L’été 2021 marque un hiatus dans la tendance aux sécheresses estivales observée depuis plusieurs années déjà. Il est en effet au contraire (très) pluvieux, et relativement frais dans sa seconde moitié. En considérant les trois mois de l’été climatologique, juin est sans doute le plus potable et, d’un point de vue statistique, on peut même parler d’un mois chaud. La moyenne thermique du mois est en effet presque deux degrés supérieure à la normale. Fait toutefois remarquable, aucun jour de chaleur (> 30°C) n’est observé pendant ce mois (ni même pendant tout l’été), par contre, le mercure franchit les 25°C à neuf reprises. C’est par ailleurs en date du 18 juin que l’on observe l’apogée de cette chaleur modérée mais durable, avec 29,5°C à Uccle. Ce sera même le summum thermique de tout l’été.
Bilan climatologique de juin 2021 pour Uccle.
Source: IRM
Toutefois, à la différence d’autres mois anormalement chauds observés ces dernières années, juin 2021 voit sa chaleur se combiner avec une certaine humidité, apportant régulièrement un temps lourd et un total de précipitations anormalement élevé. Cette atmosphère donne aussi naissance à de réguliers orages, parmi lesquels certains violents. C’est notamment le cas au début du mois, en milieu de mois (avec l’éruption de tornades le 19) puis en fin de mois. Si le 19 juin constitue la dégradation la plus puissante de l’année, elle est précédée par une autre, peu dommageable mais non moins spectaculaire, qui prend place la nuit du 17 au 18 juin.
Le pattern atmosphérique à l’origine de ces orages est à première vue très classique: un talweg d’altitude plonge sur le proche Atlantique et, avec l’aide d’anticyclones occupant le centre et l’est de l’Europe, redresse le flux au sud-sud-ouest, amenant de l’air maritime tropical sur la Belgique. Pour autant, l’instabilité générée n’est pas extraordinaire, et la dynamique en altitude n’est pas débridée non plus. Les mécanismes de méso-échelle soutenant les orages restent un peu mystérieux (convergence locale? Maximum de vent en basse couche?), surtout que les cellules frappent sur un couloir étroit allant de la Thiérache à la Campine via la Hesbaye namuroise et brabançonne, formant ainsi un train de trois noyaux durs particulièrement puissants et épargnant pratiquement les autres régions.
Dans cette recette météorologique un peu originale, un élément est toutefois parfaitement identifiable: ce sont les cisaillements de vent avec l’altitude. En effet, alors que le vent a tendance à venir du nord-est en basse couche, il tourne rapidement au sud-est puis au sud-sud-ouest plus haut. Ces cisaillements tournants sont excellents pour obtenir des supercellules bien organisées, et c’est justement cette étiquette que l’on peut coller aux deux premiers orages, montrant chacun une structure nuageuse magnifique identifiable à la lumière de l’activité électrique pratiquement ininterrompue. Après avoir traversé tout l’Entre-Sambre-et-Meuse, le premier orage s’affaiblit cependant sur le centre de la Wallonie.
Le second orage est sans doute le plus musclé, notamment dans l’ouest de la province de Namur et l’est du Brabant wallon. Lorsqu’il transite dans les environs de Gembloux vers 3h00, il prend la forme d’un véritable stroboscope s’accompagnant du grondement puissant et continu du tonnerre. Les précipitations diluviennes (localement accompagnées de grêle) provoquent ça et là quelques inondations et coulées de boue. Le vent n’est pas en reste, mais compte tenu de la dynamique de l’orage, il aurait pu être plus violent encore.
Orage supercellulaire observé depuis la région de Bothey, en province de Namur, durant la nuit du 17 au 18 juin 2021.
Le troisième orage est hybride, ressemblant à un multicellulaire abritant peut-être en son sein une supercellule. À la lumière de l’activité électrique à nouveau puissante, les observateurs perçoivent là aussi ce qui est possiblement un mésocyclone marquant une zone de rotation de cet orage. Passant par Gembloux vers 3h45, il délivre à son tour de fortes précipitations sur ce secteur, ainsi que sur l’est du Brabant wallon. Le vent est lui aussi sensible, sans être violent. Ces orages poursuivent ensuite leur route en Flandre alors que l’aube pointe.
Compte tenu de la puissante organisation de ces cellules orageuses, des dégâts auraient pu être constatés; ils sont heureusement peu nombreux. C’est dès lors le spectacle des structures nuageuses éclairées par la violente activité électrique ainsi que les fortes précipitations qui auront été le point d’orgue de ces orages peu communs.
Un article plus complet sur cette dégradation est disponible ici: 17-08/06/2021 – Orages supercellulaires nocturnes