Le samedi 21 août 2021, de l’air maritime chaud envahit temporairement la Belgique. L’humidité des basses couches, encore rendue importante par les récentes pluies, conduit à une instabilité significative qui, associée à l’arrivée de forçages et de la dynamique d’altitude, autorise la survenue d’orages pouvant être intenses sur le pays. Cependant, les différents modèles météorologiques ont eu beaucoup de mal à cerner la situation jusqu’au dernier moment, signe des nombreuses incertitudes qui existaient.
Analyse de surface du 21 août 2021 à 20h00. Source: DWD
Ainsi, les températures maximales atteignent généralement entre 23°C et 25°C, avec jusqu’à 25,8°C à Bundingen et Vliermaar, en province de Limbourg. Cependant, l’élévation des températures est perturbée par des champs nuageux parfois denses d’altocumulus et d’altostratus. Plus au sud, le nord-est de la France connaît des conditions plus sereines, faisant s’envoler les températures de 26°C à 30°C, jusqu’à proximité des frontières belges.
Nous retrouvons également deux anticyclones, à l’ouest des péninsules ibérique et scandinave. Entre ceux-ci, un flux perturbé d’ouest s’infiltre en direction de nos régions, à partir d’un complexe dépressionnaire situé sur l’Atlantique nord. Cela se traduit par l’approche, en cours de journée, d’un front froid précédé d’une ligne de convergence. Cet axe de convergence se matérialise dès la matinée sur l’ouest de la France par la progression d’une bande pluvieuse.
Ensuite, en progressant dans les terres durant la journée, cette ligne de convergence devient convective avec l’augmentation de l’instabilité diurne. Toutefois, l’activité orageuse est assez anarchique, avec des foyers temporairement actifs au sein de masses stratiformes. A partir de 18h00 toutefois, une ligne d’orages actifs se développe entre Calais et Arras dans le Nord-Pas-de-Calais en France, tandis qu’un orage intense se forme dans la région de Soissons dans le département de l’Aisne. Ce dernier possède des caractéristiques supercellulaires et opère même un split storm au sud de la ville.
Par la suite, l’axe orageux pénètre en Belgique en touchant le sud de la province de Flandre Occidentale et l’ouest du Hainaut. Certains foyers se montrent localement intenses, avec de fortes précipitations et une activité électrique élevée. Il semble également qu’au sein de cette ligne multicellulaire, certains orages aient possédé des caractéristiques supercellulaires. Plus au sud, en France, alors que la supercellule s’affaiblit sur la région de Laon dans le département de l’Aisne, un nouvel orage particulièrement virulent se forme au nord de Troyes au sein du département de l’Aube.
En Belgique, à partir de 19h00, l’axe orageux connaît des discontinuités, à cause entre autres de la perforation des vents d’altitude (RIN soit Rear Inflow Notch). Des encoches sont d’ailleurs visibles à l’arrière des cellules sur les images radars. L’un de nos observateurs, présent à l’un de ces endroits dans la région de Ypres, remarque de fortes rafales de vent suite à la survenue de ce phénomène.
Alors que les différentes cellules s’individualisent, adoptant parfois des structures nuageuses intéressantes issues d’une évolution supercellulaire et d’arcus, d’autres orages se forment à l’avant sur les provinces de Hainaut et de Flandre Orientale. L’un de ces orages semble aussi adopter des caractéristiques supercellulaires entre Quaregnon et Soignies en province de Hainaut, cette dernière localité étant atteinte autour de 20h00. Ces orages progressent en direction du nord-est, avec localement quelques inondations urbaines et des coulées de boue. En France, un nouvel orage bien actif se développe au nord de Reims dans le département de la Marne et progresse vers Charleville-Mézières située dans le département des Ardennes, tandis que celui formé au nord de Troyes se démultiplie en différentes cellules, certaines évoluant en supercellules, qui progressent en direction de Metz dans le département de la Moselle. En outre, encore plus au sud, d’autres orages tout aussi virulents concernent également la Bourgogne.
Vers 20h30, les orages belges commencent à faiblir en arrivant sur une ligne Anvers-Bruxelles-Charleroi, tandis qu’un amas semblable à un MCS se forme sur le nord de la côte belge et la Zélande. Au même moment, l’orage qui concerne Charleville-Mézières entre en Belgique dans la région de Bouillon, en province de Luxembourg. Il est, à cet instant, le plus actif du pays, avec une intensité pluviométrique et électrique élevée. De même, il semble adopter des caractéristiques supercellulaires, du moins temporairement. On note aussi qu’une rafale de 80 km/h est mesurée à Rochehaut à son passage, où il tombe également 25 mm de précipitations en peu de temps.
Arrivée d’un orage multicellulaire dans la région de Journal, en province de Luxembourg, le 21 août 2021 à 21h10.
Par après, vers 21h30, cet orage adopte définitivement des caractéristiques multicellulaires alors qu’il fonce vers la région de Bastogne. Un écho en arc est ainsi visible sur les images radars, tandis que l’activité électrique est très élevée, avec des chutes de foudre positives qui causent des coupures de courant et des powerflashes. En outre, de belles structures sont aussi observées.
Coup de foudre sous un orage multicellulaire dans la région de Journal, en province de Luxembourg, le 21 août 2021 à 21h46.
Double coup de foudre sous un orage multicellulaire dans la région de Journal, en province de Luxembourg, le 21 août 2021 à 21h48.
Ailleurs en Belgique, l’axe orageux continue de progresser sur le centre du pays mais son activité est anecdotique. Toutefois, de fortes précipitations sont encore observées sous les noyaux les plus actifs.
Par contre, en France, la région de Metz est frappée par une violente supercellule, à l’origine de nombreux dégâts venteux. Ainsi, une rafale de 120 km/h est mesurée à l’aéroport de la ville. D’après les premières analyses, il semblerait que des rafales descendantes soient à l’origine des dommages, mais il est possible que l’une ou l’autre tornade ait pu également sévir. De plus, localement, des chutes de grêle conséquentes sont observées, amenant parfois à des accumulations d’une dizaine de centimètres.
Enfin, à partir de 22h00, l’ensemble de l’activité en Belgique est anecdotique et finira par se dissiper vers minuit en province de Limbourg. Pendant ce temps, l’orage de Metz commence à s’affaiblir. Néanmoins, une tornade est filmée à la frontière allemande aux environs de 23h00, près de Saarbrücken, mais en dehors des zones urbanisées.
Quant aux relevés pluviométriques en Belgique, outre les 25 mm relevés à Rochehaut en province de Luxembourg, nous avons aussi 32,8 mm à Gouvy en province de Luxembourg, 32,4 mm à Uccle à Bruxelles et 29 mm à Hoeilaart en province du Brabant Flamand. Ainsi, cet épisode orageux sera resté classique en Belgique, avec néanmoins des phénomènes costauds localement, et des structures hybrides de type multi-supercellulaires. Sans aucun doute, le potentiel maximal de l’épisode a été dévoilé du côté français.