En cette année 2020, il aura fallu attendre la mi-juin pour que la Belgique connaisse les premiers orages estivaux dignes de ce nom, cela après un printemps particulièrement calme à ce niveau. Concernant les orages de ce 12 juin, ceux-ci ont surtout concerné l’est de la Wallonie ainsi que la province de Limbourg en ayant été localement soutenus, notamment dans l’est de la province de Liège.
C’est ainsi qu’après une longue période de sécheresse s’étalant sur 3 mois environ, notre pays a enfin renoué avec des précipitations consistantes, ces dernières ayant concerné une grande partie du territoire belge durant ce vendredi 12 juin 2020.
Avant cela, malgré le fait que quelques systèmes frontaux se soient succédés depuis le début de ce mois de juin, force a été de constater que la pluie a continué de manquer en bon nombre de régions. On note également que durant les 5 et 6 juin, des orages ont déjà sévi localement, notamment vers le centre du pays et la Gaume. Cette activité a pour mérite de stopper l’auto-entretien de la sécheresse, en apportant de l’humidité dans les basses couches. De même, le 7 juin a vu une trombe marine se former à la frontière franco-belge, près de Bray-Dunes. Cependant, concernant ce dernier cas, nous ne pouvons pas confirmer que les eaux territoriales belges ont été atteintes.
Coup de foudre observé depuis la région de Couvreux en province de Luxembourg durant la soirée du samedi 6 juin 2020.
Pour détailler les événements du vendredi 12 juin 2020, on note que, durant la journée, le temps est déterminé par une dépression sur le golfe de Gascogne, celle-ci étant soutenue par une goutte froide en altitude. Le flux en basse couche est d’est à sud-est sur une bonne partie de nos régions, ramenant une certaine chaleur qui se traduit par des températures de 24°C à 26°C sur l’est de la Belgique. Par ailleurs, notre pays se trouve à la limite entre deux masses d’air aux températures différentes.
D’ailleurs, les températures maximales du jour atteignent 18,8 °C à Saint-Hubert, 19,9°C à Florennes alors que nous enregistrons, plus à l’est, 22,6°C à Elsenborn et 26,1°C à Kleine Brogel. En France, le contraste est encore plus marqué. Alors que la Champagne a du mal à atteindre les 18°C, les températures frôlent les 30°C en Alsace. On dénote aussi une forte humidité de la masse d’air, nettement ressentie via la moiteur ambiante.
Températures maximales mesurées lors de la journée du 12 juin 2020. Source : Meteociel
La présence d’une vieille occlusion en est la cause en amenant beaucoup de nébulosité et des périodes de pluie sur le centre et l’ouest, ce qui limite l’envolée des températures et la mise en place de l’instabilité. L’incertitude des prévisions réside justement dans le phasage ou non entre cette instabilité (qui est plutôt présente sur l’est) et l’arrivée d’une anomalie basse de tropopause offrant les forçages nécessaires.
Cependant, en soirée, le phasage entre ces éléments finit par se mettre en place en permettant le développement des orages, aidés par une zone de convergence des vents en surface. On note par ailleurs, au niveau des orages, un cisaillement prononcé : le vent est orienté à l’est en surface et tourne rapidement au sud avec l’altitude. Ces cisaillements sont profonds car on les retrouve sur tout le profil atmosphérique (si bien en basses couches qu’en altitude). Enfin, en haute troposphère, le flux est divergeant, cela facilitant d’autant plus les ascendances.
Analyse de surface du 12 juin 2020 à 20h00. Source : KNMI.
Les conditions sont donc réunies pour que la première offensive orageuse estivale se mette en place. Bien que l’instabilité soit modérée (MLCAPE de 800 à 1000 J/kg sur l’est), la présence d’une bonne dynamique d’altitude ainsi que de forçages en basses couches sont largement suffisants pour autoriser les développements convectifs, avec, à la clef, la possibilité de voir se former un système multicellulaire potentiellement venteux.
Les premiers orages se développent sur les provinces d’Anvers et du Brabant Flamand en seconde partie d’après-midi, associés à une ligne de convergence pré-frontale. Relativement modérés, ils s’évacuent ensuite vers les Pays-Bas en gagnant en activité. Pendant ce temps, un orage supercellulaire sévit en France, sur le Jura. Les bons cisaillements présents durant ce jour n’y sont pas étrangers.
Orage monocellulaire sévissant à Heist-op-den-Berg en province d’Anvers, observé depuis Steenokkerzeel en
province de Brabant Flamand, vers 14h30.
Par après, d’autres orages apparaissent entre 17h00 et 18h00 à l’ouest de Nancy dans le département de Meurthe-et-Moselle en France. L’activité électrique, plutôt hésitante au départ, devient ensuite plus soutenue aux alentours de Metz dans le département de la Moselle tandis que ces foyers remontent progressivement vers le Grand-Duché de Luxembourg en prenant la forme d’un amas multicellulaire qui a du mal à s’organiser dans un premier temps. Aux environs de 19h00, le système se présente à la frontière luxembourgeoise alors que sa partie ouest concerne la Lorraine belge. À ce stade, l’ensemble s’est bien organisé en prenant temporairement la forme d’un écho en arc, au sein duquel une cellule montre quelques caractéristiques supercellulaires jusqu’au sud-ouest du Grand-Duché de Luxembourg.
Cellule présentant des caractéristiques supercellulaires à Limpach, au Grand-Duché de Luxembourg, le 12 juin 2020 vers 19h30.
En amont du système, un ensemble d’averses faiblement orageuses se développe en parallèle sur l’ouest de l’Ardenne et gagne la province de Namur dans l’heure suivante. Elles sont cependant globalement peu actives. Dans le même laps de temps, on observe l’apparition de cellules entre Bastogne et Houffalize en province de Luxembourg, celles-ci remontant ensuite vers le nord-ouest. Sous l’une d’entre-elles, une brève tornade se forme près d’Achouffe. Probablement de type landspout, elle s’est formée sous une petite zone de rotation engendrée par de forts cisaillements en basses couches. Ensuite, le relief de la région parachève d’amener les conditions nécessaires à son contact avec le sol. Ce dernier s’étant produit dans une zone forestière bordant la vallée de l’Ourthe Orientale, aucun dégât n’a pu être observé. Une équipe de Chase2BE présente sur place a réussi à filmer la formation de cette tornade. La vidéo en question est consultable via le lien suivant : Tornado in Houffalize ?
Passé 20h00, toutes ces averses présentes sur la province de Namur et le nord de la province de Luxembourg sont progressivement phagocytées par la zone stratiforme de l’orage multicellulaire progressant plein nord sur le Grand-Duché de Luxembourg où des dégâts venteux sont d’ailleurs signalés. En effet, localement, des arbres sont déracinés par dizaines suite à de fortes rafales de vent. Il est donc possible que des rafales descendantes aient pu sévir, comme à Gravenmacher où une rafale de 118 km/h est enregistrée. En outre, un RIJ (Rear Inflow Jet) est justement visible sur les images radar aux environs de la région concernée.
Par ailleurs, la cellule la plus à droite du système présente des caractéristiques supercellulaires. Vraisemblablement, un mésocyclone s’est développé au sein du système, à l’est de la ville de Luxembourg, avant de remonter vers le nord. De plus, une déviation vers la droite est observée jusqu’à hauteur d’Echternach environ. Selon nos recherches, il est difficile d’arriver à une conclusion sur la nature de l’orage, qui semble se comporter comme un hybride multi-supercellulaire. C’est-à-dire, un orage multicellulaire au sein duquel des zones de rotations, voire des mésocyclones, parviennent à se développer grâce au contexte fortement cisaillé.
Par après, le système orageux perd en puissance en quittant le Grand-Duché de Luxembourg pour remonter vers la province de Liège. Celui-ci tend alors à s’étirer sur un axe ouest-est, notamment sous l’effet du flux divergeant en altitude. Toutefois, seule la partie est du système reste correctement alimentée en air chaud et en humidité (par le flux d’est de basse couche), ce qui explique que seule cette portion de la ligne reste réellement active d’un point de vue électrique, tandis que le reste tend à se décomposer en un ensemble de pluies stratiformes habité par seulement l’un ou l’autre noyau convectif et une activité électrique modeste. Par contre, la dynamique insufflée par la progression de cet ensemble lui permet de se faire précéder d’un arcus étant, par endroits, massif et bien cisaillé.
Arcus devançant le système multicellulaire à Saint-Vith en province de Liège, le 12 juin 2020 vers 20h30.
La partie la plus active du système orageux atteint la région de Saint-Vith, en province de Liège, peu après 20h30, mais cette dernière commence à être parasitée dans son développement par plusieurs autres cellules périphériques. L’activité électrique observée sur ce territoire est soutenue sans être forte, et est en bonne partie de nature intranuageuse. Toutefois, on note des séquences de foudre fournies, certains coups positifs étant particulièrement puissants et caractéristiques des cellules en fin de vie.
Composition radar de précipitations illustrant l’évolution des orages entre 19h00 et 21h00, le 12 juin 2020. Source : Kachelmann Wetter.
En remontant ensuite vers Verviers et Welkenraedt en province de Liège, l’organisation du système pâtit de plus en plus du développement anarchique des cellules, l’ensemble devenant plutôt un amas pluvio-orageux qu’un orage multicellulaire réellement organisé. Toutefois, les précipitations restent importantes, et les conditions de circulation sont momentanément rendues compliquées sur l’E42 entre Verviers et Saint-Vith. Entre 21h00 et 21h30, cet amas pluvio-orageux quitte progressivement la province de Liège, sa partie ouest intéressant le Limbourg belge.
Ambiance régnant au passage de l’orage à Tribomont en province de Liège, le 12 juin 2020 vers 22h00.
En parallèle, la zone stratiforme de cet amas orageux, peut être pas assez développé pour parler véritablement de MCS, concerne une large bande centre-est de la Belgique. Des nuages instables de type altocumulus undulatus asperitas sont parfois visibles, ainsi que des altocumulus cumulonimbogenitus mamma à l’arrière du système. Quelques noyaux orageux sévissent également mais ils présentent une faible activité électrique, avec toutefois de rares mais puissants coups de foudre descendants positifs.
Orage concernant la région d’Éghezée en province de Namur observé depuis Berloz en province de Liège, le 12 juin 2020 à 20h10.
Coup de foudre accompagné par des éclairs internuageux à Clavier en province de Liège, le 12 juin 2020 vers 20h30.
Altocumulus Mamma observés sous l’enclume des orages en phase d’évacuation depuis Clavier en province de Liège, le 12 juin 2020 vers 21h15.
Éclair internuageux visible depuis Waremme en province de Liège, le 12 juin 2020 vers 22h15.
Alors que l’amas s’évacue vers le nord, un nouvel arrivage de cellules orageuses se fait sur la Lorraine belge entre 20h45 et 21h00. Toutefois, celles-ci se montrent beaucoup moins actives et tendent à faiblir en progressant ensuite sur le massif ardennais.
Aux alentours de 22h00, d’autres cellules parfois bien électriques se forment dans l’est de la province de Liège, dans le sillage du système orageux qui se trouve à ce moment là entre les Pays-Bas et l’Allemagne. Elles aussi progressent globalement vers le nord et quittent le pays vers 23h30, après avoir concerné la région de Verviers et de Welkenraedt. De l’activité électrique est encore observée pendant une heure ou deux sur les provinces de Liège et de Luxembourg mais elle décline ensuite en milieu de nuit.
Activité électrique observée durant la journée du 12 juin 2020 et la nuit suivante. Source : Lightningmaps.
Du côté des relevés, on ne note pas de valeurs remarquables, avec de 10 mm à 20 mm de précipitations. Seules les Hautes Fagnes dépassent ce total. Les stations officielles ont ainsi relevé 17 mm à Bierset et 34,4 mm au Mont-Rigi en province de Liège.
Il ne nous est pas parvenu de signalement de dégâts liés au vent ou à la pluie, confirmant le caractère certes parfois soutenu mais généralement peu intense de ces orages. Seul le Grand Duché de Luxembourg a écopé de phénomènes plus importants.
En outre, le sud de la France est concerné par une autre offensive orageuse qui engendre des cumuls pluviométriques impressionnants liés à un épisode cévenol hors saison. Ainsi, localement, plus de 400 mm sont tombés sur le département de la Lozère en provoquant d’importantes inondations.