En début de soirée du dimanche 06 juillet 2014, un système convectif quasi linéaire (QLCS) traverse le nord-est de la France, le sud de la Belgique, le Grand Duché de Luxembourg et l’ouest de l’Allemagne. Au sein du système, une cellule orageuse s’intensifie aux frontières du Grand Duché du Luxembourg, de la France et de la Belgique. Au passage de celle-ci, un orage génère de puissantes rafales descendantes provoquent de très importants dégâts, notamment dans les régions de Messancy, d’Aubange, de Pétange, de Differdange, d’Ettelbruck et de Mersch. Au Grand Duché du Luxembourg, de tels dégâts sur une aussi grande étendue n’ont plus été observés depuis de nombreuses années. Notons également que ces orages ont blessés plusieurs personnes.
Exemple de dégâts engendrés par la probable supercellule
Crédit photo : Eric Dargent
Les analyses radars effectuées pour l’instant mettent en évidence la présence d’une zone à forte réflectivité au sein de la ligne convective au moment où celle-ci atteint l’extrême sud de la Belgique. Cette zone indique la présence d’une cellule orageuse vigoureuse à pleine maturité délivrant de violentes rafales de vent et de la grêle.
Les analyses mettent également en évidence la présence d’une inflexion nette et persistante du flanc est de la cellule. Cette inflexion étant la résultante de la survenue d’un puissant « rear inflow jet » (ou RIJ) qui attaque le flanc sud de la cellule. L’intervention d’un « RIJ » a pour effet de rabattre violemment le courant descendant au sol et produire de ce fait de violentes rafales de vent. Sur les radars à haute résolution, l’intensification du RIJ est parfaitement visible par la présence d’encoches de faibles réflectivités au sein même de la structure (encoches que l’on nomme des rear inflow notches ou RIN).
L’intensification s’effectue au moment où la cellule aborde les régions d’Aubange et de Steinfort. Toute cette zone subit dès lors la survenue de rafales descendantes. Au fur et à mesure de sa progression sur le Grand Duché, le RIJ continue d’affecter la cellule orageuse permettant la survenue de violentes rafales descendantes responsables d’importants dégâts, notamment dans la région d’Ettelbruck.
Transition brusque entre les courants ascendant
et descendant de la probable supercellule
Crédit photo : Eric Dargent
Notons que les analyses radars à haute résolution nous permettent d’étayer l’hypothèse d’une évolution supercellulaire de cet orage en structure HP. En effet, la présence d’encoches (RIN) sur le flanc sud de la cellule indique des zones où les vents sont tellement puissants et l’air très sec que les précipitations sont quasiment absentes. Les études américaines sur le sujet mettent en avant une corrélation entre la survenue de RIN et la présence de mésocyclone. Cette hypothèse étant confortée par une nette déformation du flanc sud de la cellule qui « se recroqueville ».
Ainsi, un écho en crochet net et durable est observé sur le flanc est de la cellule ce qui indique probablement la position du mésocyclone. Bien entendu, en l’absence d’images radar Doppler à vitesses radiales, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses. Toujours est-il que certaines vidéos et photographies dénotent la présence d’un arcus que l’on nomme mésocyclonique ou supercellulaire.
Cet arcus, différent de celui qui est observable à l’avant de cellules orageuses de type multicellulaire, est une résultante de la survenue d’un puissant courant descendant de flanc arrière qui entoure le mésocyclone. La différence d’humidité et de températures avec les masses d’air situées de part et d’autre crée une barrière de nuage. Ce n’est donc pas à proprement parler le nuage mur que l’on voit dans ces cas-là mais un arcus qui peut cacher la présence d’un nuage mur.
Arcus probablement supercellulaire développé par l’orage ayant frappé
l’extrême sud-est de la Belgique, le 06 juillet 2014.
Source : Fastowarn
Arcus probablement supercellulaire masquant la présence d’un possible nuage mur.
Crédit photo : Eric Dargent
Pour en revenir au contexte météorologique qui prévalait en cette soirée du 5 juillet, nous avions la présence conjointe d’une masse d’air chaude, humide et instable qui remontait de France et la circulation à haute altitude d’un puissant courant jet. L’est de la Belgique ainsi que le Grand Duché de Luxembourg étaient situés en entrée droite de celui-ci ce qui signifiait la présence d’une accentuation des forçages d’altitude. Dans les basses couches, la survenue d’un courant jet de basses couches était également observée.
Ajoutons à cela la présence d’un vent tournant avec l’altitude et le contexte général qui prévalait en ce 6 juillet 2014 pouvait autoriser la survenue de cellules localement virulentes comme l’indiquait nos prévisions émises sur le site en matinée du 6 juillet. Ainsi, un niveau un avait été délivré sur une bonne moitié est du pays avec la survenue possible de fortes chutes de grêle et de violentes rafales de vent.
Des recherches complémentaires, tant au niveau de l’analyse des images radars que l’analyse des photographies et vidéo prises notamment par un membre du collectif Belgorage ainsi que par nos collègues de Fastowarn vont être menées. Ainsi, des informations complémentaires pourraient être apportées sur le site dans les prochains jours par le biais de cet article. Pour revenir à l’article généraliste, nous vous proposons de consulter la section « brèves et articles ».