Durant la soirée du lundi 07 avril 2014, une offensive orageuse de bonne facture a traversé une grande partie septentrionale de la Belgique. Pour la période de l’année, celle-ci fut assez remarquable au niveau de sa constitution étant donné qu’elle a arboré des structures nuageuses digne des systèmes estivaux avec des contrastes et une architecture élaborée comme ce fut le cas dans la région de Molenhoek située non loin de Kortrijk en province de Flandre Occidentale où notre équipe de traqueurs d’orages était présente. Quant aux phénomènes venteux et pluvieux, on note le passage de précipitations et de coups de vent importants dans certaines régions du pays.
Arrivée du front orageux dans la région de Molenhoek en province de Flandre Occidentale.
Crédit photo : Samina Verhoeven
Pour en venir à la genèse du front, celui-ci s’est formé aux environs de 17h vers la région normande en France via la maturation de quelques cellules convectives. Ces dernières gagnèrent rapidement en vigueur pour ensuite former une ligne s’étendant des côtes de la Manche jusqu’au centre du département du Nord avant de transiter par notre pays d’ouest en est de 18h15 à 23h30. À notre niveau, la dynamique atmosphérique était favorable pour maintenir ou renforcer ces cellules orageuses grâce à la présence d’un courant jet à 300 HPa, l’accentuation de la ligne de convergence des vents de basse couche et enfin une instabilité latente modérée affichant des valeurs inférieures ou proches des 1000 J/kg.
Image satellite du front orageux.
Source : Sat24
Concernant la nature du front, plusieurs aspects ont été identifiés. Globalement, sa nature nous fait songer à un QLCS (Quasi linear convective system en anglais soit un système convectif quasi linéaire). En outre, sa partie sud semble avoir adopté une forme arquée tendant vers un écho en arc. De plus, il se pourrait même qu’une cellule circulant vers la région de Maubeuge, dans le département du Nord en France, ait adopté des caractéristiques supercellulaires. Cependant, ces caractéristiques ne semblent pas avoir perduré jusqu’à notre pays d’après les premiers constats. Enfin, l’ensemble du système orageux a constitué un MCS (Mesoscale convective system en anglais soit un système convectif de méso-échelle).
En revenant sur l’écho en arc, des encoches nettes et durables ont été observées durant plusieurs dizaines de minute sur le flanc sud de cette structure selon les premières analyses. Cela s’est produit au moment où celui-ci franchissait la frontière franco-belge dans la région de Jeumont-Beaumont. Ces encoches sont dues à une accélération franche d’un rear inflow jet à l’arrière du système. Une telle évolution est souvent synonyme de cellules orageuses très venteuses avec la possibilité de rafales descendantes. Cependant, aucun dégât important n’a été signalé à la suite de ces orages.
Activité pluvieuse du système progressant vers le centre du pays.
Source : Weerslag
Au niveau du comportement du système orageux, comme cela est récurrent dans nos régions et par temps peu ou juste modérément instable, les cellules orageuses possédaient une durée de vie assez limitée dans le temps. De plus, ce ne sont que certaines parties du front lui-même qui furent actives. Ainsi, comme dans beaucoup de cas, la plupart des régions n’essuyèrent qu’une bonne averse avec quelques coups de vents mais là où des cellules vigoureuses ont circulé, ce sont parfois des pluies diluviennes accompagnées de grêle et de fortes rafales de vent qui se sont produites.
Ainsi, ce sont surtout les régions de Bruges, Ostende, Knokke, Mouscron ou encore les environs de Mons et de Charleroi qui subirent le passage d’orages plus costauds. Bien entendu, d’autres régions plus au sud et à l’est furent également touchées par des cellules orageuses mais celles-ci furent généralement plus disparates que leurs consœurs de la partie septentrionale du pays qui baignaient dans une dynamique atmosphérique bien plus aboutie.
Activité électrique durant le passage de la ligne de grain.
Source : Blids
Au niveau électrique, l’activité générale fut globalement faible à tout juste modérée selon les régions. Nous avons cependant reçu écho d’une bonne vivacité selon les régions de la part d’observateurs mais les cartes de détection indiquent bel et bien une activité nuage-sol peu remarquable par rapport à ce que l’on peut rencontrer sous nos orages belges. Toutefois, une des cellules entre Jeumont et Beaumont a présenté une activité intranuageuse soutenue, avec par moments un éclair toutes les quelques secondes, ce qui est assez remarquable pour un début de mois d’avril. Aussi, on dénombra près de 1700 coups de foudre en 2 heures entre 18h15 et 20h15 sur tout le front durant cette période se révélant être la plus active alors que notre équipe de traqueurs a déjà pu assister au passage d’une cellule unique engendrant 1000 coups de foudre par tranche d’un quart d’heure pendant une durée d’1h30, le 28 juin 2012 en province de Luxembourg.
Enfin, une fois arrivé aux environs de Bruxelles et de Charleroi, le front orageux s’est affaibli progressivement en se dirigeant vers l’est du pays. Par après, des cellules isolées ou en amas prirent le relais durant la nuit mais elles n’affichèrent aucune caractéristique particulière.