Les orages en Belgique
Ce dossier présente ici les différentes situations atmosphériques favorables au développement des orages en Belgique tout au long de l’année.
La première partie est consacrée aux différentes situations orageuses qui se produisent habituellement en Belgique durant la saison estivale au sens large (fin avril – fin septembre), et la seconde partie reprend les situations orageuses se produisant en situation hivernale au sens large (début octobre – début avril).
Au sein de ces deux parties, nous avons subdivisés les situations atmosphériques en deux grandes catégories : les orages de masse d’air et les orages frontaux. Au sein des différents chapitres, vous trouverez d’autres subdivisions encore, au fur et à mesure des occurrences, comme les orages monocellulaires, pluricellulaires, supercellulaires, etc.
Les orages de masse d'air en situation estivale
L’air continental stagne sur notre pays lorsque l’anticyclone qui a amené cette masse d’air faiblit ou s’éloigne, sans qu’un autre système de pression (dépression ou nouvel anticyclone) ne le remplace pour autant. On a alors affaire à un marais barométrique, où les courants sont nuls ou faibles d’est à nord-est et ce, dans toute l’épaisseur de la troposphère. Il n’y a donc pas ou presque pas de cisaillements des vents.
En journée, en raison de l’insolation et de la relative sécheresse, cet air se réchauffe fortement dans les basses couches. Dans les hautes couches, par contre, l’air est relativement froid en raison de la disparition de l’inversion de subsidence (la pression n’est plus suffisante pour maintenir cette subsidence). L’instabilité peut donc être conséquente, surtout en après-midi.
Les orages, dans ce cas, tendent à être plus fréquents dans le sud du pays. La pression y est souvent légèrement plus basse. En plus, le relief favorise la formation d’orages. La zone côtière, par contre, est totalement épargnée en raison de la brise de mer, qui par sa fraîcheur diminue nettement l’instabilité. Il faudra toutefois se méfier du « front de brise de mer », à quelques 20 à 30 km de la côte, où la rencontre du vent de mer (souvent de nord-nord-est) avec le vent régnant sur le continent (souvent d’est-nordest) peut créer une zone de convergence forçant l’air à s’élever, ce qui favorise, là, la formation d’orages. Sinon, en basse et moyenne Belgique, les orages prennent un caractère isolé et monocellulaire.
L’air continental étant généralement peu ou modérément humide, le point de saturation, pour une bulle d’air montante, se situe à 1500 mètres ou plus. Ce qui veut dire qu’en l’absence de coup de pouce dynamique, le gradient doit dépasser l’adiabatique sèche (1°C par 100 mètres) jusqu’à plus de 1500 mètres pour que des cumulus puissent former. Au-dessus, l’instabilité conditionnelle est suffisante et celle-ci est atteinte dans ce type de masse d’air.
Cela revient à dire que les cumulus ont d’abord du mal à se former et le ciel tend à rester serein toute la matinée. En début d’après-midi, le sol surchauffé amène alors les bulles d’air suffisamment haut pour générer des nuages. Ensuite, les cumulus une fois formés se développent aisément et atteignent le stade congestus souvent en fin d’après-midi. Quelques uns de ces cumulus finissent par devenir des cumulonimbus.
Il s’agit alors d’orages monocellulaires généralement faibles et de courte durée. En effet, en raison de l’immobilité ou du déplacement horizontal faible et uniforme des cumulonimbus sur toute leur hauteur (orages dits « stationnaires » par rapport à la masse d’air), les précipitations retombent dans la cheminée d’ascendance qui les a formées. Ceci entraîne de l’air froid vers le bas, air se refroidissant encore davantage par l’évaporation partielle des précipitations et accélérant ainsi la chute. Ce courant descendant détruit assez rapidement la cheminée d’ascendance puis, arrivé au voisinage du sol, il s’étale en formant une zone de fraîcheur.
L’orage, privé de son alimentation d’air chaud ascendant, se désintègre en peu de temps. La durée de vie moyenne d’un orage monocellulaire simple est d’une demi-heure environ.
Lorsque le relief, le front de brise de mer ou une autre zone de convergence donne un coup de pouce à la convection, l’orage peut se montrer un peu plus violent (orage à pulsation, c’est-à-dire muni d’une forte cheminée d’ascendance dont la force d’inertie est suffisante pour percer la troposphère).
Un sol sablonneux particulièrement chaud (Campine) peut avoir le même effet. Ces orages-là, toutefois, n’ont pas une vie très longue non plus.
A priori, la masse d’air semble présenter les mêmes caractéristiques que l’air continental, avec seulement quelques degrés en plus à tous les niveaux. Pourtant il existe pas mal d’autres différences.
En général, cette masse d’air est plus sèche que la précédente car elle trouve son origine en Afrique du Nord, voire carrément au Sahara. En plus, en passant au-dessus des Alpes ou des Pyrénées, l’air se débarrasse à nouveau de l’humidité pompée en Méditerranée (effet de foehn). Cela veut dire que dans la plupart des cas, en dépit d’une grande instabilité en journée au-dessus des sols surchauffés, cette masse d’air est peu propice aux orages en raison du manque d’humidité.
Dans nos régions, toutefois, il faut tenir compte de l’historique météorologique qui a précédé l’arrivée de cette masse d’air.
Dans les étés humides dans leur ensemble, où la remontée d’air tropical continental ne dure que quelques jours, l’humidité peut rester suffisante pour mener à des orages. La situation peut même devenir explosive pour les raisons que nous décrirons ci-dessous.
1. Le sol, s’il est encore trempé par des précipitations antérieures, humidifie les couches inférieures de l’atmosphère, alors que les couches moyennes restent sèches et chaudes en raison d’un vent de sud soutenu et desséché par effet de foehn. Le gradient de température y reste donc élevé aussi (proche de l’adiabatique sèche), ce qui veut dire que la couche est très instable (avec formation possible d’altocumulus castellanus). Le réchauffement des basses couches humides, par contre, est quelque peu ralenti et peut former une légère inversion vers 1000 ou 1500 mètres d’altitude.
Par la suite, le sol finit par se réchauffer quand même sous l’effet du soleil, et l’air en-dessous de l’inversion devient instable à son tour. Tant que l’inversion résiste, il ne se passe rien, le temps est tout au plus un peu brumeux, avec une chaleur humide suffocante.
Par contre si l’inversion est percée, et surtout si elle est percée très localement, il se forme une cheminée d’ascendanceultra-puissante, qui aspire en un endroit tout l’air environnant qui était resté coincé sous l’inversion. En plus, cette colonne d’air humide, en montant, atteint très vite le point de saturation et ne se refroidit plus qu’à 0,5°C par 100 mètres à partir de ce moment.
L’air sec autour de la colonne, lui, possède un fort gradient, ce qui fait que la cheminée d’ascendance devient rapidement beaucoup plus chaude que l’air environnant, ce qui accélère encore son ascendance, ascendance qui ne cessera qu’à la tropopause, située parfois à 15 000 mètres dans l’air tropical. Il peut en résulter un orage extrêmement violent avec un cumulonimbus atteignant des hauteurs faramineuses (car par inertie, la tropopause déjà haute est en plus percée par le nuage).
2. La structure du vent en altitude. Contrairement à l’air continental stagnant dans un marais barométrique, l’air tropical continental est généralement acheminé par l’effet combiné d’un anticyclone (à l’est) et d’une dépression (à l’ouest), l’anticyclone s’éloignant et la dépression s’approchant.
À haute altitude, cela signifie souvent la fin d’un blocage oméga et le retour progressif à une situation zonale. On observe dans ce cas un renforcement du vent avec l’altitude et d’un changement de direction (sud-est dans les basses couches, sud dans les couches moyennes et sud-ouest dans les couches élevées). Ceci provoque des cisaillements des vents qui peuvent à leur tour renforcer l’orage et surtout prolonger sa vie. En effet, les précipitations sont déviées dans leur chute et ne tombent plus dans la cheminée d’ascendance, mais à côté. Cela signifie que la cheminée d’ascendance n’est plus détruite.
À la zone limite se forme une très grande turbulence, visible par d’imposants rouleaux de nuages (arcus). Ceci peut provoquer de très forts coups de vent au sol (parfois plus de 100 km/h) sur ce qu’on appelle le front de rafales (à la limite de l’air chaud ascendant et de l’air froid entraîné vers le bas par les précipitations et qui, une fois au sol, s’étale horizontalement).
3. Dans cette masse d’air très chaud, il arrive souvent que des dépressions thermiques se forment. Celles-ci prennent généralement naissance en Espagne ou dans le sud de la France, puis remontent dans le courant général. Si l’une de ces dépressions arrive sur le centre ou l’est de la France, par exemple, le vent tourne à l’est, voire au nord-est dans les basses couches chez nous. Au-dessus, dans les couches moyennes, le vent continue à souffler du sud.
Cet important cisaillement des vents horizontaux, dans des conditions idéales, pourrait imprimer un mouvement rotatoire à l’orage (supercellule) avec risque de tornade. Ce phénomène reste toutefois rare dans l’air tropical continental.
Par contre, une supercellule de type LP (faibles précipitations) a plus de chances de se produire si l’environnement général, quoique très instable, reste plutôt sec dans son ensemble. Ce genre d’orage ne donne des précipitations que sous une partie restreinte du nuage, mais là, les phénomènes sont très violents avec possibilité de grêlons énormes. Des tornades ne sont pas à exclure non plus sous ce type de cellule, quoique restant très rares chez nous.
C’est la masse d’air qui est souvent la plus propice aux orages violents, mais pas toujours.
La première chose à retenir, c’est que dans cet air nettement plus humide, le point de condensation d’une bulle d’airascendante est plus vite atteint, souvent en-dessous de 1000 mètres. Cela signifie que le soleil a tôt fait de rendre les basses couches de l’atmosphère suffisamment instables pour former des nuages.
Les cumulus apparaissent dès le milieu de la matinée. Il s’agit d’abord de cumulus fractus et humilis, puis très vite de cumulus mediocris et congestus. Des cumulonimbus peuvent se former dès midi. Toutefois, la nébulosité trop abondante ralentit le réchauffement diurne (déjà modéré dans l’air maritime).
Les orages trop près les uns des autres peuvent aussi faire qu’ils s’affaiblissent les uns les autres. On a alors un temps assez chaud et lourd, mais avec des averses plutôt modérées, voire faibles. Les coups de tonnerre, pour autant qu’il y en ait, sont alors modestes aussi.
Toutefois, il arrive qu’un orage trouve des conditions plus favorables et devienne plus violent. Dans ce cas, ce sont surtout les précipitations qui seront abondantes.
Dans certaines configurations, par contre, l’air tropical maritime peut aussi mener à des orages particulièrement violents. Une des conditions pourrait être la présence d’une faible inversion thermique vers 1000-1500 mètres, surmontée d’une masse d’air plus sec qui redevient instable à plus haute altitude (comme dans le cas de l’air tropical continental sur un sol humide). Ce sont aussi des effets de foehn au-dessus des Pyrénées qui sont responsables de ce réchauffement et de ce dessèchement de l’air à moyenne altitude.
Ici par contre, l’inversion est plus marquée et l’air plus humide en-dessous. Il se forme donc des cumulus à base plutôt basse, dont le développement s’arrête à l’inversion.
Il y a parfois même étalement et on se retrouve dans une atmosphère chaude et lourde, avec une légère brume et un ciel blanchâtre, sans pour autant qu’un orage n’éclate. Le fameux temps « douff » si connu des Bruxellois.
Toutefois ici aussi, un accident de relief, une zone de convergence (liée à une dépression thermique par exemple) ou un réchauffement localement plus important des basses couches peut créer une ascendance qui perce l’inversion et pénètre dans l’air sec. Alors la situation devient rapidement explosive pour les mêmes raisons que celles décrites plus haut, surtout en présence de cisaillements des vents.
L’humidité, en moyenne, est plus élevée aussi, surtout dans les basses couches, ce qui amène dans ce cas des supercellules HP (fortes précipitations). Les pluies peuvent être diluviennes avec risque de grêle (toutefois avec moins de chance d’avoir d’énormes grêlons). L’activité électrique est souvent très importante et, dans les cas extrêmes, des tornades peuvent se former dans ce type d’orage. Ces tornades sont souvent invisibles si un important rideau de pluie se trouve entre la tornade et l’observateur.
Une ligne de convergence peut aussi former de très violents orages dans l’air tropical maritime. Il s’agit alors d’orages pluricellulaires qui se forment sur la ligne de convergence.
On peut aussi assister à la formation d’un MCS (système convectif de méso-échelle), énorme amas orageux d’un diamètre de (beaucoup) plus de 100 km, qui présente une forme ronde ou ovale. Ici, les orages s’auto-entretiennent pendant des heures et des heures. Ils persistent généralement toute la nuit, alimentés par le maximum de vent nocturne qui se forme à la suite de l’inversion au sol liée au refroidissement de la nuit.
Ces orages sont généralement caractérisés par une très grande activité électrique et de très fortes précipitations.
Comme le vent général, dans l’air tropical maritime, est généralement modéré et souffle de sud à sud-ouest, les risques d’orage ne sont pas moindres à la côte (la brise de mer est contrée et n’apparaît pas). Dans les Ardennes, les orages demeurent plus nombreux et plus violents en raison du relief (pour autant que l’orientation soit favorable par rapport au vent).
Une importante activité orageuse dans la masse d’air tropical maritime avant l’arrivée du front froid peut déjà refroidir prématurément la masse d’air, ce qui fait que les orages situés sur le front proprement dit perdent beaucoup de leur puissance. Nous y reviendrons.
Ces orages se forment dans les masses d’air maritime à l’arrière des perturbations, dans ce qu’on nomme la « traîne ». Il s’agit alors d’air maritime qui a toujours une origine polaire, plus ou moins directe. Le vent souffle, selon le cas, de sud-ouest, d’ouest ou de nord-ouest.
On a affaire ici à une masse d’air plutôt froid et humide à tous les niveaux. En mer et au littoral, l’instabilité est généralement tout juste insuffisante pour générer des averses au début de l’été (eau encore froide en mai-juin).
Au cœur de l’été (eau se réchauffant graduellement en juillet-août), les averses deviennent possibles et à la fin de l’été (eau chaude en septembre), elles tendent même à devenir violentes avec risque d’orage. À la côte, les averses une fois formées tendent à persister la nuit (sauf si la brise de terre parvient à s’imposer).
À l’intérieur des terres, l’instabilité est toujours suffisante en journée pour les averses et les orages (s’il n’y pas d’autres facteurs, anticycloniques par exemple, qui les inhibent). La nuit par contre, il y a une nette tendance aux accalmies, voire aux larges éclaircies.
Comme l’air est humide, les cumulus se forment facilement dès le matin, et leur base est basse (parfois moins de 500 mètres). En journée, l’air devient légèrement plus sec à l’intérieur des terres, sous l’effet du soleil, et la base des cumuluss’élève quelque peu.
La température est en général trop basse pour les grands phénomènes orageux. Les averses par contre se forment aisément. En raison de la turbulence de cette masse d’air, de faibles thermiques suffisent déjà pour amener des bulles d’air s’élevant du sol à quelques centaines de mètres d’altitude. Et à partir de là, on tombe déjà dans l’adiabatique humide où l’instabilité conditionnelle permet la formation de cumulonimbus.
Dans la plupart des cas, on assiste alors à une alternance d’éclaircies et d’averses, avec quelques coups de tonnerres. Lorsque le vent souffle d’ouest-nord-ouest, une partie de la Belgique (région de La Panne, Coxyde, Ypres voire Tournai) reste plus sèche en raison de l’écran formé par les Îles Britanniques.
Il existe cependant une situation potentiellement dangereuse lorsque la traîne de la perturbation est particulièrement active (situation plus fréquente en hiver, mais possible en été). Dans ce cas, le jet-stream passe sur nos régions, avec même un renforcement (jet-streak) au-dessus de nos têtes. À l’avant de ce jet-streak, la force de Coriolis est supérieure au vent de gradient, ce qui déporte le courant vers la droite, tandis qu’à l’arrière de ce jet-streak, la force de Coriolis est inférieure au vent de gradient, ce qui déporte le courant vers la gauche. Du côté opposé à ces déviations, il se forme des zones de divergence en altitude qui aspirent l’air des niveaux plus bas. Ceci peut notablement renforcer l’ascendancedans les cumulonimbus passant par là, à tel point que des tornades deviennent possibles.
La tornade du 1er octobre 2006 a notamment été liée à ce phénomène. Mais de nombreuses tornades estivales, observées par des températures de 18 à 20°C seulement, sont également liées à ce phénomène.
Lorsque la masse d’air maritime a une forte composante polaire, l’air est particulièrement froid en altitude et donc particulièrement instable. Si les orages restent malgré tout modérés dans cette situation, les averses quant à elles peuvent devenir particulièrement violentes et accompagnées de grêle.
Les grêlons, en raison de leur nombre, peuvent former des couches impressionnantes, de 30 cm ou plus, mais leurs tailles restent en général petites. La côte belge a subi une telle averse en août 2006.
En basse et moyenne Belgique, les averses peuvent aussi être accompagnées de neige jusqu’au début du mois de mai. Dans les Hautes Fagnes, la neige (fondante) reste possible jusqu’au début du mois de juin et peut déjà se remanifester à la mi-septembre.
Les orages frontaux en situation estivale
Front froid où l’air tropical est chassé par des courants maritimes frais et perturbés
La situation pré-orageuse dépend essentiellement de la structure exacte de la masse d’air qui précède et de l’heure de passage du front. Les orages eux-mêmes dépendent de l’humidité et de la différence de températures entre les deux masses d’air. La situation post-orageuse dépend de la structure exacte de la masse d’air qui suit.
La situation atmosphérique générale est, quant à elle, celle d’un anticyclone qui évacue vers l’est, vers l’Europe centrale ou orientale, et d’une dépression atlantique qui se dirige progressivement vers les Îles Britanniques ou la Mer du Nord (et qui sera suivie par d’autres dépressions).
La situation pré-orageuse dépend, comme mentionné ci-dessus, de la structure exacte de la masse d’air qui précède. Habituellement, on assiste à une masse d’air tropical chaud et assez stable au départ, sous influence anticyclonique, qui devient progressivement plus instable des suites de la baisse de pression, de la disparition de l’inversion subsidence et de la détente (et du refroidissement) de l’air en altitude. Si en plus, le courant général tourne au sud-sud-ouest avant le passage du front, l’air tend aussi à devenir plus humide.
Classiquement, comme dans une situation pré-orageuse au sein d’une masse d’air, des cumulus humilis se forment en après-midi, suivi de cumulus mediocris et congestus.
Ensuite arrivent les orages qui, cette fois-ci, ne sont plus des cellules isolées, mais une ligne d’orages frontaux, particulièrement violents s’ils arrivent au bon moment, c’està- dire en fin d’après-midi ou début de soirée. S’ils arrivent plus tard, la nuit, les cumuluscongestus se résorbent d’abord mais l’air reste chaud et très lourd. Les orages nocturnes peuvent également être très violents s’ils sont alimentés par le maximum de vent qui se forme au-dessus de l’inversion nocturne, à quelques centaines de mètres du sol.
Par contre si les orages arrivent trop tôt, en fin de matinée par exemple, ils perdent beaucoup de leur puissance en raison de l’absence du coup de pouce thermique (convection pas encore assez développée à l’avant des orages).
Il se peut toutefois que la masse d’air antérieure reste sèche jusqu’à l’arrivée du front. Le ciel est alors serein (à l’exception de quelques altocumulus) et un mur de cumulonimbus, visible de loin, arrive sans qu’il ne soit précédé de cumulus. Si cela arrive la nuit, on voit des éclairs à l’horizon du côté ouest ou sud-ouest, alors que le ciel est encore étoilé.
Dans d’autres cas, l’instabilité est telle que des orages de masse d’air éclatent avant l’arrivée du front. Si ces orages s’alignent le long d’une zone de convergence, ce sont eux qui ont le plus d’énergie et le front froid s’affaiblit. Cela arrive souvent dans les situations de « spanish plume ».
La spanish plume est décrite de façon un peu différente selon les pays et pour cause, les effets sont très différents. En Belgique (Gaume exceptée), la spanish plume se déroule le plus souvent calmement, mais violemment dans des cas minoritaires.
En effet, la dépression thermique remontant d’Espagne passe souvent à l’est de nos régions et va mourir sur les Pays-Bas ou sur le nord de l’Allemagne. Le vent tourne déjà à l’ouest après le passage de la ligne de convergence, et avant le front froid. Nous avons donc des infiltrations maritimes dans les basses couches qui tempèrent la chaleur sous une inversion. C’est un peu comme si le front se dédoublait, avec de l’air chaud, puis de l’air tiède, puis de l’air frais, donc des différences thermiques moindres qui tempèrent voire annulent les orages tant sur la ligne de convergence que sur le front froid.
Il arrive toutefois qu’une ascendance perce et alors, la situation devient explosive, comme déjà décrit à plusieurs reprises plus haut.
Ces infiltrations maritimes n’atteignent pas la Gaume en raison du massif ardennais. Là, la zone de convergence est exclusivement remplie d’air tropical très chaud et les orages violents y sont plus fréquents lors d’une spanish plume.
Le front froid atteint donc la force maximale si le contraste thermique est maximal. C’est le cas notamment si l’air qui précède est de type tropical direct alors que l’air qui suit est à forte composante polaire. Toutefois, il faut souvent aussi un élément déclencheur (relief, wind-shear, etc.) pour que les orages puissent vraiment se développer.
Dans des conditions de température, de wind-shear et d’humidité idéales, des supercellules peuvent se former sur le front (ou sur la ligne de convergence qui le précède) et même provoquer des tornades.
À l’arrière du front, le temps est souvent plus stable dans un premier temps, avec de l’altostratus qui s’étend assez loin derrière les cumulonimbus, suivi de cirrostratus. Ce n’est qu’à ce moment que des cumulus se reforment, redonnant éventuellement plus tard des averses dans l’air maritime frais (et froid en altitude).
Parfois, l’air reste instable immédiatement après le passage du front orageux. On assiste alors bien vite à d’autres orages qui, dans l’air maritime frais, sont cependant moins intenses.
Enfin, des perturbations frontales peuvent succéder au front orageux. Dans ce cas, on passe immédiatement du temps chaud estival (ayant précédé les orages) à un temps automnal et pluvieux, avec nimbostratus, altotstratus, stratocumulus, etc.
Front froid entre deux cellules anticycloniques
Ici aussi, on a affaire à de l’air tropical chaud avant le front froid orageux, et à de l’air maritime nettement plus frais à l’arrière. La différence essentielle réside dans le fait que le temps redevient rapidement beau après le passage orageux, avec des cumulus et stratocumulus qui se résorbent rapidement pour faire place à un ciel à nouveau (presque) serein.
Seule la température reste temporairement plus basse, avec un vent de nord-ouest qui tourne au nord, puis à l’est (et peut-être à nouveau au sud après plusieurs jours).
La zone orageuse est parfois moins bien organisée aussi, donnant lieu à des lignes d’orages disloquées, voire à des cellules isolées. Cela n’empêche que certaines d’entre elles peuvent être très violentes malgré tout. Ce sont là des situations qui sont particulièrement difficiles à prévoir.
Lorsque le « col anticyclonique » entre les deux cellules anticycloniques est suffisant, les orages ont plus de mal à se développer. Le soulèvement de la masse d’air chaud n’est plus visible qu’à moyenne altitude, où des altocumulus castellanus se forment. Dans certains cas, ils donneront lieu à un cumulonimbus à base élevée, avec quelques coups de tonnerre possibles. Les précipitations qui en tombent, par contre, s’évaporent souvent avant d’atteindre le sol.
C’est une situation typique du sud de l’Espagne ou du sud de l’Italie en été, mais qui peut se produire chez nous aussi, surtout pendant les grands étés où les anticyclones se succèdent. Ce genre de perturbation orageuse avortée a souvent été observé pendant le grand été de 1976, où la sécheresse n’a pratiquement pas été interrompue en de nombreux endroits.
Orages sur un front froid secondaire, séparant deux masses d’air froid
Cette situation est caractéristique des étés pourris et frais, lors d’importante traînes instables à l’arrière des perturbations atlantiques. Les orages plus ou moins isolés dans l’air polaire maritime s’alignent soudain sur une ligne et gagnent en intensité. En fait, il s’agit d’une wind-shear (vent d’ouest-nord-ouest suivi de vent de nord-nord-ouest par exemple) précédant une masse d’air dont le caractère polaire est plus direct et qui est donc encore plus froide. Il s’agit donc bel et bien d’un front, même si on parle ici de front secondaire.
Dans les cas extrêmes, les températures peuvent rester obstinément en-dessous de 15°C pendant plusieurs jours consécutifs en plein été, avec des températures au niveau 850 mb passant en-dessous de 0°C. Cet air reste donc très instable, avec possibilité d’orages et de fortes averses. Toutefois la tropopause assez basse empêche le sommet des cumulonimbus à atteindre de hautes altitudes, ce qui diminue les risques de phénomènes extrêmes.
Tant le mois d’août 2006 que le mois de septembre 2001 ont connu la succession de tels fronts et de telles masses d’air instables et froides. Cela a fini par mener à des totaux pluviométriques impressionnants. En août 2006, l’instabilité a même été renforcée par une Mer du Nord exceptionnellement chaude, ce qui a augmenté la pluviosité mais diminué le déficit thermique.
Même si un front chaud est habituellement stable (air chaud s’élevant graduellement au-dessus de l’air froid, y formant une couche d’altostratus et de nimbostratus si l’humidité est suffisante), c’est loin d’être toujours le cas. Notamment dans une circulation générale de sud-ouest, tant l’air polaire indirect (frais) que l’air tropical maritime (doux) se réchauffe en passant sur les terres chaudes de l’Espagne et du sud-ouest de la France. Les deux masses d’air deviennent donc instables avant d’arriver chez nous.
Si le processus de formation d’altostratus et de nimbostratus continue à se faire au niveau du front chaud, des cheminées d’ascendance peuvent former des cumulonimbus à l’intérieur du nimbostratus (embedded cumulonimbus).
Pour l’observateur au sol, le ciel généralement gris devient temporairement encore plus sombre, la pluie tombe plus fort et un coup de tonnerre peut tomber par surprise. Toutefois les températures de 22-23°C sous la pluie donnent une atmosphère assez lourde et l’orage n’est pas si étonnant que ça.
Les orages de masse d'air en situation hivernale
En hiver, dans ce type de masse d’air, il manque le moteur principal pour former des orages, en l’occurrence le réchauffement du sol, par le soleil, pour créer de l’instabilité en journée et donc de la convection. Si l’on excepte la toute fin de la « mauvaise » saison, c’est-à-dire la deuxième moitié de mars, où le soleil est déjà assez fort pour fournir un potentiel orageux, l’on peut dire que cette situation ne génère pas d’orages, et certainement pas durant l’hiver proprement dit (décembre, janvier et février).
En effet le sol, en restant froid même en journée, aura tendance à générer et à maintenir des inversions thermiques tenaces, qui ont beaucoup de mal à se résorber. Si l’air est suffisamment sec, le temps tend alors à être ensoleillé avec souvent de la brume sèche. Si l’air est humide (humidité résiduelle liée à un épisode humide qui a précédé ou humidité en provenance de la Baltique), il se formera des brouillards et des stratus qui, parfois, ne se dissipent même pas au cœur de la journée.
Les seules possibilités d’instabilité existent lorsque la masse d’air continental stagnant sur nos régions a une origine vraiment très froide (air arctique de type sibérien).
Dans ce cas, l’air est tellement froid en altitude que de l’instabilité subsiste. Mais les averses qui se forment alors donnent une neige très sèche, peu abondante, en provenance de cumulus congestus ou de cumulonimbus à sommet très bas (tropopause très basse), qui ne sont en aucun cas générateurs d’orages.
Par contre l’air continental, même modérément froid, peut générer des orages d’hiver au large de notre côte, en raison des eaux encore chaudes de la Mer du Nord.
Ces orages sont alors de type unicellulaire, comme ceux qui se forment en été à l’intérieur des terres, sauf qu’ils peuvent éclater à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. En effet, la variation diurne de la température, au large des côtes, est minime, ce qui fait que la variation diurne dans les phénomènes orageux est minime aussi.
Normalement, ces orages restent en mer, d’autant plus que la brise de terre a tendance à persister toute la journée le long de la côte. Toutefois, si le vent de nord-est est suffisamment développé, les orages développés en mer entre les Pays-Bas et la Belgique peuvent être amenés vers le littoral, avant qu’ils ne meurent rapidement en pénétrant à l’intérieur des terres.
Des orages, par cette masse d’air en hiver, n’ont aucune chance d’éclater. En effet, c’est la plus stable des masses d’air, durant la mauvaise saison, et même la Mer du Nord n’est pas assez chaude pour la déstabiliser. En outre, même si un orage devait éclater en mer, il serait repoussé loin au large par les vents de sud-est ou de sud.
Si cette masse d’air est très propice aux orages en été, ce n’est guère le cas en hiver. Il se peut, dans de rares cas, qu’un orage formé sur les eaux chaudes du Golfe de Gascogne survive assez longtemps à l’intérieur des terres pour arriver jusque chez nous, mais dans la très grande majorité des cas, l’air qui nous arrive est stable.
En effet, l’air humide d’origine très douce va se refroidir par le bas sur notre sol froid, avec comme corollaire la formation de brumes et de stratus bas. Lorsque le vent (de sud ou de sud-ouest) est plus fort, nous aurons droit à des stratocumulus de turbulence, mais toujours pas à de la convection.
En outre, les nuages liés aux perturbations atlantiques (cirrus, cirrostratus, altostratus et nimbostratus) sont régulièrement présents dans ce type de masse d’air, avec de la pluie certes, mais sans développements orageux.
Toutefois, lorsque les perturbations sont particulièrement actives, avec un jet-stream orienté SW-NE près de nos régions, l’air peut être suffisamment froid à très haute altitude (détente adiabatique liée aux basses pressions) pour générer de l’instabilité. Dans ce cas, nous aurons affaire à des cumulonimbus enclavés dans le nimbostratus (embedded Cb). Un coup de tonnerre n’est pas exclu dans ce cas.
Attention ! Des orages, même violents, sont possibles dans des courants maritimes très doux de sud ou de sud-ouest en hiver, mais il ne s’agit pas d’air tropical maritime à proprement parler. Ces masses d’air sont en effet de l’air polaire maritime de retour, fortement réchauffé dans les basses couches par un long parcours sur l’océan, mais encore froid en altitude. Ces orages sont alors assimilables aux orages traités au point suivant.
Ces orages, exactement comme en été, se forment dans les masses d’air maritime à l’arrière des perturbations, dans ce qu’on nomme la « traîne ». Il s’agit alors d’air maritime qui a toujours une origine polaire, plus ou moins directe. Le vent souffle, selon le cas, de sud-ouest, d’ouest ou de nord-ouest. On a affaire ici à une masse d’air froid en altitude, mais plus ou moins réchauffée par le bas en fonction du parcours sur l’océan.
Souvent, l’instabilité est largement suffisante pour générer des orages, ce qui signifie que notre pays n’est pas du tout à l’abri de ce type d’orage, même en plein hiver. Si le vent général est assez faible (par exemple lorsque le noyau dépressionnaire se trouve très près de notre pays), ces orages vont principalement concerner la zone côtière, et mourir rapidement sur l’intérieur des terres (sauf tout à la fin de l’hiver). Si le vent est fort (fort gradient entre les hautes et basses pressions), ces orages survivent facilement au parcours sur la terre ferme et peuvent alors affecter tout le pays.
Comme déjà précisé plus haut, les orages formés en mer peuvent éclater à n’importe quel moment de la journée et de la nuit. En hiver, comme les écarts de températures sont également faibles à l’intérieur des terres, ces orages peuvent survenir partout à n’importe quelle heure. C’est particulièrement vrai en novembre, décembre et janvier. En février et en mars, on observe à nouveau, à l’intérieur des terres, une nette augmentation de l’activité orageuse en journée et une nette diminution la nuit. En outre, à la fin de l’hiver, les eaux côtières sont devenues suffisamment froides pour inhiber les averses et orages le long du littoral.
Comme en été, on assiste alors à une alternance d’éclaircies et d’averses, avec des orages généralement faibles quoique pouvant être nombreux. Lorsque le vent général souffle d’ouest-nord-ouest, une partie de la Belgique (région de La Panne, Coxyde, Ypres voire Tournai) sera plus ou moins épargnée en raison de l’écran formé par les Îles Britanniques.
Il existe cependant une situation potentiellement dangereuse, déjà décrite en été, lorsque la traîne de la perturbation est très active. Dans ce cas, le jet-stream passe sur nos régions, avec même un renforcement (jet-streak) au-dessus de nos têtes. Ceci a pour effet de renforcer dans une grande mesure l’ascendance dans les cumulonimbus passant par là, à tel point que des tornades deviennent possibles (cf. explications dans la partie consacrée à l’été). La quasi-totalité des tornades observées en hiver sont liées à ce phénomène.
Notez bien que ces tornades et autres phénomènes violents sont alors le fruit de ce qu’on appelle les mini-supercellules. Il s’agit là de cellules ayant tous les ingrédients d’une supercellule normale, sauf que le développement en altitude est limité par une tropopause beaucoup plus basse. Cela ne les empêchent pas, dans certains cas, d’être très dangereuses.
Lorsque la masse d’air maritime a une forte composante polaire, l’air est particulièrement froid en altitude et donc particulièrement instable. On observe alors régulièrement des averses de grésil et de neige fondante au littoral, et de neige sur tout le reste du pays. Le plus surprenant est alors d’entendre un coup de tonnerre en plein milieu d’un paysage blanc, parfaitement hivernal.
C’est toutefois à la côte que le risque d’orage est le plus élevé dans ce cas, a contrario du risque de neige qui y est plus faible.
Les orages frontaux en situation hivernale
Front froid où l’air tropical est chassé par des courants maritimes frais et perturbés
C’est une situation qui se présente principalement au tout début ou à la toute fin de la mauvaise saison, lorsque l’air tropical continental ou direct est encore, ou déjà nettement plus chaud que l’air en provenance de l’océan. Cependant, la chaleur n’est pas suffisante pour générer de vraies dépressions thermiques susceptibles d’engendrer des convergences dignes de ce nom à l’avant du front. Les orages, si orage il y a, vont plutôt se développer sur le front froid proprement dit.
Au cœur de l’hiver, l’air tropical continental ou direct est souvent froid dans les basses couches. Le front froid qui arrive alors de l’océan est un front froid « masqué », avec paradoxalement de l’air moins froid (dans les basses couches tout au moins) derrière le front. Cette situation est peu propice aux développements orageux.
Front froid entre deux cellules anticycloniques
Il ne s’agit pas d’une situation typiquement hivernale. Un nouvel anticyclone, en provenance de l’Atlantique, aura plutôt tendance à fusionner avec un anticyclone existant sur le continent, avec frontolyse complète. Donc pas d’orages à envisager dans ce cas-là.
Orages sur un front froid secondaire, séparant deux masses d’air froid
Ce type d’orage, par contre, est très fréquent en hiver. Il est en plus alimenté par les eaux encore chaudes de la Mer du Nord qui, plus qu’en été, renforcent l’instabilité. Même si ces lignes d’orages ne donnent généralement qu’un ou deux coups de tonnerre, elles passent rarement inaperçues, avec des sautes de vent, des rafales et des précipitations parfois très intenses. Dans certains cas, il peut s’agir de neige, avec d’importants enneigements.
Dans ce cas, le risque d’orage est de loin le plus grand dans la zone côtière.
Orages sur des instants d’occlusion
Ce point mérite d’être ajouté, car il peut amener de très grosses surprises. Un seul exemple permet de l’illustrer. Le 6 décembre 1976, on observe un nimbostratus avec de la neige fondante le matin, puis un temps frais et faiblement instable en journée, avec de petites averses et quelques éclaircies. Ensuite le soir tout se déchaîne, alors que rien ne l’annonçait, avec de la grêle, des éclairs et un tonnerre assourdissant comme lors des plus beaux orages d’été. Le lendemain, notre pays se retrouve dans l’air polaire maritime à l’arrière de la perturbation, qui est même moins froid que l’air polaire maritime à l’avant. Il fait soudain beau et presque doux…
Cet orage, ainsi que celui du 21 février 1999, sont peut-être les orages les plus violents que la région bruxelloise n’ait jamais connu en plein hiver !
Il s’agit d’instabilité au sein d’un front chaud qui, en hiver, ne peut être générée que par le refroidissement (souvent adiabatique) des très hautes couches de l’atmosphère (cf. plus haut). Dans de très rares cas, l’instabilité peut être le fruit d’un passage audessus de terres déjà plus chaudes. Ces situations-là ne concernent que la toute fin de la mauvaise saison, en l’occurrence le mois de mars.