Celui qui se penche sur les événements des 7, 8 et 9 juin 2014 pensera immanquablement au Tornado Outbreak de 1967, tant la situation atmosphérique y est similaire. Sauf que 1967 a donné les pires tornades que l’Europe du nord-ouest n’ait jamais connues alors qu’en 2014, il n’y a pas eu de tornades.
Pourquoi ?
On ne le saura peut-être jamais.
Mais l’épisode de juin 2014 n’est pas en reste en termes de phénomènes violents. Déjà la situation générale peut être considérée comme particulièrement explosive. Il s’agit en fait d’un jeu à trois acteurs :
- Un flux général de sud-ouest à sud-sud-ouest qui nous ramène de l’air tropical humide et chaud et qui présente pas mal d’irrégularités sous forme de dépressions thermiques et de lignes de convergence.
- Une brise de mer, qui est par moment renforcée par des hautes pressions thermiques sur les eaux encore froides de la Mer du Nord et qui, de ce fait, pénètre parfois fort loin à l’intérieur des terres.
- Une masse d’air plus chaude et plus sèche par effet de foehn sur les Pyrénées, qui intéresse de vastes régions sur la France et l’Allemagne et qui déborde temporairement sur le sud de notre pays.
Cette situation complexe, dans un contexte instable, crée pas mal de zones à fort cisaillement des vents, ainsi que des discontinuités thermiques responsables d’inversions « couvercle » qui retiennent un temps la convection, mais la rendent explosive au moment où l’inversion cède.
L’illustration ci-dessous montre à quel point la situation est par moment complexe.
On voit notamment que, même si le refroidissement nocturne est déjà intervenu dans les basses couches, les contrastes de températures et de vents qui persistent dans les couches moyennes et supérieures continuent à alimenter des tours convectives à haut potentiel orageux.
On retiendra du 7 juin :
- Une supercellule née à Béthune en France et qui traverse l’ouest du pays en suivant le front de brise de mer avant de rejoindre Terneuzen au Pays-Bas. Elle donne de fortes chutes de grêle, notamment à Wingene où les grêlons atteignent des tailles jusqu’à 6 à 7 cm. À Knesselaere, le « tapis » de grêle donne temporairement au paysage des allures hivernales.
- Une supercellule née à Ath, qui affectera fortement Bruxelles, puis poursuivra sa route jusqu’à Mol. On se souviendra des grêlons de 5 à 6 cm qui tombent en plein sur un match de football.
Knesselaere – Crédit photo : Nancy Van Parys (Het Nieuwsblad)
On retiendra du 8 juin :
- Une supercellule matinale née à Thin-Le-Moutier (France) et se dirigeant depuis le sud de notre pays vers la province de Liège, où elle se transforme en écho en arc.
- Une supercellule se développant le soir à Roulers (née de la fusion de deux orages) et parcourant l’ouest de notre pays durant la nuit avant de s’effondrer dans la région de Hoogstraten aux Pays-Bas. Elle est responsable de fortes chutes de grêle sur Aalter, sur Lokeren (7 cm) et sur la région anversoise. En plus, elle développe une puissante rafale descendante au nord-ouest de Gand. À noter qu’un storm splitting survenant au-dessus d’Aalter génère une autre supercellule (moteur gauche) qui se dirige vers Aalburg (Pays-Bas) mais dont la structure est moins stable. Celle-ci donne néanmoins de fortes pluies ainsi que de la grêle.
- Une supercellule formée en fin de soirée du côté de Mariembourg, se dirigeant vers la vallée de la Meuse et la province de Liège avant de décliner en Allemagne. Elle est accompagnée de très fortes chutes de grêle, heureusement dans des régions peu habitées.
Grêlon de Lokeren – Crédit photo : Frédéric Schroyens
On retiendra du 9 juin :
- Une supercellule née aux Hautes Rivières (France) transite par Daverdisse (non loin de Bièvre) en y déversant un déluge de grêle. Ensuite elle se divise avec un moteur gauche se dirigeant vers Rochefort et un moteur droit, très puissant, se dirigeant vers Saint-Hubert avec, là aussi, de violentes chutes de grêle. Ensuite le système évolue en multicellulaire se renforçant à nouveau jusqu’à former un probable derecho. On notera, pour cette supercellule, qu’elle est en partie influencée par une sorte de « dry line » à l’américaine, séparant l’air sec et très chaud du sud de notre pays d’un air beaucoup plus humide et un brin moins chaud sur les autres régions. Ce phénomène est digne d’être souligné car il est très rare dans nos régions. Mais en 1967, lors du tornado Outbreak, on avait également identifié une « dry line »
Enfin, la photo ci-dessous montre de l’ambiance qui régnait sur nos plateaux ardennais en ce 9 juin 2014.
Orage supercellulaire sévissant dans la région de Saint-Hubert en province de luxembourg
observé depuis la région de Journal située dans la même province.
Des articles sur ces évènements sont disponibles via les liens suivants :
Un dossier a aussi été réalisé sur ces trois journées exceptionnelles. Nous vous invitons à le consulter via le lien suivant : Supercell Outbreak des 7, 8 et 9 juin 2014.