant ce mois et ne subissent que de faibles pluies. Le mois d’octobre qui suit est encore exceptionnellement sec en de nombreux endroits et le niveau des réserves d’eau est au plus bas.

    La sécheresse est donc encore bien présente et même si la pluie revient durant les mois suivants, le déficit est tellement marqué qu’il faudrait de nombreuses semaines de précipitations pour pouvoir le combler, sans quoi la situation pourrait facilement redevenir problématique l’année prochaine.

    Mais cela dépend des régions. Cet historique est basé sur la station de référence d’Uccle alors qu’il existe de fortes disparités dans la sécheresse que nous connaissons. Certains endroits sont encore plus impactés par le manque de pluie tandis que d’autres sont proches de la normale et cela en raison des orages !

    En effet, la grande majorité de précipitations mesurées à Uccle est d’origine convective et celles-ci sont tombées en quelques jours seulement. Les régions épargnées par les orages n’ont donc presque pas connu de pluies tandis que d’autres furent davantage touchées. Mais sur toute la Belgique en moyenne, la tendance est à la sécheresse. Par exemple, à Uccle, nous avons en cette fin octobre 465 mm de pluie depuis le début de l’année 2018. Une année normale est d’environ 850 mm, il reste donc environ un peu moins de 400 mm de pluie sur les mois de novembre et de décembre pour obtenir une situation normale à l’échelle annuelle, autant dire que cela sera très difficile à atteindre. Cela, en rappelant que les pluies ont été bien plus clémentes à Uccle par rapport à d’autres endroits !

    Indice de sécheresse pour la Belgique le 21 octobre 2018. Source : IRMIndice de sécheresse pour la Belgique le 21 octobre 2018. Source : IRM

    Pour résumer la situation, on peut séparer la Belgique en 3 parties :

    • La bande littorale (3/4 ouest de la province de Flandre Occidentale). La situation actuelle est normale car de nombreux orages et pluies ont touché cette zone depuis le début du mois d’août 2018. L’humidité de la mer a certainement joué un rôle important. Cependant, c’est cette région qui a subit la sécheresse en premier. En effet, elle a connu une situation exceptionnellement sèche au printemps et au début de l’été 2018 avant d’être régulièrement concernée par les orages et les pluies.
    • Une très grande partie centrale du pays. La situation actuelle est très variable. Alors que des régions sont proches de la normales, d’autres connaissent toujours une sécheresse exceptionnelle. Cela est dû aux différentes offensives orageuses qui ont régulièrement touchés et épargnés les mêmes régions. La situation est même très variable d’une commune à l’autre sur des distances assez faibles. Cette situation de variabilité était déjà présente au printemps car alors qu’Uccle mesurait des précipitations dans la norme, certaines régions étaient systématiquement à l’écart des averses.
    • L’est du pays. La situation actuelle est très préoccupante. La façade orientale de l’Ardenne, la Gaume et les Hautes Fagnes ne connaissent presque pas de précipitations depuis le mois d’août. La sécheresse s’y présente de façon plus tardive que dans les autres régions car elle a été touchée par de nombreux orages durant le printemps et le début de l’été. On se souvient notamment des inondations exceptionnelles du 1er juin. Cependant la situation s’inverse par rapport aux autres parties du pays et la sécheresse s’y installe surtout depuis le mois d’août.

    En conclusion, les disparités qui existent sur le pays sont énormes et la sécheresse est très variable selon les endroits. Mais il faut rappeler qu’en moyenne, la situation est sèche sur la Belgique. Mais quelles sont les conséquences de ce manque de pluie ?

    • Conséquences humaines et économiques. Pour monsieur et madame tout-le-monde, la première chose à laquelle on pense, c’est du travail en plus car il faut arroser le jardin tous les jours. Mais derrière cela, les conséquences sont plus lourdes. En effet, les agriculteurs sont les plus vulnérables. Cette année est catastrophique pour eux car leurs cultures ont subi de lourdes pertes. Il suffisait de se promener à la campagne pour voir à quel point la situation était exceptionnelle dans certaines régions. À moins d’un arrosage intensif, les champs et les praires étaient desséchés avec, à la clef, une forte perte de rendement mais aussi des frais supplémentaires car le bétail devait être souvent alimenté.Même en ce mois d’octobre, certains agriculteurs doivent arroser leurs cultures pour pouvoir les récolter car le sol est trop sec pour les machines. Les faibles rendements de cette année se feront d’ailleurs sentir dans le prix de l’alimentation. Une autre conséquence est la distribution de l’eau qui pose problème dans un certain nombre de communes. Dans une grande partie du pays, des mesures préventives ont été prises, comme l’interdiction d’arroser, de laver les voitures ou encore de remplir les piscines. Ces mesures sont toujours d’actualités en cette fin octobre dans les régions épargnées par les pluies. La situation est plus problématique dans l’est du pays où les réserves d’eau sont au plus bas. Certaines communes sont d’ailleurs alimentées en eau par la protection civile qui remplit quotidiennement les réservoirs à l’aide de camions citernes. Les bassins artificiels sont au plus bas également. Par exemple, le barrage de la Gileppe qui ne contient même plus le tiers de sa capacité (8 millions de mètres cube au lieu de 26 millions). La situation pourrait devenir problématique si la pluie tarde à venir. Le niveau des cours d’eau navigables sont également très bas, ce qui limite la navigation. Les bateaux les plus lourds ne peuvent plus passer et les écluses limitent leur activité pour ne pas empirer la situation.
      Le niveau du barrage de la Gileppe (province de Liège) est très bas ce 16 octobre 2018. Crédit photo : Christian Van OudenhoveLe niveau du barrage de la Gileppe (province de Liège) est très bas ce 16 octobre 2018. Crédit photo : Christian Van Oudenhove
      Le lac de la Gileppe a disparu à certains endroits ce 16 octobre 2018. Crédit photo : Christian Van OudenhoveLe lac de la Gileppe a disparu à certains endroits, ce 16 octobre 2018. Crédit photo : Christian Van Oudenhove
    • Conséquences environnementales. Elles sont également nombreuses en commençant par la difficulté de nombreux animaux à trouver un point d’eau pour s’abreuver, cela augmentant le taux de mortalité. Mais les conséquences les plus graves concernent les formes de vie aquatiques. En effet, de nombreuses rivières, mares et étangs se retrouvant complètement à sec, toute la vie y est anéantie. La végétation souffre également beaucoup. De nombreux arbres sont littéralement morts de soif au cours de l’été tandis que les survivants se retrouvent affaiblis. Sur ces derniers, les conséquences seront visibles dans les années à venir car ils auront plus de difficultés à résister aux attaques de parasites. Les essences les plus sensibles sont les épicéas et les hêtres. Certains habitats naturels sont aussi mis durement à l’épreuve, surtout ceux qui dépendent de l’humidité, comme par exemple les marécages et les tourbières. La situation est notamment préoccupante dans la région des Hautes Fagnes. Les tourbières ont besoin de températures fraîches et de beaucoup de pluie. C’est d’ailleurs la région qui mesure la pluviométrie la plus élevée en temps normal. Le déficit y est donc encore plus important que dans le reste du pays et met à l’épreuve toutes les formes de vie associées à ce milieu.

    À part la Belgique, une grande partie de l’Europe a également subit la sécheresse depuis l’année 2017 sauf l’Irlande et l’Islande. Le Royaume-Uni, la Norvège, la Péninsule Ibérique, l’Italie, la Grèce et le sud de la France ont été concernés jusque qu’à la fin de l’été avec notamment des feux de forêts. Actuellement, la situation s’y améliore avec, malheureusement, des inondations locales conséquentes et dramatiques. Par contre, d’autres pays subissent toujours le manque de pluie surtout en Europe Centrale.

    Le Doubs asséché dans la région d'Arçon en France, le 23 octobre 2018. Crédit photo : AFP - Source : Le TélégrapheLe Doubs asséché dans la région d’Arçon en France, le 23 octobre 2018. Crédit photo : AFP – Source : Le Télégraphe

    En effet, les pays les plus touchés sont l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Pologne, la Suède, la Finlande, le Danemark, la République Tchèque et une bonne partie de la France. Des problèmes d’approvisionnement en eau se manifestent en de nombreux endroits et le niveau des cours d’eau est parfois historiquement bas, comme c’est notamment le cas pour le Rhin et le Danube, tandis que d’autres sont complètement asséchés. Toutefois, à l’échelle nationale, les disparités sont importantes comme en Belgique.

    Le Rhin est à un niveau historiquement bas en Allemagne, comme ici à Oberwesel le 25 octobre 2018. Crédit photo : DPA - Source : WetteronlineLe Rhin est à un niveau historiquement bas en Allemagne comme ici à Oberwesel, le 25 octobre 2018. Crédit photo : DPA – Source : Wetteronline

    La seule solution pour une disparition de cette sécheresse est le retour à un flux maritime humide d’ouest durable. Une chose est certaine, c’est que cette année restera dans les annales comme étant la pire sécheresse que la Belgique ait connue avec 1911 et 1976.