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19-20/05/2022 – Première offensive orageuse de la saison

    Les jeudi 19 et vendredi 20 mai 2022, la première dégradation orageuse de la saison estivale touche la Belgique, alors confrontée à un coup de chaleur et une sécheresse superficielle localement importante, qui a inhibé tout développement convectif pendant plusieurs semaines.

    19 mai 2022

    Notamment les 17 et 18 mai étaient déjà des journées estivales, avec des températures de 26 à 28°C en de nombreuses régions et un ciel bien bleu, le tout accompagné de quelques cirrus, altocumulus (parfois castellanus) et cumulus (ne dépassant pas le stade humilis). Quelques passages nuageux plus importants, surtout observés les matins des deux jours, parvenaient déjà à distiller quelques gouttes de pluie, mais vraiment pas assez pour mettre fin à la sécheresse.

    Le 19 mai, les choses changent. Entre une zone de hautes pressions qui recouvre l’Europe centrale et un système dépressionnaire situé sur le proche Atlantique, des courants chauds et instables circulent sur une franche partie de l’Europe occidentale. À l’approche d’un talweg depuis l’Atlantique qui se déplace vers le nord de la France, cette masse d’air se déstabilise dans les petites heures, pendant la nuit du 18 au 19 mai. Les forçages ne sont pas exceptionnels, mais permettent le développement de la convection, à proximité du front froid ondulant qui aborde notre pays par l’ouest. Par contre, avec la présence d’une instabilité assez marquée, ces orages peuvent se montrer localement vigoureux, et engendrer de fortes rafales de vent, des pluies intenses et des chutes de grêle.

    Analyse de surface du 19 mai 2022 à 14h00. Source : KNMIAnalyse de surface du 19 mai 2022 à 14h00. Source : KNMI

    Plus à l’est, à l’avant du front ondulant, nous retrouvons également une ligne de convergence qui se déplace du centre de la Belgique vers l’Allemagne, où les orages pourraient s’avérer plus intenses, à la faveur de forçages plus importants. C’est dans l’est de notre pays que les températures sont les plus élevées en journée, avec 30,8°C à Kleine-Brogel et 30,6°C à Herhet. Tandis qu’il fait 20 à 23°C en Flandre Occidentale (tôt en matinée, avant le passage du front, car à midi il n’y fait plus que 15°C).

    Ainsi, le premier orage à toucher la Belgique remonte de France, pour aborder la frontière au nord de Lille, vers 1h00 du matin le 19 juin. Ensuite, une ligne orageuse se met en place entre Gand et Amiens, et se décale progressivement vers le nord-est. Ces orages ne montrent aucun caractère particulier, si ce n’est de fortes précipitations localisées, et une activité électrique assez élevée. Aux alentours de 3h00, nous retrouvons cet axe multicellulaire entre Lokeren, Tournai et Arras. Il va par après s’affaiblir en continuant sa progression vers le nord-est.

    Coup de foudre internuageux à Ollignies, en province de Hainaut, le 19 mai 2022.Eclair internuageux à Ollignies, en province de Hainaut, le 19 mai 2022.
    Coup de foudre internuageux à Péruwelz, en province de Hainaut, le 19 mai 2022.Eclair internuageux à Péruwelz, en province de Hainaut, le 19 mai 2022.

    Toutefois, au même moment, un orage multicellulaire virulent se développe sur la région de Saint-Quentin, dans le nord de la France. Ce dernier garde son activité en arrivant en Belgique, alors que la ligne orageuse se dissipe ailleurs. Il entre dans notre pays à Erquelinnes vers 6h00 du matin, et une heure plus tard il se présente à l’ouest de Charleroi, avant de poursuivre vers le Brabant wallon. Très localement, des chutes de grêlons sont observées, notamment à Chaumont-Gistoux et Hannut. Enfin, la cellule vient s’effondrer sur Saint-Trond à 8h45. Le calme revient alors sur notre pays, temporairement.

    Des éclaircies apparaissent, mais les nombreux altocumulus castellanus, parfois bien développés, nous préviennent qu’on est pas sorti d’affaire. Ces altocumulus s’accompagnent de cirrus et parfois d’un voile de cirrostratus. Notamment sur l’est du pays, il y a aussi un peu de convection au départ du sol, avec formation de cumulus.

    À ce moment, de nouveau noyaux orageux se développent déjà en Normandie, et remontent en direction de la région de Lille. Arrivé près de la frontière belge, cet amas orageux s’intensifie et la cellule la plus vigoureuse circule à l’est de Tournai vers 12h00, en délivrant d’importantes chutes de grêles. Cet orage présente même des caractéristiques d’un écho en arc. Des chutes de grêlons atteignant en moyenne 3 à 4 cm de diamètre sont observées. Certains mesurent jusqu’à 4 à 5 cm, ce qui cause localement d’importants dégâts aux véhicules et aux cultures, notamment à Silly, Chièvres, Bassilly, Maffles et Ladeuze. De plus, des toitures sont abîmées, des vitres brisées et des vérandas explosées. De fortes rafales de vent accompagnent également cette cellule, et il semble que des rafales descendantes sévissent, en causant des dommages aux arbres par endroit, comme entre Bury et Tourpes. On signale également des arbres arrachés dans la région de Tubize. Nous vous proposons une analyse détaillée de cet orage en fin d’article.

    Arbres abattus par une rafale descendantes dans la région de Tourpes, en province de Hainaut, le 19 mai 2022.

    L’orage remonte ensuite vers la région bruxelloise, qui est atteinte aux alentours de 12h45. La cellule ne montre aucun caractère arqué à ce moment, mais elle engendre encore des phénomènes virulents. À Uccle, une rafale de 104 km/h est notamment mesurée, alors que le vent s’oriente du secteur sud-sud-est au secteur ouest-nord-ouest. À l’aéroport de Zaventem, on note une rafale de 83 km/h tandis que la température chute de 25,1°C à 16,5°C.

    Arrivée de l'orage au dessus de Bruxelles, le 19 mai 2022.Arrivée de l’orage au dessus de Bruxelles, le 19 mai 2022.
    Arrivée de l'orage au dessus de Bruxelles à 12h30. Webcam MeteoBelgique de Schaerbeek.Arrivée de l’orage au dessus de Bruxelles à 12h30. Webcam MeteoBelgique de Schaerbeek.
    Températures observées peu avant 14h le 19 mai 2022. Source : infoclimatTempératures observées peu avant 14h le 19 mai 2022. On observe un important écart thermique au passage du front froid et
    des orages sur la Belgique. Source : infoclimat

    En parallèle, d’autres noyaux orageux concernent la Flandre Orientale et la province d’Anvers, où quelques inondations de voiries et de caves sont signalées, notamment dans les régions d’Alost et d’Anvers. À l’arrière, on note également d’autres développements anecdotiques. Par contre, à partir de 13h30, alors que notre amas orageux se trouve au nord-est de la province d’Anvers, un axe convectif se forme entre Saint-Trond et Givet.

    Cette ligne se scinde en deux parties. Celle du nord traverse la province de Limbourg avant de filer aux Pays-Bas. À Kleine-Brogel, une rafale de 90 km/h est mesurée, tandis que la température passe de 30,2°C à 17,4°C en moins d’une heure, et que le vent s’oriente du secteur sud-sud-est au secteur ouest-nord-ouest.

    Coup de foudre descendant positif dans la région de Borlon, en province de Luxembourg, le 19 mai 2022.Coup de foudre descendant positif dans la région de Borlon, en province de Luxembourg, le 19 mai 2022.

    Quant à la partie sud, elle balaye l’Ardenne belge. Vers 15h00, des cellules se formant sur la région des Hautes Fagnes créent la jonction entre les deux parties, qui forment à présent un axe qui s’intensifie entre Duisburg (Allemagne) et Bastogne. Cette ligne forme alors un LEWP, avec notamment un écho en arc qui aborde la région située au nord-ouest de Cologne.

    Précisément à cet endroit, une équipe de Belgorage est présente pour intercepter la ligne orageuse. Elle est devancée par un arcus, et le front de rafale soulève énormément de poussière, créant une ambiance particulière qui pourrait rappeler celle des grandes plaines américaines.

    Arrivée de l'orage multicellulaire dans la région d'Elsdorf en Allemagne, le 19 mai 2022.Arrivée de l’orage multicellulaire dans la région d’Elsdorf en Allemagne, le 19 mai 2022.

    Par après, ces orages balayent l’Allemagne en engendrant des chutes de grêle et de fortes rafales de vent qui provoquent des dégâts à la végétation. À l’arrière, le front froid traverse la Belgique, en passant presque inaperçu. En Belgique, on a enregistré les quantités de précipitations suivantes au passage des orages :

    • 26,6 mm à Beerse (province d’Anvers, station amateur) dont 6,0 mm à l’aube ; 20,6 mm à la mi-journée
    • 27 mm à Uccle (Bruxelles, IRM) dont 4 mm entre 04h-06h ; 23 mm entre 12h-15h
    • 30 mm à Deurne (province d’Anvers, IRM) dont 6 mm à l’aube ; 24 mm à la mi-journée
    • 31,3 mm à Zwevegem (province de Flandre Occidentale, station amateur) entre 01h-03h
    • 33 mm à Kain (province de Hainaut, MB) dont 18,2 mm entre 00h-03h ; 13,8 mm entre 10h-12h
    On notera que certaines stations, surtout à l’est et au sud, ont reçu moins de 1 mm de précipitations, Florennes même 0 mm.
    Coups de foudre détectés durant la journée du 19 mai 2022. Source : BlitzortungÉclairs détectés durant la journée du 19 mai 2022. Source : Blitzortung

    Cela clôture la première journée orageuse d’envergure de l’année en Belgique. Cependant, l’épisode n’est pas terminé.

    20 mai 2022

    En effet, durant la nuit du 19 au 20 mai, le front ondulant nous revient sous la forme d’un front chaud, tandis qu’une mésodépression se forme sur le centre-ouest de la France. En matinée du 20 juin, le front ondule à nouveau en travers de notre pays, tandis que la dépression remonte vers le nord de la France, en séparant nettement l’air maritime à l’ouest de l’air tropical à l’est.

    Analyse de surface du 20 mai 2022 à 14h00. Source : KNMIAnalyse de surface du 20 mai 2022 à 14h00. Source : KNMI

    En parallèle, un talweg se place sur l’ouest de la Belgique, avec un jet-streak plaçant notre pays en entrée droite. On observe également une forte divergence d’altitude au dessus de nos régions. De plus, on observe une instabilité remarquable dans le secteur chaud, avec des valeurs de CAPE approchant 3000 j/kg sur l’est de la Belgique et l’Allemagne. En outre, la mésodépression apporte d’importantes valeurs de cisaillement, et ramène de hautes valeurs de thêta E vers l’Ardenne depuis le sud-est. Dès lors, le potentiel est présent pour que de violents orages se développent, avec des phénomènes destructeurs. Estofex a notamment délivré son niveau maximal pour une zone centre-ouest de l’Allemagne, jusqu’à l’extrême est de la Belgique.

    Carte de prévision d’Estofex pour le 20 mai 2022.

    Toutefois, de grandes incertitudes demeurent, surtout dans le phasage des différents paramètres météorologiques. Cela se traduit dans les modèles par un cafouillage important, aucun d’entre eux n’arrivant à s’aligner sur les autres.

    Ainsi, en lien avec la formation de la mésodépression, une masse pluvio-orageuse (MCS) se forme en matinée sur la France, pour arriver sur la frontière belge à la mi-journée. À ce moment, le creusement de la dépression s’accentue et elle forme alors un triple point sur la province du Hainaut, entre avec le front chaud, le front froid et une ligne de convergence

    En réaction, un orage multicellulaire s’intensifie brusquement aux alentours de 13h00 au nord-ouest de Charleroi. Il développe de fortes précipitations, qui causent des coulées de boue, comme à Pont-à-Celles, mais aussi une intense activité électrique. Cet orage se déplace vers le nord-est et frappe le Brabant Wallon. Des inondations sont observées, notamment à Villers-la-Ville, Chastre, Walhain, Jodoigne et Hélécine, ces deux dernières communes étant concernées autour de 13h30.

    Coulée de boue à Rêves, en province de Hainaut, le 20 mai 2022.Coulée de boue à Rêves, en province de Hainaut, le 20 mai 2022.
    Coulée de boue à Hélécine, en province du Brabant Wallon, le 20 juin 2022. Crédit photo : Pascal CollinCoulée de boue à Hélécine, en province du Brabant Wallon, le 20 juin 2022. Crédit photo : Pascal Collin

    On enregistre des totaux de précipitations inférieurs à 20 mm en de nombreuses stations, mais ces pluies sont tombées en peu de temps sur des sols secs. Certaines stations ont tout de même mesuré :

    • 25 mm à Villers-la-Ville (province du Brabant Wallon, station amateur)
    • 23,6 mm à Lasne (province du Brabant Wallon, MB) dont 21,1 mm entre 12h-13h et 1,8 mm entre 14h-15h
    • 20 mm à Nivelles (province du Brabant Wallon, MB) dont 14,4 mm entre 12h-13h

    Par après, la province de Limbourg est traversée, ainsi que le Limbourg hollandais. On enregistre notamment 30 mm de précipitations à Kortessem en province de Limbourg (station BMCB). Une tornade est alors observée à Beek, au nord de l’aéroport de Maastricht, à quelques kilomètres seulement de la frontière belge, vers 14h15. Plusieurs habitations sont endommagées et des arbres abattus. L’intensité semble avoir atteint le niveau F1.

    Pendant ce temps, la zone stratiforme du MCS se disloque complètement, remplacée par plusieurs noyaux orageux distincts sur le nord de la France. Le premier passe sur Bouillon à 13h45 pour se dissiper à Bastogne moins d’une heure plus tard. À ce moment, l’important orage multicellulaire entre en Allemagne, et semble alors produire une supercellule massive sur son flanc sud, avec un écho en crochet bien développé visible au sud de Mönchengladbach à 15h00.

    En Belgique, un autre orage rentre dans le pays à Bouillon pour présenter également des caractéristiques supercellulaires. Cet orage circule juste au nord de Bastogne à 15h15, avant de toucher le nord du Grand-Duché de Luxembourg en gardant ses caractéristiques supercellulaires. Un deuxième orage, cette fois multicellulaire, suit également son sillage. De fortes chutes de grêle sont notamment signalées, comme à Cugnon. De plus, des dommages localisés sont portés à la végétation et à des toitures près de Florenville, mais nous ne savons pas quel phénomène est en cause (rafales descendantes, tornade ou rafales convectives). Ensuite, l’orage se déplace et touche également Bastogne aux alentours de 16h15. Ces deux orages engendrent des cumuls de précipitations assez élevés, avec notamment 34,6 mm à Cobru (Bastogne) et 32,2 mm à Saint-Hubert (stations BMCB).

    En outre, quelques orages sévissent également dans le nord-est de la France, avant de se décaler vers le sud de l’Allemagne. À Roth, 14 personnes qui s’étaient réfugiées dans un bâtiment ont été blessées quand ce dernier s’est effondré au passage d’un orage.

    Alors que de multiples orages se développent en Allemagne, nous retrouvons encore notre supercellule qui s’est déplacée de Mönchengladbach en s’incurvant vers l’est, en s’isolant du reste du système orageux. Au nord, une nouvelle supercellule prend le relais à la pointe sud du système, et développe un crochet bien développé qui arrive à Lippstadt à 16h40. Un tornade se forme et touche la ville, en causant des dommages assez légers, mais ce n’est qu’un début. En effet, le tourbillon s’intensifie et s’élargit pour devenir une puissante tornade, qui frappe de plein fouet la ville de Paderborn, agglomération de 150.000 habitants, vers 17h15.

    Les dégâts sont très importants, avec des toitures arrachées, des véhicules retournés, des commerces ravagés et des arbres abattus. On dénombre une quarantaine de blessés, dont 13 grièvement atteint. Les dégâts semblent montrer que le niveau F2 a été atteint.

    Passage de la tornade à Paderborn, en Allemagne, le 20 mai 2022.
    Crédit photo : Marc C. Hübner
    Dégâts observé à Paterborn en Allemagne, suite au passage d'une tornade, le 20 mai 2022. Source : TopoclimatDégâts observés à Paderborn en Allemagne, suite au passage d’une tornade,
    le 20 mai 2022. Source : Topoclimat
    Image radar Doppler du 20 mai 2022 à 17h20. On peut observer un dipôle important près de Paterborn, à l'endroit où la tornade sévit. Source : KachelmannwetterImage radar Doppler du 20 mai 2022 à 17h20. On peut observer un dipôle important près de Paderborn, à l’endroit
    où la tornade sévit. Source : Kachelmannwetter

    Plus loin, une tornade est aussi observée à Lütmarsen, mais nous ignorons encore s’il s’agit de la même tornade, où d’une nouvelle. En tout cas, le couloir de dégâts s’allonge sur plus de 90 kilomètres ! De plus, au même moment, une autre tornade est aussi observée plus au nord sous une cellule différente, à Herford, causant quelques dommages à des habitations.

    Pendant ce temps, les orages qui avaient circulé sur Bastogne sont passés en Allemagne. La supercellule passe au nord-ouest de Koblenz autour de 17h, où un membre de Belgorage est présent. À son passage, la luminosité baisse pratiquement comme en pleine nuit, et d’importantes précipitations tombent, inondant les voiries. Ensuite, le ciel s’éclaircit mais prend des teintes verdâtres, et la grêle se met à tomber. De grêlons en moyenne de 3 à 4 centimètres, mais parmi lesquels des morceaux de glace difformes se mêlent. Les plus gros, de forme oblongue,  ont 6 à 7 centimètres de longueur sur 3 à 4 centimètres de largeur !

    Nuage mur d'un orage supercellulaire transitant dans la région de Mendig, près de Koblenz, en Allemagne, le 20 mai 2022 vers 17h00.Nuage mur d’un orage supercellulaire transitant dans la région de Mendig, près de Koblenz, en Allemagne, le 20 mai 2022 vers 17h00.
    Grêlons récoltés au nord de Mendig, en Allemagne, le 20 mai 2022.Grêlons récoltés au nord de Mendig, en Allemagne, le 20 mai 2022.

    Les plus fortes chutes de grêles sont très localisées, et n’ont touché aucune zone habitée. Cependant, des véhicules sont endommagés et les routes sont encombrées de feuilles et de brindilles arrachées aux arbres, tandis qu’un brouillard dense se lève. La température a chuté de 26°C à 12 °C en seulement 15 minutes. En outre, des rafales de vent ont causé des dégâts fortement localisés, notamment dans un couloir ne dépassant pas 100 mètres de largeur, prouvant la survenue d’une microrafale, qui a brisé des branches et des arbres, et couché la végétation herbacée. On déplore aussi le décès d’une personne dans la région, suite à l’inondation de la cave de son habitation. De plus, cette cellule produit une tornade quelques kilomètres plus à loin, à Hillscheid.

    À l’arrière de ces orages, d’autres développements convectifs se forment sur l’est de la Belgique, au passage du front froid. Mais ces derniers sont anecdotiques. En Allemagne, par contre, de nombreux foyers, aux caractéristiques supercellulaires, continuent de sévir jusqu’en soirée, en se décalant vers la Pologne et la République Tchèque. En tout, 400.000 coups de foudre auront été détectés durant cette journée sur le Benelux, l’Allemagne, et le nord-est de la France. Bien que les modèles aient eu beaucoup de mal à cerner la situation, il avait été correctement prévu que de violents phénomènes pouvaient sévir, même si la dégradation n’a pas été aussi étendue qu’attendu.

    Coups de foudre détectés durant la journée du 20 mai 2022. Source : BlitzortungCoups de foudre détectés durant la journée du 20 mai 2022. Source : Blitzortung

    Pour terminer, le passage du front froid amène de l’air maritime sur le Benelux, mettant un terme à la période orageuse et au coup de chaleur. Mais les précipitations étant localisées, la sécheresse perdure en de nombreuses régions. Cependant, l’air chaud d’origine tropicale reste en embuscade dans le sud de la France, qui ne connaît aucun rafraîchissement, bien au contraire, avec des températures qui dépassent les 35°C.

    Étude de cas de l’orage du 19 mai 2022, responsable des dégâts en Wallonie Picarde.

    Voici ci-dessous les résultats des analyses de l’orage producteur de la rafale descendante et des fortes chutes de grêle, le 19 mai 2022 entre 10h10 et 12h40.

    10h10

    Des orages multicellulaires jusque là peu organisés concernent la Côte d’Opale et l’intérieur des terres de Picardie. Sur le flanc sud de ce système, une cellule plus vigoureuse concerne la région d’Abbeville. C’est cet orage qui va produire pratiquement deux heures plus tard les dégâts en Hainaut Occidental. Un RIJ commence à se mettre en place.  Des RIN (ou rear inflow notch) sont visibles à l’arrière des cellules (flèches noires).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 10h10. Source : Meteociel
    10h20
    La ligne multicellulaire prend de la vigueur. Les RIN s’intensifient à l’arrière de la structure (lignes noires).
    L’activité électrique s’amplifie. Un possible écho en crochet semble se dessiner sur le flanc sud de la cellule (1). Il est cependant impossible de certifier pour l’heure s’il y a bien une évolution supercellulaire de cet orage.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 10h20. Source : Meteociel

    10h30

    La cellule située à l’extrémité sud de la ligne semble de plus en plus adopter des caractéristiques supercellulaires. L’écho en crochet persiste et se décale progressivement vers le coté droit de la cellule, tandis qu’un puissant RIN s’intensifie sur son flanc gauche. Il est possible que l’on ait à ce moment là une supercellule HP. L’incertitude concerne la durée durant laquelle cet orage a pu adopter une évolution supercellulaire, celle-ci étant effectivement très courte (moins de 30 minutes).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 10h30. Source : Meteociel

    10h40

    L’orage semble déjà perdre ses caractéristiques supercellulaires. Le RIN qui s’était intensifié sur le flanc gauche de la cellule n’apparait pratiquement plus. On notera que l’activité électrique de cet orage reste modérée.
    D’autres RIN continuent de sévir et d’infléchir les différentes cellules.
    À l’arrière de la ligne orageuse, de nouvelles cellules apparaissent, dont certaines sont déjà vigoureuses.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 10h40. Source : Meteociel

    10h50

    Les différents RIN continuent de sévir tout le long de la ligne orageuse. La cellule du sud se structure davantage. L’activité électrique reste cependant modérée.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 10h20. Source : Meteociel

    11h00

    En l’espace d’une dizaine de minutes, plusieurs cellules s’intensifient, et ce à l’arrière de la ligne orageuse (1). Cette dernière se déstructure cependant, surtout sur son flanc nord. Les RIN ne sont plus très significatifs.
    L’activité électrique de l’orage mentionné précédemment devient très marquée (2), tandis qu’une évolution progressive en arc de ce dernier est bien visible.
    D’autres orages éclatent également à la frontière belge (3).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h00. Source : Meteociel

    11h10

    Un nouveau RIN (flèche noire) est visible à l’arrière de l’orage.  L’activité électrique s’intensifie à l’endroit où le RIJ induit une inflexion de la structure orageuse.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h10. Source : Meteociel

    11h20

    Afin de mieux visualiser l’évolution de la situation, nous n’allons plus utiliser les cartes reprenant l’activité électrique.

    On constate qu’un nouveau RIN est visible sur le flanc sud de la structure, tandis que notre RIN précédemment identifié se décale sur le flanc ouest de l’orage. Durant les 20 minutes suivantes, ces deux RIN vont complètement remanier la structure de l’orage.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h20. Source : Meteociel

    11h30

    A 11h30, la situation évolue complètement. On retrouve différentes cellules orageuses très vigoureuses. Les cellules qui circulent du côté d’Arras continuent de s’intensifier en s’accompagnant de très fortes précipitations (1). Elles forment une ligne très active.
    L’orage étudié précédemment adopte une évolution en arc tout en s’approchant de la frontière belge (2). Au nord de Tournai, deux cellules très actives également provoquent des chutes de grêle et d’intenses précipitations (3).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h00. Source : Meteociel

    Nous allons dorénavant zoomer sur l’orage responsable des dégâts observés en Hainaut Occidental.

    11h40

    Un virulent RIJ s’introduit à l’arrière de la structure (flèche noire). De violentes précipitations, de puissantes rafales de vent et de la grêle touchent les régions de Saint Amand, Hollain et Brunehaut.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h40. Source : Meteociel

    11h50

    On constate qu’un puissant RIJ (déjà identifié à l’image précédente) transperce les cellules (flèche noire). Juste à l’avant, des zones de très forte réflectivité entourent une zone de très faible réflectivité (rond noir).
    Cette zone correspond à l’endroit exact où de violentes rafales de vent se sont produites. Après une enquête de terrain menée par notre équipe, il s’agit bien d’une rafale descendante qui est à l’origine des dégâts observés entre Thumaide, Bury et Tourpes. De nombreux arbres ont été abattus. On estime les dégâts au niveau T2 sur l’échelle de Torro.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 11h50. Source : Meteociel

    12h00

    L’écho en arc est à présent sur la région d’Ath, Chièvres et Beloeil. Dans cette dernière localité, des grêlons dépassant par endroits les 3 à 4 cm sont observés (rond noir). Les dégâts sont très importants. On peut toujours constater la présence d’un virulent RIJ (flèche noire) à l’arrière des structures.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 12h00. Source : Meteociel

    12h10

    Un nouveau zoom sur l’imagerie radar met bien en évidence une zone de très forte réflectivité sur la région de Silly (rond noir). Les dégâts dus à la grêle sont importants sur cette zone. Un nouveau RIJ se met en place sur le flanc sud de la cellule qui circule sur la région de Lombise-Graty, indiquant une nouvelle évolution en écho en arc (flèche noire).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 12h10. Source : Meteociel

    12h20

    L’écho en arc nouvellement formé arrive sur la région d’Enghien. Le RIJ continue de sévir (flèche noire),  provoquant de puissantes rafales de vent et des chutes de grêle sur la région.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 12h20. Source : Meteociel

    12h30

    L’écho en arc atteint la région de Halle. Des chutes de grêle, des précipitations intenses et de puissantes rafales de vent sont toujours observées (rond noir),  mais les cellules vont commencer à perdre de leur vigueur. On observe toujours la présence d’un RIJ à l’arrière de la structure (flèche noire).

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 12h20. Source : Meteociel

    12h40

    L’écho en arc se déstructure en arrivant sur la région bruxelloise. Le RIJ s’estompe progressivement, mais de puissantes rafales de vent sont toujours observées. D’autres orages sévissent plus au sud-ouest.

    Carte radar des précipitations le 19 mai 2022 à 12h40. Source : Meteociel

    Par la suite, l’écho en arc se dissipe en une masse pluvio-orageuse, tout en se dirigeant vers Malines et Louvain.


    Résumé

    L’orage producteur des dégâts relevés en Hainaut Occidental trouve son origine dans la Somme.

    Au départ sous forme d’une ligne orageuse, la cellule va progressivement prendre des caractéristiques supercellulaires en arrivant dans le Pas-de-Calais. Mais très vite, ces caractéristiques disparaissent et vu l’évolution rapide, il est délicat d’affirmer que cet orage a bien évolué en supercellule.

    En arrivant dans le département du Nord, c’est déjà un écho en arc bien structuré qui provoque des dégâts.

    En franchissant la frontière belge, les dégâts sont nettement plus importants. Les chutes de grêle dépassent par endroits les 3 à 4 cm de diamètre, tandis qu’une rafale descendante sévit dans la région de Peruwelz-Beloeil.

    Par la suite, l’écho en arc va évoluer mais restera très vigoureux, tout en passant les régions d’Ath et de Silly. Là également, les chutes de grêle provoquent d’importants dégâts.

    Passé Enghien, l’écho en arc va progressivement se déstructurer pour finir en une masse pluvio-orageuse sur la région bruxelloise.