27/08/2016 – Spectacle kéraunique
Les orages qui éclatent à la fin du mois d’août 2016 sont particuliers en raison de leur caractère violemment électrique et de leurs bases élevées, en faisant un bon exemple d’orages caniculaires à caractère local, en contexte de très forte instabilité et de dynamique limitée. Ils ont par ailleurs été à la base de quelques dégâts liés au vent et à la foudre.
Durant la fin de ce mois d’août 2016, la Belgique connaît une vague de chaleur exceptionnellement tardive. Du 23 au 27 août, de très nombreuses stations météorologiques battent leur record de température décadaire, parfois de plusieurs degrés. Le 26 août, un front froid avance sur le nord-ouest du pays et y stationne en soirée. Il est précédé par une ligne de convergence qui se transforme en pseudo-front froid (front de basse couche). Celui-ci progresse jusqu’au sud du pays où il finit par s’immobiliser en début de nuit. Les régions situées au nord-ouest du pseudo-front connaissent une journée moins chaude que les précédentes, avec des températures en-dessous de 30°C. Mais à l’est et au sud, la chaleur est toujours exceptionnelle, avec par exemple 35,2 °C à Aubange en Gaume (province de Luxembourg) et 31,1°C à Elsenborn (province de Liège), avec à la clef deux nouveaux records pour ces stations.
Dans un premier temps, quelques orages se développent près d’une discontinuité sur l’ouest de la Belgique entre 15h30 et 18h30, mais ils restent très faibles. En parallèle, de puissants orages sont actifs entre est Champagne et ouest Lorraine, confirmant le potentiel orageux qui règne alors sur l’est de la Belgique.
Autour de 19h00, la convection se met en place à la frontière franco-belge en Gaume (province de Luxembourg), et il n’est pas impossible que l’outflow des orages lorrains ait donné un coup de pouce à cette dernière. Plusieurs cellules se forment ainsi et avancent vers le nord-nord-est en se montrant très venteuses. Ainsi, peu après 19h45, la toiture d’une grange s’envole à Musson (province de Luxembourg) et de nombreuses branches ainsi que des arbres se retrouvent au sol dans la région (Aubange). La nature du phénomène ne nous est pas connue (tornade, rafales convectives ou rafales descendantes). L’orage qui a provoqué ces dégâts concerne Arlon autour de 20h15 et passe ensuite au Grand-Duché du Luxembourg.
Début de la phase de maturation d’un orage monocellulaire, observé depuis Wideumont, en province de Luxembourg,
en direction du sud-ouest.
Coup de foudre descendant positif intense frappant le village de Wideumont, en province de Luxembourg,
lequel aura subit plusieurs coupures de courant.
Activité électrique associée à deux foyers sur le nord et l’ouest de l’Ardenne, vu depuis Bonsin
en direction du sud. Crédit photo : Hubert Maldague
Plus à l’ouest et au nord, la dynamique est trop juste pour la mise en place d’une convection profonde, mais les signes d’une très forte instabilité et d’un début d’agitation sont visibles par les nombreux castellanus se développant. Certains évoluent jusqu’à donner quelques ondées de l’Entre-Sambre-et-Meuse à l’ouest de la Campine, mais elles se dissipent rapidement.
Nombreux castellanus dans le ciel de Cerfontaine, alors que les orages concernent la province de Luxembourg.
Source : webcam Meteo Belgique de Cerfontaine
Chute de la foudre à l’arrière de l’orage sur la Hesbaye liégeoise, vue depuis Nandrin. Crédit photo : Hubert Maldague
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Si l’offensive orageuse du 27 août a été remarquable à plus d’un titre, nous retiendrions avant tout les difficultés des modèles à anticiper le risque orageux. Depuis quelques runs déjà, plusieurs modèles à mailles larges entrevoyaient une situation potentiellement intéressante concernant la survenue d’orages pour le 27 août. Les modèles à mailles larges utilisés dans la prévision sont généralement GFS, Arpège, UKMO ou ECMWF. Cependant, des divergences importantes existent déjà entre ces modèles et tout cela dénote une situation particulièrement difficile à appréhender.
En soirée du 26, on se dit que les modèles à mailles fines (Arôme, WRF ou Hirlam) vont permettre d’y voir plus clair. A une échéance oscillant entre 24 et 36 heures, ces modèles à mailles fines prennent généralement le relais des modèles à mailles larges dans les prévisions, surtout en ce qui concerne les prévisions orageuses. En effet, ces modèles sont généralement plus performants pour bien cerner les situations propices au développement de phénomènes atmosphériques « de petite échelle », comme les orages. Or, il apparaît que des divergences importantes se dessinent également entre ces modèles. De ce fait, en cette soirée du 26 août, les prévisionnistes s’arrachent déjà les cheveux à tenter de prévoir ce qui pourrait se passer le lendemain. Pour exemple, le modèle Arôme met en avant une situation préoccupante avec la possible survenue d’orages vigoureux tandis que d’autres modèles restent plus incertains, tant sur l’intensité que sur la localisation des éventuels orages.
En cette matinée du 27 août, coup de théâtre pour les prévisionnistes ! Le run d’Arôme de minuit signe un changement de cap totalement inattendu en réduisant quasiment à néant l’offensive orageuse attendue. Il rejoint par la même occasion certains modèles, dont le WRF-ARW. Toujours est-il que les autres modèles continuent également d’hésiter et cela oblige certains organismes officiels (ou non) à rester très prudents dans leur prévision du matin. De ce fait, on pouvait lire dans plusieurs bulletins matinaux la possible survenue d’orages vigoureux mais sans certitude aucune que ceux-ci se développent bel et bien.
Pour mieux comprendre pourquoi les modèles ont eu autant de difficultés à appréhender l’évolution orageuse, reprenons dans les grandes lignes le contexte météorologique qui prévalait ce jour-là. On notait une très forte instabilité modélisée, avec par exemple une MLCAPE proche des 2000 à 3000 J/kg sur l’ensemble du pays. Une telle instabilité, même si elle n’est pas exceptionnelle, n’arrive pas souvent. Était toutefois présente une importante sécheresse de la masse d’air. En outre, la présence d’une couche d’inversion de températures pouvait également inhiber tout développement orageux. Cette inversion présente aux environs de 900 à 1000 mètres était particulièrement tenace. Celle-ci ne pouvait clairement être percée que si de puissants forçages venaient à se mettre en place, au passage d’une ligne de convergence bien structurée par exemple. Mais une forte incertitude continuait de planer en journée sur le développement même d’une telle ligne. Tous ces éléments furent sans aucun doute les raisons qui ont amené cette incapacité aux modèles météorologiques de prévoir convenablement la situation.
Cependant, au fil des runs, et notamment à la sortie de celui de midi UTC, le modèle Arôme par exemple commençait à mieux cerner la situation. Mais il faut savoir qu’il est nécessaire d’attendre généralement plusieurs heures avant que les cartes ne soient totalement délivrées. Ainsi, pour la sortie du run de douze heures, toutes les cartes nécessaires à une prévision orageuse ne sont accessibles qu’aux environs de 17 à 18 heures.
Au final, ce n’est que peu de temps avant le développement des orages sur l’extrême sud du pays en soirée que des mises à jour des prévisions pouvaient se faire. Ainsi, certaines alertes ou autres vigilances n’ont été délivrées que fort tard. Et encore, certaines alertes ont été émises alors que les orages abordaient déjà notre pays.