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07-08/08/2018 – Première offensive orageuse d’envergure

    Les orages qui surviennent la nuit du 7 au 8 août 2018 en Belgique sont particuliers en raison de leur formation dans une masse d’air sec. Il en résulte des bases nuageuses élevées et la survenue de fortes rafales, parfois descendantes, liées à l’évaporation d’une partie des précipitations dans cet air sec. Ces bourrasques ont par endroits provoqué des dégâts importants.

    Le début du mois d’août 2018 est à l’image des jours qui précèdent, c’est-à-dire toujours marqué par une sécheresse persistante due au maintien de conditions anticycloniques sur la Belgique, le tout accompagné depuis la dernière décade de juillet par une chaleur régulière. Cependant, à partir du 7 août, les conditions atmosphériques changent. En effet, un système dépressionnaire qui se trouve au large de l’Écosse nous envoie une série de fronts. À l’avant de ceux-ci, une petite dépression se creuse sur l’ouest de la France et remonte en direction de notre pays en nous envoyant un flux de sud-est sec d’origine tropicale et permettant le développement d’orages.

    Situation synoptique du 7 août 2018 à 20h00. Source : KNMI.Situation synoptique du 7 août 2018 à 20h00. Source : KNMI

    Ainsi, la journée du 7 août 2018 est particulièrement chaude avec des maximas dépassant les 30°C sur toute la Belgique. D’ailleurs, les températures les plus élevées sont de :

    • 37,1°C à Koersel (province de Limbourg)
    • 36,6°C à Aubange (province de Luxembourg)
    • 36,5°C à Kleine-Brogel (province de Limbourg)
    • 36,4°C à Angleur (province de Liège)
    • 36°C à Zelzate-Gand (province de Flandre Orientale)
    • 35,5°C à Deurne et Anvers

    Malgré une instabilité élevée (MUCAPE de 2000J/kg), la sécheresse de l’air ne permet pas à la convection de démarrer sur notre pays avec des taux d’humidité souvent inférieurs à 20% en de nombreux endroits. De tels taux sont très rares en Belgique en temps normal mais, depuis quelques semaines, ils sont plutôt récurrents. En outre, deux feux de forêt se déclarent l’après-midi, l’un à Malonne (province de Namur) et l’autre à Marchienne-au-Pont (province de Hainaut) en mobilisant de nombreux services de secours.

    Autour de 14h00, quelques faibles cellules orageuses parviennent à se former en France sur les côtes de la Manche avant de se déplacer vers la côte belge. Toutefois, il fait très chaud sur notre littoral avec, par exemple, 34°C à Ostende, preuve que le vent de sud-est sec s’y impose également. Du coup, les orages s’approchant de la province de Flandre Occidentale s’affaiblissent à partir de 15h00 et ne donnent guère que quelques gouttes de pluie dans une ambiance nuageuse.

    Au même moment, un orage virulent se développe au nord-ouest de Paris, en France, et remonte en direction de la Belgique tout en se renforçant.

    Orage monocellulaire observé depuis Roye,dans le département de la Somme en France, le 7 août 2018 vers 16h50. Crédit photo : Samina VerhoevenFront de rafale observé depuis Roye dans le département de la Somme en France, le 7 août 2018 vers 16h50.

    À partir de 18h30, cet orage multicellulaire arrive à la frontière belge et cette fois encore, l’air trop sec présent sur la Belgique le fait s’effondrer complètement alors qu’il aborde les provinces de Hainaut et de Namur. Il ne donne, lui aussi, que quelques faibles pluies sur ces provinces tandis que quelques cellules se forment sur l’extrême sud-est du pays (en Gaume) pour concerner rapidement le Grand-Duché de Luxembourg.

    Cependant, la situation se débloque progressivement. Un puissant orage multicellulaire sévit en France sur la Normandie et avance en direction de Rouen puis d’Amiens. En Belgique, le vent s’oriente progressivement au secteur sud-ouest en apportant un peu plus d’humidité dans les basses couches en début de nuit.

    Orage supercellulaire observé depuis Callengeville dans le département de Seine-Maritime en France, le 7 août 2018 vers 20h10.Orage supercellulaire observé depuis Callengeville dans le département de Seine-Maritime en France, le 7 août 2018 vers 20h10.

    Cet orage se trouve sur une ligne de convergence qui accompagne la dépression de surface remontant vers la Belgique. Il se montre fort avec des rafales de vent parfois supérieures à 100 km/h et évolue en MCS sur le nord de la France. La partie stratiforme atteint déjà la province de Flandre Occidentale vers 21h30 alors que les cellules actives arrivent autour de 22h45 sur la province de Hainaut. Peu avant la frontière belge, une rafale de 107km/h est mesurée à Cambrai, montrant le potentiel venteux de ce système orageux.

    Coup de foudre descendant positif vers la région de Croix Moligneaux située dans le département de la Somme
    en France, le 8 août 2018 à 23h00.

    Cette fois-ci, les orages ne faiblissent pas, notamment grâce à l’apport d’humidité et de dynamique. Ils concernent l’ouest de la province de Hainaut avant de rapidement se déplacer sur la province de Flandre Orientale et de toucher plus sévèrement la province d’Anvers et la région bruxelloise peu avant minuit. De très fortes rafales convectives voire quelques rafales descendantes de faible intensité causent des dégâts essentiellement à la végétation en de nombreux endroits, ces bourrasques étant générées par l’évaporation importante des précipitations dans l’air encore assez sec. L’activité électrique est également très forte. Il est à noter que, juste avant l’arrivée des orages, les températures qui étaient encore fort chaudes remontent à nouveau à la faveur de l’apparition d’un vent de sud-est qui brasse les basses couches et rompt l’inversion nocturne. Visuellement, cela se traduit par un vent modéré desséchant tandis que l’ouest clignote des éclairs des orages en approche.

    Bien au sud du système (MCS), d’autres orages se forment en France et remontent sur notre pays, notamment sur l’Entre-Sambre-et-Meuse (provinces de Hainaut et de Namur), l’ouest de la province de Hainaut et la province de Flandre Occidentale. Contrairement au MCS, il s’agit ici d’orages disparates, mais toutefois fort actifs pour certains d’entre eux. Ils sont aussi accompagnés de fortes rafales de vent. D’ailleurs, le village de Corenne (province de Namur) est touché par un violent phénomène venteux vers 00h45 qui provoque des dégâts aux toitures, sectionne des arbres et met des murs à terre. Après une enquête de terrain, il s’avère qu’une rafale descendante T2-T3 est à l’origine de ces dommages.

    Au même moment, le MCS atteint la province d’Anvers où les régions de Turnhout, Retie, Kasterlee, Dessel et Geel sont touchées par un ou plusieurs phénomènes violents. De très nombreux arbres se retrouvent à terre et des habitations sont endommagées. Il s’agit probablement de rafales descendantes. Par ailleurs, une pointe de 130 km/h est mesurée à Retie ! En outre, une véritable tranchée est visible dans le domaine boisé de Prinsenpark près de Retie alors que les nationales 19 et 118, respectivement à Kasterlee et Dessel, sont impraticables à cause de nombreux arbres tombés sur la chaussée.

    À partir de 1h00 du matin, le 8 août 2018, le MCS s’évacue vers les Pays-Bas et deux lignes orageuses se forment à partir de la frontière française. La première se trouve sur une ligne Namur – Verdun (France) et est constituée des orages disparates de l’Entre-Sambre-et-Meuse (et notamment celui de Corenne) tandis que la seconde concerne un axe allant de la Zélande (Pays-Bas) à Saint-Quentin (France) en passant par les provinces de Flandre Orientale et de Hainaut.

    Amorce supercellulaire d'un orage à Chapelle-à-Oie en province de Hainaut, le 8 août 2018 vers 01h00. Crédit photo : Jean-Yves FriqueAmorce supercellulaire d’un orage à Chapelle-à-Oie en province de Hainaut, le 8 août 2018 vers 01h00.
    Éclair internuageux observé vers la région de Clavier en province de Liège, le 8 août 2018 vers 01h30. Crédit photo : Sébastien DumoulinÉclair internuageux observé vers la région de Clavier en province de Liège, le 8 août 2018 vers 01h30.

    Ces deux systèmes orageux progressent en direction du nord-est. Alors que le premier axe touche les provinces de Luxembourg et de Liège avant de filer en Allemagne en milieu de nuit, le deuxième traverse presque toute la Belgique d’ouest en est jusque 6h00 du matin en étant accompagné de fortes rafales de vent et d’une intense activité électrique, essentiellement intranuageuse.

    Double coup de foudre simultanés sous un orage monocellulaire sévissant dans la région d’Upigny en
    province de Namur, le 8 août 2018 vers 03h00.
    Orage monocellulaire observé depuis la région de Dinant en province de Namur, le 8 août 2018 vers 0h45.Orage monocellulaire observé depuis la région de Dinant et ayant provoqué des dégâts à Corenne, en province de Namur, le 8 août 2018 vers 0h45.

    Ensuite, le calme revient sur notre pays qui vient de connaître sa première offensive d’envergure de l’année 2018 avec plus de 30 000 éclairs détectés durant cet épisode dont 7 000 entre 4h00 et 5h00 du matin. En effet, malgré leur intensité, les épisodes qui nous ont concerné depuis avril étaient avant tout des orages locaux ou régionaux. L’épisode de la nuit du 7 au 8, par son étendue, est le premier de l’année ayant une emprise réellement nationale.

    Carte de l’occurrence de la foudre entre le 7 août 2018 00h01 et le 8 août 2018 12h00. Source : LightningmapsCarte de l’occurrence de la foudre entre le 7 août 2018 à 00h00 et le 8 août 2018 à 12h00.
    Source : Lightningmaps

    En outre, la foudre a provoqué de nombreux incendies d’habitations comme à Neerpelt (province de Limbourg), Tielt, Waregem, Sint-Baafs-Vijve (province de Flandre Occidentale), Glabeek, Duisburg (province du Brabant Flamand), Ath, Orcq (province de Hainaut) et Harzé (province de Liège).

    La foudre aurait également provoqué un incendie de forêt dans la région d’Opglabbeek, en province de Limbourg, où plus de 7 hectares ont brûlé durant la nuit avant que le feu ne soit maîtrisé par les pompiers.

    Incendie de forêt probablement causé par la foudre dans la région d'Opglabeek en province de Limbourg, la nuit du 7 au 8 août 2018. Crédit photo : Brandweerzone Oost LimburgIncendie de forêt probablement causé par la foudre dans la région d’Opglabeek en province de Limbourg, la nuit du 7 au 8 août 2018.
    Crédit photo : Brandweerzone Oost Limburg

    Au cours de l’épisode orageux, les plus fortes rafales de vent mesurées sont de :

    • 130 km/h à Retie (province de Limbourg)
    • 97 km/h à Zaventem (province du Brabant Flamand)
    • 94 km/h à Deurne (Anvers), Sint-Katelijne-Waver (province d’Anvers) et Chièvres (province de Namur)
    • 92 km/h à Neder-Over-Heembeek (Bruxelles)
    • 91 km/h à Uccle (Bruxelles)
    • 81 km/h à Neufvilles (province de Hainaut)

    Les précipitations ont été assez faibles dans l’ensemble suite à leur forte évaporation ainsi qu’au déplacement rapide des cellules. Dès lors, les plus gros totaux sont de :

    • 23 mm à Buzenol (province de Luxembourg)
    • 22 mm à Tourinnes-la-Grosse (province du Brabant Wallon, donnée d’un particulier)
    • 19 mm à Frassem (province de Luxembourg)
    • 18 mm au Mont-Rigi (province de Liège) et à Torgny (province de Luxembourg)

    La particularité de ces orages était de survenir dans une masse d’air sec en basse couche. Habituellement, ce type de conditions empêche ou contraint sérieusement la formation d’orages intenses et généralisés. Toutefois, lorsque l’instabilité est suffisamment forte et que la dynamique organise les ascendances (lignes de convergence ou forçages d’altitude), ces dernières peuvent parvenir à former de vigoureux cumulonimbus. Cependant, l’air qui s’élève, au contraire d’orages en masse d’air plus humide, doit monter parfois de plusieurs kilomètres avant d’atteindre son point de saturation, condenser le peu d’humidité qu’il contient et former des nuages. La résultante est l’apparition de cumulonimbus à base très élevée.

    C’est ce qui s’est passé cette nuit du 7 au 8 août 2018. Les stations officielles du pays renseignaient pour la plupart des bases nuageuses vers trois kilomètres d’altitude, ce qui est remarquable. Le radiosondage de Beauvechain, effectué peu avant l’arrivée des orages, notait aussi un niveau de condensation (et donc de base des cumulonimbus) à 3 km d’altitude pour de l’air soulevé à partir du sol. Lors d’orages plus classiques, ces bases sont souvent vers un kilomètre d’altitude, voire moins dans des masses d’air très humides.

    Ces orages à base élevée sont souvent venteux on l’a vu, les rafales les accompagnant s’expliquant par l’évaporation d’une partie des précipitations dans la couche d’air sec en-dessous d’eux. L’évaporation refroidit la masse d’air qui, alourdie, descend plus rapidement vers le sol et s’y écrase en éventail, en provoquant les rafales observées.

    Nous vous invitons à consulter les quelques liens médiatiques suivants pour avoir davantage d’informations sur ces événements :